Les publications en ligne font l'objet de constantes mises à jour et nouveaux enrichissements. Il va de soi qu'elles n'engagent que leur auteur dans le choix des sources et le fruit de ses imagination et réflexion.

 

 

Le nouveau permis de conduire l’humain

On les appelle les Executives de cette guerre des temps modernes qu’est la compétition économique à l’échelle planétaire. Ils ne tiennent plus en mains le glaive ou le pistolet, mais le mobile et tout l’attirail de la connexion permanente à leur terrain d’intervention, une société qualifiée de moderne tout en étant écartelée entre apparent confort et réels tourments. Ce sont des conquérants. Les mauvaises langues diraient des "cons (que) errants", à on ne sait pas trop quoi….

Executive en français signifie exécuteur, au propre comme au figuré. Peut-on concilier l’art de la guerre et le bien de l’homme ? Je vous laisse répondre en votre conscience à cette question. Toujours est-il que leur discours continue à mettre en avant comme finalité de leur mission le bien de l’humain et l’intérêt des peuples, à travers un humanisme altruiste, tout en se traduisant dans leurs actions par des résultats historiquement observables, à savoir la division, la peur, et le rejet de l’autre, lorsque ce dernier ne pense pas comme le dogme ou la doxa érigés.

 

Cinq grands marqueurs caractérisent notre situation actuelle, en tout cas dans cette partie du monde occidental :

. Une paix en apparence durable depuis 1945, en raison de la dissuasion nucléaire et biologique ;

. Une société d’hyper consommation, bâtie sur l’axiome là où il y a un marché il y a une offre, avec sa promesse du bien-être encouragé par le culte du narcissisme tel que l'exprime le slogan de jadis de la société L’Oréal "Parce que je le vaux bien" ;

. Une révolution technologique d’envergure, le numérique, assurant la multi connexion transfrontière et en temps réel ;

. L’élévation constante du savoir et des connaissances, avec comme corollaire une moindre dépendance des personnes aux institutions et à ce(ux) qui est nommé "élites", et qui tentent d'en renforcer le contrôle par la censure et les guignolades du "fact-checking", les kapos de la société mondialiste totalitaire ;

. Le positivisme scientifique, et son emprise sur la vision partagée du monde comme la croyance dans les vertus protectrices des soi-disant vaccins, en fait des thérapies géniques.

Se greffe par conséquence un état des lieux préoccupant, tout particulièrement quant au mal-être au travail : stress, burnout, dépression, harcèlement, agressivité, méfiance, défiance, discrimination, désengagement, consommation croissante d’antidépresseurs, alcoolisme, suicide, tensions conflictuelles… L'ascenseur social est de son côté en panne, et le travail est en crise. Son évaluation, ou appréciation, est biaisée par le prisme de procédures imposées par des exigences d'efficacité spéculative qui dépassent trop souvent le cadre de l'entreprise. L'organisation de la production du travail conduit alors régulièrement à gérer ces ressources sans humanité profonde, simplement d’apparence, et il n'est donc pas nécessaire d'être le diable pour le devenir.

 

Des Cons(que)errants

Pérou, Amérique du Sud, entre 1573 et 1812. Après quarante ans de batailles terribles, l’empire inca vient de tomber aux mains des  conquistadores espagnols, menés par Francisco Pizarro (1475/1541 -Cf. image 2) et Diego de Almagro (1475/1538). Pour près de deux cent communautés indigènes, c’est le début d’un long calvaire. Car les conquistadores leur imposent un régime de travail forcé : la mita*. Un septième des hommes doivent partir à 1 000 kilomètres de là, dans les mines d’argent de Potosí (en Bolivie actuelle) et dans les mines de mercure de Huancavelica. Les conditions de travail y sont épouvantables, et beaucoup d’hommes ne reviennent jamais chez eux. Pour couronner le tout, les colons empêchent les indigènes de développer leur propre activité économique !

C’est une vraie tragédie. Mais elle ne s’arrête pas là. Cinq siècles plus tard, les descendants des indigènes touchés par la mita sont toujours 25% plus pauvres que les autres ! Ils sont plus isolés, moins éduqués, et leurs enfants souffrent de troubles du développement. Les institutions, comme celles mises en place par les conquistadores, jouent de ce fait un rôle très important. Et leur effet peut durer très longtemps. Parfois pour le meilleur, mais aussi pour le pire !

* Ce mot donnera dans la langue française le mitard, soit un cachot, cellule de prison spéciale où sont enfermés les détenus qui ont commis une faute. Le mitard est un lieu d'isolement pour les prisonniers au sein d'un quartier disciplinaire.

 

L’exercice du pouvoir sur les autres est un pouvoir dit politique, au sens institutionnel, structurel. L’étymologie du mot politique vient du grec politikè qui signifie sciences des affaires de la Cité, c’est-à-dire la connaissance de l’exercice de responsabilité de l’animation de son organisation et de son fonctionnement. Elle vaut pour la Cité publique comme privée, entreprise, association, famille, toutes étant à l’unisson du bien vivre ensemble. En bonne démocratie, le seul critère de réussite d'une personne exerçant un pouvoir sur autrui est sa contribution à l'intérêt général, supérieur, fût-ce au détriment de sa popularité. Il a de ce fait un caractère sacré, celui de l’éthique du vivant, de son service. Si tel n'est pas le cas, il est d'origine inférieure, et tend à abaisser celui qui l'exerce et ceux sur qui il s'exerce.

Aussi son exercice accompli ne peut que reposer sur l’état de conscience des personnes placées en situation. Ce pouvoir l’est-t-il au service de leur ambition, de leur fierté, de leur soumission à l’autorité qui le leur délègue, de leur pathologie perverse dans leur relation à autrui, ou de leur éthique profonde fondée sur le sens du bien commun et de l’amour d’autrui ? Dis-moi comment tu te conduis avec autrui et je te dirai qui tu es. L’exercice de l’autorité n’est rien d’autre que l’effet miroir de notre compréhension de l’Univers et de l’harmonie du vivant en son sein.

 

En l’état actuel de la conscience humaine, l’exercice du pouvoir sur autrui découle le plus souvent d’une pathologie* et non d’une capacité, liée aux croyances et conditionnements inculqués comme aux illusions sur sa véritable maîtrise. La plupart des personnes intéressées à l’exercice ressentent soit un profond sentiment de supériorité, soit un complexe d’infériorité, en règle générale non conscientisé. Dans les deux cas, elles ont une vision de leur place dans l’univers fondée sur la séparation, non sur l’union. Tout en se réfugiant derrière cet élément de langage qu’est le "sens de l’intérêt général et du bien commun", elles éprouvent le besoin de se comparer continuellement aux autres pour faire valoir leurs mérites et qualités et obtenir les prébendes escomptées, parmi lesquelles un pouvoir supérieur ou leur survie dans le système. Elles veulent prouver cette capacité au "monde entier" comme à elles-mêmes, peu importe les mensonges et compromis sacrifiés à l’autel de leur réussite ou de leur survie.

Le système est fort. Maintenant le plus grand nombre dans l’ignorance des effets délétères de cette pathologie, ou marginalisant celles et ceux qui iraient à son encontre, il base l’exercice du pouvoir sur une lutte constante, d’abord pour son appropriation, puis pour sa conservation à partir d’une délégation appropriée. Comment alors s’étonner de la souffrance relationnelle qui découle d’un exercice aussi profane des affaires humaines ? L’illustration du vécu en entreprise est éclairant, pouvant sans difficulté être transposé à nombre d’autres institutions, y compris déclarées d’intérêt public (sic) ou à caractère social (resic).

* Cf. Les psychopathes qui nous gouvernent.

 

Les fondements de la conduite de l’humain

 

En Occident, avant la Réforme protestante, l’Église détenait l’ensemble des pouvoirs. Cette institution pyramidale* constituait le seul moyen de se rapprocher de Dieu, l'Unité créatrice et non une entité ayant figure humaine. Mais une fois que l'imprimerie a décentralisé l'information, les gens ont pu lire la Bible eux-mêmes et ont découvert qu'ils n'avaient finalement pas besoin de l’Église. Et l’Église a alors perdu son pouvoir.

Ce monopole perdu a laissé la place au développement. Nous sommes alors entrés dans l'âge de la Renaissance,une période marquée par l’avènement de la science et de la technologie, deux évolutions à l’origine de la Révolution industrielle, environ 250 ans plus tard, qui a donné naissance à une technologie nous permettant à nouveau de nous centraliser. Les habitants ont délaissé la campagne au profit de la ville. Nous avons construit des usines géantes. Nous avons construit des villes géantes. Les États-nations sont devenus fortement centralisés.

* Cf. Le modèle pyramidal décodé.

 

Nous sommes maintenant à la fin de cette période de 250 ans. Nous entrons dans le cycle où la tendance est à l'éloignement de la centralisation. Nous avons atteint le sommet de la centralisation et nous nous dirigeons vers la décentralisation. Ce sont les cycles de l'histoire. Ils nous indiquent que la situation commence à s’inverser, puisque les révolutions sont invariablement dirigées contre les établissements centralisés, et en faveur de la décentralisation. Elles se produisent tous les 250 ans environ en moyenne. Si nous regardons en arrière dans l'Histoire, tous les 84 ans, une révolution ou un soulèvement populiste se produit, et tous les 250 ans, nous faisons face à une révolution...

Cf. Travaux de l'historien anthropologue évolutionniste russo - américain Peter Turchin (Piotr Valentinovitch Tourtchine), spécialisé dans l'évolution culturelle et la cliodynamique, qui a exploré les cycles historiques de désintégration et d'intégration sociales sur des cycles de 50, 150 et 200 ans dans son almanach de la civilisation Ages of Discord - A Structural-Demographic Analysis of American History (non traduit en français) publié en 2016. La cliodynamique est un domaine de recherche transdisciplinaire qui intègre l'évolution culturelle, l'histoire quantitative, la macrosociologie, la modélisation mathématique des processus historiques sur le temps long, et la construction et l'analyse de bases de données historiques.

 

Réalité contemporaine

Le salaire réel d'un travailleur américain est aujourd'hui inférieur à ce qu'il était il y a 40 ans. Mais il y a quatre fois plus de multimillionnaires... Plus les inégalités se creusent, plus la politique devient empoisonnée. Ainsi, chaque année, de plus en plus d'Américains se lancent dans des fusillades, tuant des inconnus et des passants, voire de plus en plus des représentants de l'État. Si les intellectuels publics et les spécialistes des sciences sociales ne cessent de discuter de ces tendances inquiétantes, ils ne parlent cependant la plupart du temps que d'une petite partie du problème global.

L'analyse historique montre en effet que les longues périodes de prospérité équitable et de paix intérieure sont suivies de longues périodes d'inégalité, de misère croissante et d'instabilité politique. Ces périodes de crise, les "âges de la discorde", se sont répétées dans les sociétés à travers l'histoire. C'est pourquoi les États-Unis ont actuellement beaucoup en commun avec les années 1850 de l'Antebellum, "avant la guerre" en latin, et, plus étonnamment, avec la France de l'ancien régime à la veille de la Révolution française. Il y eut l'ère des bons sentiments des années 1820 à la première ère de discorde, qui a culminé avec la guerre civile américaine. Puis il y eut la prospérité de l'après-guerre, avant que de conduire à la deuxième ère de discorde, actuelle il va sans dire.

 

De la longévité entrepreneuriale

A Osaka, Japon, au VI° siècle, le prince Shōtoku Taishi (574/622 )est en pleine tourmente. Il souhaite imposer la religion bouddhiste mais le clan Monobe lui oppose une résistance féroce et tente de le bouter hors du Japon. Shōtoku, qui n’est pas homme à se laisser abattre, se fait une promesse : s’il gagne la bataille, il fera construire un temple majestueux en l’honneur des rois célestes du bouddhisme, les shitennō.

Après une lutte intense, il sort victorieux et, pour honorer sa promesse hardie, il emploie les grands moyens. Pour construire le célèbre temple Shi Tennō-ji (Cf. photo 1), il fait appel à un groupe de charpentiers venant de Corée, les Kongō Gumi. Il ne le sait pas encore, mais il vient de faire appel à une entreprise promise à une longévité exceptionnelle. Car l’entreprise Kabushiki Gaisha Kongō Gumi, fondée en 578, se maintiendra jusqu’en 2006, soit quatorze siècles ! Dans notre monde actuel, de nombreuses entreprises ont une longévité remarquable. Près de cinq mille entreprises ont en effet plus de 200 ans.

 

Le degré de centralisation du pouvoir - Cliquer pour agrandir
Le degré de centralisation du pouvoir - Cliquer pour agrandir

Le terme couramment usité est celui de "management", englobant la conduite des activités et des individus par celles et ceux qui en ont la charge. Il relève d'un usage récent, l'Académie française l'ayant adopté en 1973. Sa pratique remonte dès l’apparition des premiers collectifs humains, de façon plus intuitive et moins standardisée que ne le veulent les critères de performance économique de notre société contemporaine. Elle repose sur l'axiome de l'efficacité de l’organisation du travail, nécessitant que celui-ci soit divisé, de manière verticale (séparation des tâches d’encadrement et d’exécution) comme horizontale (répartition des tâches entre salariés d’un même niveau hiérarchique). La répartition des tâches et des responsabilités conduit naturellement à définir précisément des postes de travail pour chaque membre de l’organisation.

Elle n’a eu de cesse de croître de manière empirique. D’abord pour répondre à l’œuvre gigantesque des bâtisseurs, comme l'érection des pyramides plusieurs millénaires avant J.-C., ou plus tard de la grande muraille de Chine et des cathédrales. Ensuite pour les nécessités de la guerre et des conquêtes, le célèbre traité du militaire chinois Sun Tzu consacré à L'Art de la guerre en 400 av. J.-C. exposant des principes stratégiques et méthodologiques qui ne sont pas sans rappeler certaines pratiques toujours d’actualité. Tout comme Le Prince du penseur humaniste florentin Nicolas Machiavel (1469/1527), livre de chevet incontournable de celui ou celle se destinant à l’exercice du pouvoir.

Cette intelligence collective s'organise sur le modèle "patriarcal" de la pyramide*, ce qui permet de coordonner et de maximiser la puissance de la multitude. Elle coïncide avec la naissance de l’écriture et le début des grandes civilisations, qui ouvrent une mutation inédite de l’histoire de l’humanité, marquée par une explosion de complexités et de changements massifs tels que l’arrivée de l’agriculture, la sédentarisation, la spécialisation du travail et l’urbanisation des territoires. L’écriture constitue la technologie centrale permettant à l’intelligence collective pyramidale de fonctionner. On peut ainsi sortir des traditions orales où il faut se trouver dans le même espace-temps pour communiquer. L’écriture a alors permis de transmettre des directives, d’administrer, de compter.

Le fameux travail à la chaîne qui a contribué au succès comme à la renommée de son maître tacticien Henry Ford au vingtième siècle, était quant à lui déjà pratiqué à l'Arsenal de Venise plusieurs siècles avant, et permit de contribuer de manière déterminante à la construction de l’empire vénitien par le quadruplement de sa puissance navale au XII° siècle.

* Cf. Le modèle pyramidal décodé.

 

De la centralisation du pouvoir

Il existe deux grands degrés de centralisation du pouvoir. 

Lorsque le dirigeant prend seul les décisions et les fait appliquer à ses subordonnés, le pouvoir est entre ses mains : il est centralisé au sommet hiérarchique.

Lorsque le dirigeant délègue son pouvoir de décision à la ligne hiérarchique qui assure la liaison entre le sommet hiérarchique et les exécutants, le pouvoir est décentralisé avec un partage des responsabilités entre les salariés. Il lui est alors nécessaire d'exercer un contrôle sur la ligne hiérarchique à qui il a confié le pouvoir de décision, et ce par la mise en place un système de "reporting" qui lui permet de contrôler les résultats de ses équipes.

 

Des mécanismes de coordination

L'universitaire canadien en sciences de gestion Henry Mintzberg, auteur prolifique d'ouvrages de management sur l'emploi du temps des cadres dirigeants, l'efficacité managériale, la structure des organisations, le pouvoir, la planification stratégique, a mis en évidence six mécanismes de coordination qui permettent de coordonner les tâches réparties entre les membres de l’organisation. N'étant pas exclusifs, ils peuvent se combiner afin de s'adapter à l’environnement dans lequel évolue l’organisation. Si l’environnement devient complexe et changeant, l’organisation doit veiller à faire évoluer parallèlement les mécanismes de coordination utilisés afin d’assurer une cohérence de l’ensemble du travail à réaliser.

– l’ajustement mutuel, qui permet de coordonner le travail par simple communication informelle;

– la supervision directe, qui consiste pour un salarié à recevoir des ordres de son supérieur hiérarchique;

– la standardisation des procédés de travail, consistant à définir des procédures de travail suivies à la lettre par les salariés (ces procédures peuvent être automatisées);

– la standardisation des résultats, qui consiste à fixer des objectifs à atteindre avec un système de contrôle des résultats (reporting);

– la standardisation des qualifications, utilisée quand le travail nécessite une large autonomie liée à la formation spécifique du membre de l’organisation;

– la standardisation des normes, consistant pour les membres de l’organisation à adhérer à des valeurs collectives partagées.

Dans une organisation rigide, les individus sont spécialisés et encadrés (forte hiérarchie), les mécanismes de coordination privilégiés étant la supervision directe (division verticale du travail) et la standardisation des procédés de travail.

Dans une organisation souple, les individus sont polyvalents, autonomes et responsables. Les mécanismes de coordination privilégiés sont alors l’ajustement mutuel, la standardisation des qualifications et des résultats.

 

La production, qui consiste à transformer des ressources (matières, énergie…) à l’aide de moyens de production (équipements, travail...) en biens et/ou services pour les mettre à la disposition d’un client ou d’un usager moyennant une contrepartie financière sous forme directe ou indirecte (impôt ou taxe), constitue l'essence du fonctionnement économique d'une société humaine.

Elle repose sur deux systèmes de pilotage de la production, le flux poussé et le flux tendu. Le pilotage de la production en flux poussés consiste à produire à partir de prévisions de demande pour constituer des stocks aux différents stades de la production. Le pilotage de la production à flux tendus consiste à tendre les flux et à produire à la commande du client.

Il en découle la recherche permanente de l'optimisation de la gestion de la chaîne logistique, afin de faire circuler plus rapidement les flux physiques et les flux d’informations entre l’organisation et ses partenaires. Cela va conduire à une baisse des coûts et une réduction des délais pour l’organisation, tout en veillant à l'exigence de qualité produite afin de satisfaire les attentes des clients ou des usagers dans le but de les fidéliser et d’en conquérir de nouveaux, pour ce faisant assurer son développement et sa pérennité.

 

L'émergence du travail productif

La notion de "surtravail" s'est remarquée dans les sociétés du néolithique qui se servaient d’une "caste" de scribes pour noter les stocks, les productions artisanales, les victoires militaires, etc. C’est aussi durant cette période que sont apparus les premiers "plans de ville". Il en a été découvert sur les sites anatoliens (péninsule située à l'extrémité occidentale de l'Asie) en particulier. Ce type de civilisation qui s’étendra par la suite un peu partout autour de la Méditerranée et ailleurs, comme en Chine, signifie un changement de paradigme global, que les textes les plus anciens attribuent à l’arrivée de dieux qui ont certes apporté l’agriculture, l’écriture, etc, mais qui considéraient l’homme comme du bétail *. L’agriculture est révélatrice de ce changement de paradigme, comme l’explique très bien l'auteure états-unienne Lierre Keith dans son livre The Vegetarian Myth  (publié en 2009), qui liste tous les effets destructeurs de l’agriculture sur l’environnement. Il va sans dire qu'elle est pourfendue comme activiste féministe réac par la communauté des végétariens et végétaliens illusionnés*² par les artifices créés par le système ...

Ce changement global s’est sans aucun doute accompagné d’un changement idéologique. Ces processus machiniques marqués, à l’origine du "surtravail" et du "surproduit", s’accompagnent de complexes de pouvoirs sectorisés qui se sont appropriés tous les domaines de la vie. L’appareil de capture despotique autrefois "anticipé-conjuré" par les sociétés primitives se développe, un peu comme un cancer, en "paralysant", c’est-à-dire en tuant et en s’accaparant la vie, autour d’un centre "vertical" et tout un ensemble de machines concentrées autour d’un pouvoir double, à la fois lieur et législateur.

Nous passons ainsi en quelque sorte d’un système "ouvert" à un système "fermé", ce qui d’un point de vue psychologique, est très révélateur. Le psychiatre et psychanalyste autrichien Wilhelm Reich (1897/1957 - photo 2) parle de "cuirasse" comme séparation égotique qui empêche la circulation de l’énergie et forme une "stagnation" donnant lieu à une individualité traversée de tensions et d’anxiété. Plusieurs auteurs se penchent sur le lien entre ce type de personnalité et la société, dont en particulier le professeur en psychologie Bob Altemeyer dans The Authoritarians et le psychiatre polonais Andrew Lobaczewski (1901/2008) dans Ponérologie politique ; étude de la genèse du mal appliqué à des fins politiques.

* Cf. La nouvelle religion universelle, Compréhension structurelle de la Matrice asservissante, Les acteurs de la Matrice falsifiée.

Cf. Conscience nutritionnelle.

 

"Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du travail, et la plus grande partie de l’habileté, de l’adresse, et de l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qu’il semble, à la division du travail."

Adam Smith (1723/1790), philosophe et économiste écossais, père des sciences économiques modernes, dont l'œuvre principale, publiée en 1776, La Richesse des nations, est un des textes fondateurs du libéralisme économique.

 

"Les entreprises sont des îlots de pouvoir conscient dans un océan de coopération inconsciente."

Sir Dennis Holme Robertson (1890/1963), économiste britannique

 

La dérive du management d’activité

 

Le système capitalisme est un système dont le moteur est le profit, qui permet à celui qui est détenteur d’un capital de prélever une part du produit du travail. Ce n’est pas un système dont la finalité première est de produire pour les besoins, c’est un système dont la finalité est de produire du profit pour accumuler des richesses. En accumulant des richesses, il produit un ordre social. Quand la satisfaction des besoins est rentable, on les satisfait. Quand ce n’est plus rentable, on arrête. On ferme les entreprises et on met les salariés au chômage. Quand le profit n’est plus suffisant, le système cesse de produire, même si les besoins existent.

Ce qui fait l’efficacité exceptionnelle du système capitaliste, c’est donc la contrainte du profit. En conséquence, si un projet ne produit plus le taux de profit moyen, il est éliminé. Le profit est une contrainte déflationniste ; avec son complément, la concurrence, il oblige à éliminer les investissements et les productions qui ne sont pas rentables.

Son efficacité est d'être un très bon producteur de biens et services. Son inconvénient est d'être un très médiocre répartiteur. Le système capitaliste a les avantages de ses inconvénients. Les autres systèmes qui ont été essayés n’ont pas donné de très bons résultats. Ils se sont mal terminés, avec en plus, entre temps, des bains de sang et des atteintes aux libertés – voire à la Liberté.

 

Le capitalisme managérial

 

La révolution industrielle, amorcée en Europe au dix-huitième siècle, va voir une accélération continue du management des hommes nécessaires au besoin d’activités en constante croissance à partir du milieu du dix-neuvième siècle, et qui devient déterminant après les affres de la grande dépression des années 1930 aux États-Unis. Un nouveau capitalisme se met en place, à partir d’une génération de nouveaux "dirigeants et manageurs" récupérant la direction effective de grandes entreprises souvent dévolues antérieurement à leurs propriétaires entrepreneurs fondateurs. Cette nouvelle configuration voit la constitution de grandes firmes à partir d’une concentration de capitaux qui génère mécaniquement une dispersion des actionnariats. Les dirigeants s'émancipent ainsi du contrôle de leurs actionnaires dans leur pilotage de l’activité, d’autant plus en raison d’une forte complexification des tâches de direction. On assiste en effet à l’apparition de "technostructures", composées de gestionnaires et de manageurs professionnels porteurs de connaissances technologiques, structurelles et organisationnelles spécifiques. Cette forme de capitalisme managérial, reposant sur une approche scientifique du management, trouvera son apogée durant la période de croissance dite vertueuse des Trente glorieuses. Elle consacre un modèle économique tout puissant, celui d’une société salariale, industrielle, mécaniste, productiviste, à la structure hiérarchique verticale et de nature quantifiée. Elle est porteuse d’une conception puritaine du travail, qui le célèbre comme valeur première au même titre que la famille. Dans cette célébration de l’hémisphère gauche tout puissant du cerveau se trouve les germes de la méfiance du repos, de l’oisiveté, de la rêverie, de la contemplation, de l’intuition, du détachement…, soit les valeurs relevant du féminin sacré propres à l’hémisphère droit du cerveau des mêmes personnes.

Le profond déséquilibre est en place, dans un monde permettant désormais une élévation continue du niveau de vie et un accès facilité à la culture et à l’information à de plus en plus de personnes.

 

La main invisible des marchés

 

Un nouveau cycle émerge progressivement à partir du milieu des années 1970 par la nature même de nouveaux propriétaires investisseurs, qualifiés de "main invisible" car en majorité investisseurs institutionnels. C’est une métamorphose du capitalisme, qualifiée de néo-libérale. Elle a pour fond la concurrence mondiale exacerbée d’entreprises désireuses de devenir encore plus grosses, une politique anglo-saxonne dominante et conservatrice (Cf. les années quatre-vingt de Reagan & Thatcher), et une pratique financière toujours plus sophistiquée. Elles conduisent dirigeants et manageurs à se positionner comme agents et relais subordonnés des seuls actionnaires. Leur feuille de route est axée sur l’élimination de tout facteur pouvant entraver la libre compétition, la rentabilité de l’activité, et la valeur client dans sa conquête, sa fidélisation et sa rétention.

Le contexte est celui d’une compétition extrême, qui ne peut que conduire à un "enfer guerrier", non plus sur les champs de bataille de jadis mais sur ses nouveaux territoires d’expression. De nouvelles règles de gouvernance s'imposent, qui se traduisent par un contrôle potentiellement accru des dirigeants. Elles amènent le fonctionnement de l’organisation et le management des grandes firmes à se redéfinir : pilotage par vision projet, recentrage stratégique sur les compétences clés, polarisation amont et aval du process des activités immatérielles créatrices de valeur, optimisation continue et lean management ("la gestion au plus juste") etc.

De manière logique, ce retour à la coercition, à l’alignement et au dressage pragmatiques, est puissamment encadré pour ne pas dire verrouillé par des dispositifs "néo-tayloriens" aux méthodes d’évaluation impartiale, objective et rationnelle, imposés pour la plupart de l'extérieur, par des experts, et tout particulièrement les firmes du conseil et de l’audit aux coûts exorbitants. Leurs représentants et intervenants sont formés au même moule éducatif – tout particulièrement les business schools - que leurs coreligionnaires en entreprise, quand ils ne s’y substituent pas au passage. Cette endogamie élitiste porte en elle les germes du poison mortel à venir : des égos vulgaires qui se congratulent mutuellement, la régulation des conflits, la recherche du compromis.

 

Les conséquences de cette évolution ne sont pas sans effets pervers.

D’abord, l’appel à des individus "robots biologiques"* capables de soutenir sans état d’âme une telle lutte, mission confiée généralement à des cabinets de chasse, de prédateurs s’entend. Puis en soutien de cette force de propulsion la flambée des rémunérations, illustrées notamment par la négociation de parachutes plus ou moins dorés, pour contrebalancer certes la précarité grandissante des postes de direction suprême, mais également correspondre à des personnalités mues quasi-exclusivement par les récompenses extrinsèques, celles qui flattent leur ego sur vitaminé, leur vision du monde autocentrée, et la bassesse de leurs aspirations.

Ensuite, des coûts sociaux élevés, jamais suffisamment évalués à leur juste valeur, ainsi que le dépassement du seuil tolérable d'exigence des contributions et implications demandées. L'instrumentation de ce type de gouvernance par les process, et, plus généralement par la prolifération des outils de contrôle, ne peut que déboucher sur la défiance, la méfiance, le désengagement, la perte de créativité… et de nombreuses pathologies de nature psychosomatique.

Enfin, l’application de ces dispositifs conduit une partie des encadrants, par aveuglement enthousiaste ou soumission veule à l'idéologie de la carotte et du bâton, à se transformer en gestionnaires mécaniques, rationnels et froids, éloignés du terrain et de sa réalité, affaiblissant par l’atmosphère pesante, lourde et opaque qu’ils font régner la seule sève digne de l’humain, la vitalité que procurent les sentiments d’appartenance commune, d’engagement et de création, de reconnaissance et de respect, qui plus est dans un contexte plaçant pourtant le savoir au cœur de l’économie.

Cf. Les acteurs de la Matrice falsifiée & Les psychopathes qui nous gouvernent.

 

Le pourquoi de la récession

Les stratégies financières actuelles visent à éliminer les acteurs économiques plus petits pour renforcer les grandes entités monopolistiques et impérialistes… en utilisant la récession comme un outil de régulation. La réalité est qu'en Bourse, sur le marché financier, il n’y a plus de règles, plus de théorie valable, plus d’expérience qui puissent servir de guide. Seul compte le miracle de la tendance, le "momentum". Il faut surfer, sans chercher à comprendre, simplement disposer des meilleurs outils de suivi. Il faut suivre, autrement dit être obéissant. Il faut avoir une mentalité de représentant de commerce, naïf, soumis, qui n’a pour but dans la vie que de faire du chiffre et toucher des commissions. Il ne faut pas vouloir être un acteur. Il faut accepter de n’être qu’un joueur, qui participe à une loterie dont seuls quelques initiés ont les clefs et comprennent la logique. Le fondamental des marchés est périmé, obsolète.

Nous n’avons plus un marché, mais un espace qui accomplit les fonctions bancaires traditionnelles, la transformation, le drainage, etc. L’intelligence qui, dans le passé, régulait le crédit et l’allocation des ressources, est rendue inutile. Elle est transférée sur l’inconscient boursier, les arc-réflexes pavloviens, les robots, le Ponzi, le tout assuré et piloté par la banque centrale.

Il y a tout simplement eu dépossession. Par touches successives, subreptices, les banques centrales qui n’avaient comme outils que la manipulation du court terme se sont rendues maîtresses du long terme. Il n’existe plus que comme une succession de courts termes donc ils ont tout sous contrôle ! Le marché est une colossale banque, et s'il accomplit les mêmes fonctions, il est régi non par l’intelligence et la rationalité des analystes financiers, mais par le jeu, l’instinct moutonnier, l’appétit spéculatif encadré par la banque centrale et relayé par les agences, les faux gourous et les grands médias. Ceci entend que les autorités exercent leur pouvoir, leur contrôle à des fins autres que l’intérêt des investisseurs et celui de l’économie. Elles exercent leur pouvoir au-delà même de l’intérêt général. Elles exercent leur pouvoir au profit du système. Au profit de l’ordre et des classes sociales qui en bénéficient.

C'est la même situation qu’en matière de politique internationale et de géopolitique, où les acteurs dominants du système ont détruit les lois internationales pour imposer des règles qui leur sont favorables. Des règles biaisées au service d’un agenda ! Le marché financier est ainsi régi par la loi du plus fort, comme l’est le monde. Les acteurs n’ont qu’à s’incliner. C’est une structure générale que l’on retrouve dans presque tous les domaines : la dépossession et la soumission au service de la reproduction de la domination.

 

Comment dans ce contexte d’impasse ontologique de la nature humaine permettre à la conscience d’évoluer ? Comment prétendre à créer une légende ?

 

Prédation financière

 

Le mot "finance" vient de l’ancien français finer qui signifie payer, "mettre à bonne fin", forme altérée de finir, amener à fin. Le mot fin en ancien français désigne l’argent. En latin médiéval, on retrouve le mot financia qui signifie "redevance".

 

Et pourtant...

Irlande, 4 mai 1970. C’est la catastrophe ! Le journal Irish Independent vient d’annoncer une nouvelle très inquiétante : les banquiers sont en grève et toutes les banques du pays sont fermées jusqu’à nouvel ordre !  De nombreuses questions jaillissent. Sans banques, comment va-t-il être possible de payer ses achats ? Faut-il aller retirer toutes ses économies et les stocker sous l’oreiller ? Six mois plus tard, la grève est terminée. Et le bilan est stupéfiant. L’Irlande n’a pas le moindre mouvement de panique bancaire, et la croissance économique a été au beau fixe !

Que s’est-il passé ? En l’absence de banques, l’économie a pu tourner grâce à des commerçants particuliers : les propriétaires de pub ! Centraux dans les villages, ils avaient la confiance des citoyens, et leur faisaient confiance en retour : ils ont donc accepté comme moyen de paiement des chèques qui ne seraient encaissés qu’à la réouverture des banques.

Puis ils se sont mis à faire circuler ces chèques, comme si cela avait été de la monnaie sonnante et trébuchante. En faisant cela, ils ont joué un rôle d’intermédiaire des échanges économiques, et sont devenus sans le savoir des sortes de banquiers...

 

La "financiarisation" du modèle économique moderne, le capitalisme, est présentée généralement comme étant la cause des iniquités et des échecs de ce modèle. Elle serait notamment la cause principale de la crise de 2008 dite des "subprimes" par ses excès. La réalité est que la financiarisation est une conséquence, non une cause. Elle se situe dans l'appareil de production, c'est-à-dire dans l'économie réelle, ayant pour origine la tendance à la baisse de la profitabilité du capital et la recherche avide par les acteurs institutionnels, tout particulièrement bancaires, d'autres recettes, et ce au moyen de remèdes dénaturés qui n'ont eu de cesse de rendre instable le système dans son ensemble.

La financiarisation est ainsi la réponse à la tendance au ralentissement de la croissance et à l'érosion de la profitabilité du capital, apparus vers les années 70 lorsque les effets "positifs" - le boom de la reconstruction - de la Deuxième guerre mondiale se sont dissipés. Le système n'a alors plus réussi à distribuer de façon harmonieuse revenus du travail et profits, ceux-ci devenant de ce fait plus antagoniques. Autrement dit, il n'y a eu plus assez de grain à moudre, pas assez d'huile injectée dans les rouages pour que tout se passe bien. Il en a découlé le néo-libéralisme comme pseudo solution aux problèmes du capitalisme - le capitalisme monopolistique d’État -, voyant un durcissement des exigences du capital à l'égard des salariés et une demande de politique monétaire plus laxiste. Ceci a conduit tout naturellement à la dérégulation du système, accentuant l'exploitation des individus en tant que salariés et en tant qu'épargnants, et à la socialisation du capital par le pillage des biens communs économiques que sont la monnaie et l'épargne du public.

En d'autres termes, la financiarisation a consisté à compenser l'insuffisance des profits/cash-flows des entreprises et des revenus du travail par les dettes/crédits, illustrant le développement non-contrôlé des transferts sociaux consistant à construire un système destiné à théoriser, produire, mobiliser et faire du profit sur ces dettes ! Elle a ouvert la boîte à Pandore, et ce pour toujours gagner plus. Il en a résulté pendant un certain temps la disparition de l'inflation, le capital n'étant plus suffisamment dévalorisé en continu. Il s'est accumulé, surtout les dettes. Et depuis, l'inflation est revenu en violent boomerang, mettant nombre d'acteurs économiques (entreprises et ménages notamment) en situation d'asphyxie !

Au final, selon la Banque mondiale, on trouve environ 700 millions de personnes vivant avec moins de 2 $ par jour (1,61 euro)* !

* La récession liée au Covid-19 a précipité plus de 150 millions de personnes sous le seuil d'extrême pauvreté dans le monde.

 

De la profitabilité

Par-delà les ressentis sur le capitalisme, ses mérites comme ses dérives, ses perversions, sa légitimité perdue, le taux de profit est le meilleur indicateur de la "santé" d’une économie capitaliste. Dans la mesure où le capitalisme est un rapport social qui permet à celui qui est détenteur d’un capital de prélever une part du produit du travail, il est le moteur de son dynamisme. Il fournit en effet une valeur prédictive significative sur les investissements futurs et la probabilité de récession ou de marasme. Ainsi, le niveau, la tendance, la direction du taux de profit mondial peuvent être considérés comme un guide important pour le développement futur de l’économie capitaliste mondiale. C’est sans doute, si les données étaient disponibles en temps utile, sans trop de retard, le meilleur outil de prévision économique.

Mais le profit étant honteux, le taux de profit n’est pas un indicateur disponible. Les comptabilités nationales et internationales, les gouvernements, s’efforcent de ne pas le calculer, de le brouiller et donc de ne pas le communiquer. Ils n’en parlent jamais, c’est tabou ; ils nous parlent de compétitivité, de dettes, de l’offre – ce qui revient toujours à parler du profit, mais indirectement, sans prononcer son nom. De ce fait, pour mesurer par approximation des taux de profits du capital, il faut s’en remettre à des chercheurs qui, patiemment, collectent les données, les triturent, les rendent significatives et les publient... avec beaucoup de retard. Une mesure correcte du taux de profit du capital mondial devrait additionner tout le capital constant et variable dans le monde et estimer la plus-value totale appropriée par ce capital

Cette tâche a été réalisée par quelques-uns, comme l'économiste argentin Esteban Ezequiel Maito, qui a réalisé des travaux novateurs en utilisant une méthode de mesure des taux nationaux pondérés par le PIB pour 14 pays, en utilisant des statistiques nationales. Il est remonté à 1870 pour certains pays, démontrant la nette tendance à la baisse du taux de profit mondial (Cf. graphique).

Conséquence, c’est parce que la profitabilité chute inexorablement que le capital est obligé, pour contrecarrer, d’augmenter ses marges et surtout de baisser la part qui revient aux salaires. Par ailleurs, il se financiarise – c’est-à-dire qu’il fait des profits fictifs par la finance et le levier.

Ce que les gens ne peuvent pas voir c’est que la masse de capital dans le monde progresse plus vite que la masse de profits dans le système : globalement, donc, le ratio profit/masse de capital s’érode.

 

Qu'est-ce que la monnaie ?

La monnaie est le point de départ du monétarisme. Ses fondamentaux résident dans la circulation rapide de l'argent sous la forme de pièces, billets et écritures comptables à la banque entre offreurs et demandeurs. Cet argent qui circule n'est qu'un instrument pratique qui permet et facilite les échanges en évaluant les biens et les services produits par les uns et les autres. Il circule naturellement et librement selon des règles précises basées sur le principe de la comptabilité en partie double. 

Cependant, un dysfonctionnement, qui est devenu fréquent, peut se produire dans un système monétaire local : quand l'individu n'a plus confiance en l'avenir, il est amené à ne pas dépenser tout l'argent qu'il vient de gagner, c'est-à-dire qu'il limite ses dépenses au strict minimum nécessaire. L'argent ne circule plus ou pas, et les chiffres d'affaires des offreurs baissent. De ce fait, ils passent moins de commandes à leurs fournisseurs, n'embauchent plus de personnel supplémentaire, etc. C'est le début d'une récession. Mais l'inverse est également vrai. Lorsque la masse monétaire augmente trop, c'est-à-dire davantage que la croissance du PIB, cette croissance diminue au point de dégénérer en récession : c'est exactement ce qu'il se passe de nos jours en Europe ou au Japon.

Ce deuxième dysfonctionnement est le produit du crédit. Beaucoup de gens continuent à croire que les banques créent de l'argent (à partir de rien donc) lorsqu'elles octroient des crédits, par exemple à des ménages pour acheter leur logement ou leur voiture. Il n'en est rien ! Les banques de dépôts fonctionnent (théoriquement) sur le principe de prêts accordés car financés obligatoirement par de l'argent dont elles disposent préalablement (principe de comptabilité en partie double). Les crédits ne sont donc pas à l'origine d'une création monétaire indue, mais d'une circulation monétaire, ce qui stimule la croissance du PIB. En d'autres termes, les dettes des uns sont toujours financées par des capitaux apportés par des créanciers qui possèdent de l'argent gagné préalablement, qu'ils prêtent à des emprunteurs (désargentés) qui veulent investir.  Là encore, ces dettes ne génèrent aucune création monétaire ni aucun autre dysfonctionnement. Pour se rémunérer, les banques sont obligées (elles-aussi) d'emprunter sur les marchés financiers à des taux inférieurs à ceux qu'elles accordent à leurs clients, la différence entre ces taux générant pour les banques leur rémunération normale pour le travail effectué.

Mais les dettes ont naturellement des limites (du moins dans une économie relativement fermée), celles des capitaux disponibles (là encore en vertu du principe élémentaire de comptabilité en partie double), afin de garantir aux prêteurs la fiabilité des emprunteurs, les prêteurs voulant bien entendu être remboursés à l'échéance des prêts qu'ils ont accordés. Or, compte-tenu de la croissance, c'est-à-dire de l'augmentation de la richesse créée dans beaucoup de pays développés, les dettes augmentent car les capitaux disponibles augmentent ! C'est ainsi que les dettes des ménages, des entreprises et des États augmentent depuis... quasiment toujours, et surtout depuis l'après-guerre sans créer de problèmes majeurs, seuls les prêteurs imprudents pour avoir prêté de l'argent à des emprunteurs insolvables étant les seules victimes de leurs erreurs. Mais si jamais, pour une raison ou pour une autre, la quantité d'argent qui circule est supérieure à ce qu'elle doit être normalement, alors une grave crise se produit inévitablement, un jour... Et historiquement, presque partout dans le monde, les personnes qui gèrent les établissements financiers importants (et centraux) font toujours la même erreur : ils mettent en circulation de l'argent qui ne devrait pas y circuler. Cette hypertrophie monétaire devient létale, car lorsque la confiance en une monnaie disparaît à cause d'une création monétaire indue, c'est la crise fatale. C'est ainsi qu'ont disparu des royaumes et des empires prospères au cours de ces derniers millénaires...

 

"Il faut bien être sur ses gardes pour reconnaître la fausse monnaie que donne un ami."

Honoré de Balzac (1799/1850), écrivain français

 

Les leçons du crédit, ou les reflets scintillants du miroir aux alouettes

La financiarisation de l'économie dans le cadre de la globalisation est la signature explicite de la décennie des années 80, voyant la mise en place de tous ses éléments caractéristiques : théories, institutions, produits, outils, propagande. La décennie suivante a commencé par une grave crise bancaire, conséquence inévitable de la bulle de ces années déconnectées de la réalité tangible. D'autres vinrent ensuite (2000 et 2008), toujours pour la même raison profonde. Et chaque fois que l'économie s'est retrouvée en récession, les banques centrales dans la foulée de la Fed états-unienne ont abaissé les taux et manipulé leur courbe en recapitalisant subrepticement le système bancaire tout en favorisant la création de crédits non bancaires. Il en a résulté que le crédit est sorti des banques, sa mise sur les marchés contribuant à le disséminer pour en produire toujours plus avec moins de capital. Ainsi ont été financés d’énormes déficits des comptes courants, et généré des excès spéculatifs.

Or la réalité est que le crédit n’est pas inoffensif, car il tue l’épargne et rend l’investissement pervers en alimentant les spéculations et les emplois de gaspillage. Il est un virus insidieux, qui s’attaque en profondeur à la structure économique en détruisant les fondements de saine gestion de nos sociétés. Et comme la manipulation des taux d’intérêt rend peu à peu toute prévision économique rationnelle impossible, elle ne peut produire dans le temps qu'un système de prix et de préférences relatives faux.

En effet, le prix relatif du capital et du travail, essentiel dans l’équilibre du système, s'en trouve bouleversé. La dette provoque l’accumulation de capital fictif en vertu du principe que les dettes des uns constituent les créances, c’est-à-dire le capital, des autres. Tout naturellement, ceci entraîne la nécessité de surexploiter la main d’œuvre ainsi que de réduire puis détruire les biens communs et les services publics afin de rentabiliser tout ce capital.

Tous les alibis déployés par les acteurs complices ne sont que des illusions jetées aux yeux des gogos et naïfs voulant le croire : la taille des bilans des banques centrales qui ne sont que monnaies de singe, tout comme ce que les banques centrales achètent et mettent à l’actif de leur bilan ; l'incapacité de par leur taille des États à faire faillite ; la hausse continue de Bourses de par la création de valeur de la production de biens et de services. Au final, l'argent n’a aucune importance, puisque l’on peut en créer à volonté par un clic sur un clavier. Le piège est alors bien en place pour plumer le maximum de pigeons spéculateurs de par leur esprit illusionné, alors même que la spéculation repose sur du sable.

 

Et si le système monétaire, financier tient, c'est en raison de la capacité de coercition des États, ceux-ci pouvant forcer son usage pour payer les impôts, les factures, les salaires... Ils ont la capacité d'obliger comme de dissuader. Le cas le plus emblématique est le dollar, imposé comme monnaie de paiement dans de bien nombreux usages internationaux. Son usage est aussi forcé que presque "militarisé" avec ce que l’on appelle pudiquement l’extraterritorialité du droit américain… En clair, les Américains forcent l’usage de leur monnaie et n’hésitent pas à recourir à la force pour l’imposer, le cas libyen étant emblématique en la matière*. Aussi la confiance des acteurs économiques, entreprises comme ménages, oscille entre au mieux confiance volontaire, au pire confiance forcée, la couverture démocratique validant bien sûr l’adhésion volontaire au volontariat d’office. Et plus se présentent des alternatives comme les monnaies numériques, et plus les États deviennent coercitifs, les grands argentiers bancaires y ayant habilement placé leurs représentants clés pour s'assurer de leur soumission à l'hydre vorace...

* Cf. Prédation manipulatoire.

 

De Smith à Friedman en passant par Schumpeter et Keynes , ou l'économie dévoyée

"Les salariés sont les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste : ce sont des chômeurs en puissance"

Michel Audiard (1920/1985),dialoguiste, scénariste et réalisateur français de cinéma

 

Quand l'économie déraille, envoyant à la casse nombre d'entreprises (TPE et PME principalement), individus et de familles, désagrégeant le lien social et atomisant l'unité citoyenne, qui est responsable ? Les personnes incapables de s'adapter aux mutations de l'environnement et à l'évolution des technologies, non désireuses de continuer à alimenter le système de consommation établi, profiteuses des facilités sociales octroyées et coûteuses pour les dépenses publiques, malchanceuses dans leur rapport à l'existence, ou quelques individus à tendance psychopathe trouvant toujours et encore avec les relais complices en place les idées pour faire de l'argent, des affaires, à partir de rien et en ne créant rien si ce n'est les crises économiques fruits de leur perversité ?

 

Pourtant, à en croire les élites politiques comme les experts économistes des plateaux audiovisuels ou des tribunes sur papier, les crises économiques, les hausses ou baisses brutales et infondées, les "flash krachs",  sont des évènements naturels qui semblent n’avoir aucune explication macro-économique logique, sortes de fatalité inhérentes à un univers imprévisible et mues par le hasard. En quelque sorte, les lois physiques qui les déterminent accouchent pourtant toujours dans le même ordre (drôle de hasard...) de crises bancaires et, dans leur foulée, de crises économiques mortifères. Voici de quoi glorifier à jamais le grand économiste autrichien naturalisé états-unien Joseph Schumpeter (1883/1950 - photo 1), qui érigeait en bienfait universel la "destruction créatrice", gage de renouvellement constant du progrès dans la souffrance de ses martyrs sacrifiés, le chômage variant selon la création d’emplois nette : les créations moins les destructions.

Aberration choquante dans un monde se glorifiant de sa Charte universelle du droit-de-l’hommisme !

Comment concevoir un principe aussi coûteux humainement dans une société dite évoluée dont l'homme contemporain instruit se targue tant ? Le raisonnement qui le sous-tend apparait à première lecture ou audition séduisant et convaincant à un hémisphère gauche du cerveau. Seulement il a pour finalité la destruction, la misère, le chaos... Bien sûr, nombre de "grands esprits" nourris de darwinisme et infatués de leur position sociale privilégiée rétorqueront qu'ainsi est le monde depuis les origines, qu'il est utopique de penser un monde parfait, qu'il est bien sûr dommage de sacrifier des vies mais que c'est pour le bien du plus grand nombre... L'abécédaire de la crétinerie est illimité, jusqu'à imaginer que c'est la main du Dieu créateur qui agit en ce sens !

 

La révolution numérique, ou la limite de la théorie schumpétérienne

Amazon n’a pas compensé la perte de 13 000 libraires en 3 ans. La R&D dans le médicament a considérablement augmenté mais le nombre de molécules nouvelles n’explose pas. Le digital dans le secteur musical n’équilibre pas l’emploi perdu par la fin des supports classiques. L’emploi souffre de l’innovation des NTICI (Nouvelles Technologies de l’Information, de la Communication et de l'Intelligence), jusqu’à 47% des emplois pouvant disparaître d’ici à 2025. Alors qu'historiquement la technologie rationalisait l’existant en créant de nouvelles tâches plus sophistiquées pour l’Homme, il semble désormais acquis que la productivité augmente alors que le nombre d’emplois diminue*. En parallèle, les salaires stagnent ou baissent pour une majorité de la population, les entreprises innovantes ne faisant pas exception. La vague de transformation digitale à l’œuvre depuis les années 2000 pourrait être aux cols blancs ce que la mondialisation et l’automatisation industrielle ont été aux cols bleus dans les années 1980-1990. C'est le grand retour de l’iconographie du robot qui remplace l’humain...

Le commerce électronique en plein essor a vu la crise sanitaire Covid-19 générer des pics de commandes en ligne tout au long de l’année 2020. C'est ainsi que des sociétés telle InVia Robotics proposent des plateformes de robots en tant que service capable de multiplier par 5 à 10 la productivité des entrepôts d’expédition et de réception, ainsi que de diminuer les taux élevés de blessures constatés dans les centres de distribution, et ce quelle qu'en soit la taille. Près de deux millions d’emplois dans les entrepôts ont déjà été perdus au profit des robots, selon un rapport d’Oxford Economics, et 20 millions supplémentaires sont menacés au cours des prochaines années, même si en 2018, le Forum économique mondial a déclaré que les robots déplaceraient 75 millions d’emplois d’ici 2022 tout en en créant également 133 millions. 

 

L'uberisation, ou la non-rentabilité comme recette gagnante

Uber, anciennement UberCab, est une entreprise technologique américaine basée dans la ville californienne de San Francisco. Elle est mondialement connue (plus de 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels) pour développer et exploiter des applications mobiles de mise en contact d'utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport. Créée en 2009 et désormais valorisée au-delà de 50 milliards de dollars, c'est une entreprise qui perd beaucoup d’argent et n’a jamais été rentable ! En fait, elle applique la même stratégie que celle d’Amazon à la belle époque, en… 1998, préalablement au crash des valeurs technologiques de l'an 2000 avant que de repartir de plus belle (première capitalisation boursière mondiale en 2019).

Cette stratégie consiste à se développer tous azimuts, en prenant chaque jour de plus en plus de positions dominantes sur de nouveaux marchés.

Uber se décline ainsi en VTC, en Uber Eats pour la livraison à domicile, et bientôt en Uber Money qui comprendra notamment un portefeuille numérique pour ses chauffeurs… clientèle captive et déjà très nombreuse ! La société est en effet l’un des partenaires du projet Libra de Facebook, qui vise à remplacer l'actuel système monétaire à bout de souffle par de la crypto-monnaie* uniquement basée sur des portefeuilles numériques et des cartes de crédit & de débit, voire d'autres modes de paiement plus rapides. Lorsque nous savons qu'aucune banque de premier plan n’a 100 millions de clients à travers le monde, nous comprenons que même sans gagner d'argent Uber est puissant, très puissant !

* Cf. Le modèle européen décodé (2) L'idéologie mondialiste.

 

Flop révolutionnaire

Alors que la première décennie du XXIème siècle prenait fin, il était déjà évident que la Révolution de l’information, elle aussi, était un échec. En effet, cette nouvelle "Révolution industrielle" – les dot.com –, l'ère de l'Information, s’est révélée être un flop, même si la valorisation boursière des GAFAM (Apple, Amazon et autres entreprises de haut vol) a été au rendez-vous. Internet était censé permettre à l’économie d’entrer dans un nouveau cycle d’innovation et de création de richesse. Au lieu de cela, nous avons commencé à perdre notre temps avec une énergie folle – en chattant en ligne... en envoyant des textos... en passant des heures à répondre à des e-mails... et des heures encore à chercher des "amis" sur Facebook. Les technologies de la Révolution industrielle, en revanche, étaient réellement puissantes. Elles ont permis aux gens d’utiliser l’énergie condensée du charbon, du gaz et du pétrole pour faire en sorte que chaque heure travaillée porte davantage de fruits. Elles ont ainsi rendu possible l’immense création de richesse entre le milieu des années 1800 et les années 1970, pas seulement pour les plus riches, mais pour tous.

Pour la plupart des gens, l’augmentation des salaires a cependant lentement décliné puis cessé à partir des années 1970. Ensuite, avec la tendance à la "financiarisation", financée pour grande partie avec la fausse monnaie issue du créditisme et autres massives injections des banques centrales, l’économie, plutôt que de se concentrer sur de grandes cités industrielles, est lentement passée à Manhattan comme à la City. En d’autres termes, au lieu de produire de la richesse, désormais on l’extrayait. Il en a découlé les tendances nocives que sont la concentration de la richesse, l’augmentation du pouvoir du "Deep State" (les élites institutionnelles), l’accroissement de la dette, le ralentissement de la croissance, le déclin des lancements d’entreprises, l’alourdissement de la réglementation... Même si toutes les leçons apprises par l’humanité au fil des millénaires sont désormais en accès libre sur internet, les humains continuent de faire des idioties... comme dévaluer leur devise, déclarer des guerres et s'abandonner aux illusions du tout technologique grâce à cette nouvelle ère de machines super-intelligentes. S'il y a d'incontestables progrès au service de l'être humain dans nombre de domaines (instruction, santé), on trouve à l'opposé nombre de nouvelles applis irritantes, de gadgets gaspilleurs de temps, d'ordinateurs brassant de plus en plus d’informations qui génèrent... encore plus d’informations, pour un bilan environnemental particulièrement salé !

Cf. en complément Conscience du XXI° siècle.

 

Coronavirus, amorce de l'ère triomphante des robots

Ce qui caractérise la Nouvelle économie de l'Ancienne, c'est qu'elle n’a pas besoin entre autres d’autant de bureaux, les gens travaillant plus aisément de chez eux. Elle n’a pas non plus besoin d’autant de places de parking, de tables de restaurants, de sièges dans les avions, de logements dans les grandes villes, de navires de croisière, de théâtres comme de cinémas... Et si les gens ne se rendent plus au travail tous les matins, ils n’ont plus besoin d’autant de voitures non plus, ou de tant de carburant. Et comme les vieilles industries n’ont pas besoin d’autant d’ouvriers que par le passé, la tendance enclenchée depuis longtemps est le remplacement de salariés humains par des robots. Qui plus est, avec la crise sanitaire, les locaux d'entreprises et usines ont dû fermer, et si depuis nombre d'individus retournent y travailler, ils s’attendent à plus de mesures de protection. Avec les robots, le problème est différent, aucun robot n’ayant nécessité de mettre de masque. En outre, ils ne font pas grève, ne se plaignent pas, ne demandent pas l’égalité des salaires, la parité hommes/femmes, ne craignent pas le virus. Ils n’ont pas besoin de cantine, ne veulent pas être payés plus pour les heures supplémentaires ou le travail de nuit, ne réclament pas de prime de risque, ne militent pas pour qu’on leur installe la climatisation. Ils ne font pas de pause. Ils ne votent pas. Et ils ne sont jamais insolents envers quiconque, notamment le patron. Et que font naturellement les employeurs ? Ils embauchent des cerveaux électroniques et des bras mécaniques ! C'est pourquoi la Nouvelle économie implose, et que l’Ancienne économie ne parviendra pas à se remettre d'aplomb.

 

L'histoire de l'économie libérale avait commencé avec le philosophe et économiste écossais des Lumières Adam Smith* (1723/1790 - photo 2), qui reste dans l’histoire comme le père des sciences économiques modernes avec son œuvre principale publiée en 1776 "La Richesse des nations". Il y fait part d'une théorie explicative des échanges internationaux, que l'on peut résumer de la façon suivante : "Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de l'établir nous-même, il vaut mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie employée dans le genre avec lequel nous avons quelques avantages..." Concrètement selon Smith, le commerce entre deux pays serait mutuellement bénéfique si chaque pays se spécialisait dans la production des produits pour lesquels il détient un avantage absolu, c'est-à-dire s'il y consacrait toutes ses ressources. Le surplus de production causé par cette spécialisation servirait alors de "monnaie" d'échange pour obtenir un bien pour lequel le pays n'a pas d'avantage absolu.

La limite rapidement mise en avant contre cette vision est de savoir ce qu'il en serait des pays ne disposant d'aucun avantage absolu, qui ne l'emporte dans aucune spécialité. Sont-ils condamnés à l'autarcie ou au pillage sous contrôle ?...

* Il reste dans l’histoire comme le père des sciences économiques modernes, dont l'œuvre principale, publiée en 1776, "La Richesse des nations", est un des textes fondateurs du libéralisme économique. Professeur de philosophie morale à l'université de Glasgow, il a consacré dix années de sa vie à ce texte qui inspire les grands économistes et qui poseront les grands principes du libéralisme économique. La plupart des économistes considèrent de ce fait Smith comme "le père de l’économie politique".

Cf. en complément livre du français professeur à l'École des hautes études commerciales de Montréal (il y a fondé la Chaire de gestion de l'éthique) Thierry C. Pauchant "Manipulés, Se libérer de la main invisible d'Adam Smith".

 

L’économie à la sauce keynésienne - John Maynard Keynes, économiste britannique (1883/1946 - photo 3) - est quant à elle fondée sur le principe que la macro-économie n’est pas une question de moralité, les dépressions étant à la base un dysfonctionnement technique. Alors que la Grande dépression allait en s’approfondissant, Keynes professa doctement "Nous avons des problèmes de générateur — c’est-à-dire que les difficultés de l’économie étaient celles d’une voiture dont le système électrique avait un problème mineur mais critique, et le travail de l’économiste consiste à trouver comment réparer ce problème technique".  Quand un cerveau aussi brillant soit-il assimile une économie à une machine, nous comprenons mieux son état actuel. Contrairement à une machine, l’économie n’a jamais été conçue par personne, ni construite dans une usine. Il n’y a pas de plan, pas de mode d’emploi à usage individuel, pas de notice technique, pas de forum en ligne où les propriétaires peuvent parler des problèmes qu’ils ont eu et des trucs et astuces qu’ils ont utilisés pour les résoudre. Puisqu’elle n’est pas faite de main d’homme, elle ne peut être réparée de main d’homme, trop complexe avec ses millions de pièces mobiles qui ont chacune leurs propres informations, souhaits et désirs. Une économie est simplement le moyen pour que ses parties constituantes parviennent à leurs propres fins, comme une voiture qui va là où le souhaite le volant tenu par le conducteur. A quoi sert une économie, sinon à satisfaire les espoirs et les désirs des gens qui y vivent ? Et quel est le but d'une l’économie activiste, sinon d’aider les gens à avoir ce qu’ils veulent ?

Keynes étant celui qui a justifié intellectuellement l’intervention de l’État dans l’économie, au contraire de l'économiste américain Milton Friedman (1912/2006 - photo 4), chantre de la non intervention de l’État dans cette même économie, nous pouvons en constater aujourd’hui les succès foudroyants. C'est ainsi que lorsqu'un gouvernement augmente les prix, consciemment et intentionnellement, il sabote les souhaits des gens en augmentant le coût de leur vie. C’est le but de l’assouplissement quantitatif : mettre plus d’argent en circulation de sorte que les prix grimpent. Ensuite, les gens en auront moins pour leur argent. Ils ne seront alors plus prêts à dépenser leur argent, craignant qu’il perde sa valeur, préférant thésauriser, en partie dans leur "bas de laine", et surtout auprès des banques et compagnies d'assurances.

Pourquoi préfère-t-on penser l’économie comme une machine ? Les machines peuvent être contrôlées et manipulées. Pas les vraies économies...

 

De la doxa keynésienne

Encensée par la classe dominante, elle repose sur la théorie que si l’économie ralentit, c’est à cause d’un "excès d’épargne" créée par la classe détestable des "rentiers". Il faut donc procéder à son "euthanasie" en maintenant des taux d’intérêts très bas, ce qui revient à spolier l’épargnant.

Pourtant, la croyance que des taux d’intérêts bas favorisent la croissance n’a jamais marché. C'est tout simplement une imbécillité économique.

La réalité constatée est que lorsque les taux sont anormalement bas pour une période supérieure à deux ans, la croissance ralentit toujours, pour finir par devenir nulle. Aussi vouloir tuer le rentier revient à tuer la croissance, ce qui est exactement le contraire de ce que disait Keynes !

Pourquoi ? Parce que si la rentabilité moyenne des placements dans l’économie est de 4 %, et si le coût de l’argent est de 4 %, les seuls qui empruntent sont ceux qui gagnent plus de 4 % et qui ont une forte croissance dans leurs activités. L’épargne va donc aux entrepreneurs, qui empruntent pour se développer en faisant de nouveaux investissements et en embauchant de nouveaux salariés. Le stock de capital augmentant, la productivité du travail monte et le niveau de vie de la population (le PIB par habitant) suit. Tout le monde est gagnant. A l'inverse, si le cout de l’argent est de 1 % (taux très bas), tous ceux qui ont des actifs pourront emprunter à 1 % pour acheter des actifs existants qui rapportent plus que 1 %. Or seuls peuvent emprunter pour acheter des actifs existants les "riches", c’est à dire ceux qui ont déjà des actifs. Pour eux, pour s’enrichir encore plus, il est beaucoup plus facile d’acheter des actifs existants et qui rapportent plus que le cout de l’emprunt plutôt que d’en créer de nouveaux, ce qui est toujours risqué… L’épargne va aux riches et non aux entrepreneurs car bien sûr, les banques préférant prêter aux premiers qu’aux seconds… Du coup, le stock de capital n’augmentant pas, la productivité du travail baisse tandis que la dette augmente ainsi que le prix des actifs (l’un étant la cause de l’autre) et les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres…

C'est ainsi que les fonds spéculatifs type LBO* s’enrichissent aux détriments des salariés, qui sont virés pour cause de rationalisation et de "dégraissage". Et les vrais entrepreneurs sont soumis à la concurrence déloyale des sociétés "zombie" qui devraient faire faillite mais ne le font pas, puisque emprunter pour survivre ne coûte rien. Les taux bas entravent la sélection naturelle, ce qui empêche la création destructrice de se produire. Et la croissance disparaît.

L'autre point central du keynésianisme est que la dépense étatique est à l'origine un aspect stabilisateur de la croissance. Selon Keynes, la croissance ne vient ni de l’invention (Schumpeter) ni de la bonne gestion (Ricardo), mais vient des actions de l’État veillant à ce que la demande ne baisse pas, revenant à dire que la solution est de payer des gens à ne rien faire si l’économie ralentit. Là encore, cela n’a jamais marché, et pour une raison très simple : si le poids de l’État dans l’économie augmente, cela veut dire inévitablement que la part du secteur privé y baisse.

Aussi la question qui se pose est pourquoi des experts disent-ils que des taux bas et une forte croissance de l’État dans l’économie sont une bonne chose, alors qu’à l’évidence c’est le contraire qui est vrai ? La réponse est dans les délais et dans les objectifs que le dirigeant politique se fixe. Quand il suit une politique qu'il sait idiote, mais que cette politique a des effets favorables pendant les deux années avant les élections, il peut envisager de s'y maintenir. Et alors au diable les conséquences à long-terme. Ce qui compte, c'est que lui et ses "amis" experts restent au pouvoir le plus longtemps possible, pour que le capitalisme de connivence reste en place et permette aux démagogues de continuer à tromper le peuple. Il s’agit tout simplement de piller les pauvres pour enrichir les puissants !

* Un LBO (Leverage Buy Out) est une opération financière consistant à racheter une société via un mécanisme d’endettement. Les fonds empruntés pour financer le LBO sont remboursés grâce aux profits que dégage l’entreprise ciblée.

 

Le mécanisme cynique destructeur de 2023

La réaction des marchés semble toujours tordue pour le commun des mortels. Pourtant les réactions sont toujours "logiques", une logique parfois ou souvent très cynique. C'est ce que démontre le paradoxe de l'économie en 2023, voyant la combinaison d'une forte inflation des prix et un marché de l'emploi dynamique.

Pour baisser l’inflation il faut baisser la demande de tous les produits (biens et services) que les entreprises fabriquent et vendent. Pour baisser cette demande, il suffit de baisser la quantité de monnaie disponible dans le monde, puisqu'il y a moins d'argent pour les acheter. Pour baisser la quantité d’argent en circulation, les banques centrales augmentent les taux d’intérêt tout en retirant des liquidités aux banques commerciales prêteuses. Et à force de retirer de l'argent du système économique en rendant les prêts plus chers (ainsi les prêts immobiliers), il y a moins d'argent en circulation et donc moins d’argent pour acheter des produits. Au bout d’un moment, les entreprises qui vendent moins réduisent la production, et cessent d’embaucher des gens pour fabriquer, voire licencient si les ventes continuent à chuter.

C’est ce qu’il se passe depuis la crise sanitaire et les confinements imposés, notamment en matière de produits alimentaires. C'est du jamais vu depuis 1980, la consommation depuis ayant doublé, au détriment de notre niveau de bonheur mais pas du niveau de pollution. Ceci démontre que le problème n’est ni l’écologie, ni le nombre d’humains, ni le recyclage, mais bien le fait que nous consommions tout simplement trop de produits.

Mais les ventes s’effondrent, l’emploi reste dynamique et ce malgré la hausse continue des taux d’intérêt qui pourrait provoquer une récession. Ceci entend qu'il n’y a pas assez de chômeurs pour réellement calmer l’économie malgré la chute importante de la consommation.

En conséquence, les banques centrales sont obligées de poursuivre la hausse des taux, qui plus est dans un contexte géopolitique négatif au regard du conflit russo-ukrainien et ses conséquences énergétiques comme agricoles, ainsi que des tensions persistantes entre la Chine et les  États-Unis, notamment commerciales.

En résumé, la démondialisation en cours est fortement inflationniste, et la hausse continue des taux d'intérêt par les banques centrales pour réduire l’inflation risque de finir par créer une crise sur les marchés boursiers et obligataires, sans oublier l’immobilier.

 

De l'argent facile

Dans une économie vertueuse, on crée de la richesse en fournissant de véritables marchandises et services aux autres. Plus une société produit de biens et de services, plus elle est riche.  Les prix élevés n’ont jamais été un problème. Ils sont simplement une information, qui nous disent où investir pour accroître la production.

Mais c’est là qu’intervient le serpent. Il vous propose un marché tellement alléchant qu’il est impossible de le refuser. En 1971, les États-Unis ont changé leur système monétaire. Milton Friedman fut à l’origine de ce changement. Il a donné naissance au monétarisme, un système monétaire dans lequel le dollar ne serait plus arrimé à l’or. Désormais, la masse monétaire augmenterait de manière régulière et prévisible (Friedman recommandait une augmentation de 3% par an, ce qui équivalait plus ou moins au taux de croissance du PIB à l’époque).

L’idée semblait bonne, puisque les États-Unis n’étaient ainsi plus obligés de racheter les dollars détenus par les investisseurs étrangers avec de l’or.

Mais il n’a pas fallu longtemps pour que les gens réalisent que cet argent nouveau était extensible… et visqueux. Ils pouvaient l’utiliser comme du ruban adhésif pour recouvrir des fissures, des trous ou des brèches au lieu de créer de la vraie richesse.

Inutile d’équilibrer les revenus et les dépenses. Pas la peine de mettre de l’argent de côté. Vous souhaitiez faire monter le cours de Bourse de votre entreprise ? Il suffisait d’emprunter de l’argent et de racheter vos propres actions. Grâce aux taux ultra faibles de la Fed, il était souvent possible d’emprunter à un taux inférieur au taux d’inflation des prix à la consommation ou à un taux inférieur au taux de croissance des bénéfices de votre entreprise. Emprunter à un taux de 3% pour acheter une action qui rapporte 4%, lorsque l’inflation est à 5% ? Il n’y a même pas à réfléchir.

Ou bien, imaginez que vous souhaitiez acheter une nouvelle maison. Pas besoin de travailler et d’économiser pour pouvoir l’acheter. Il suffisait d’emprunter. Inutile de rembourser le prêt. Il suffisait de le refinancer, encore et encore…

Emprunter, emprunter, emprunter… Le système offrait du crédit en quantité illimitée. Et le seul moyen de gagner de l’argent dans ce monde financiarisé était de se lancer dans la finance, pas dans l’industrie. Progressivement, les grandes demeures de Long Island et d’Aspen ont changé de propriétaires. Les familles qui avaient fait fortune en fabriquant des matelas et des boîtes de céréales s’en sont allées, laissant la place à des gérants de fonds et autres vautours de l’univers du capital-investissement. Les mères, pas stupides, ont inculqué à leurs enfants qu’il ne servait à rien d’aller chercher un emploi chez General Motors à Detroit. Il était plus judicieux d’aller chercher un emploi à Manhattan chez Goldman Sachs, puisque c’est là que se trouvait l’argent.

Mais cet argent facile était également trop beau pour être vrai.  Il est difficile de produire des biens et des services. L’argent, au contraire, est facile à produire. Rapidement, il y a eu bien plus d’argent qu’il n’y avait de biens et de services. Oui, le système présentait une faille fatale. On s’est rendu compte que les gens qui le dirigeaient n’étaient pas des dieux, tout compte fait. C’étaient des abrutis.

Auteur : Bill Bonner, co-auteur de plusieurs best-sellers comme "L'inéluctable faillite de l'économie américaine".

 

De la nature profonde de la monnaie

Selon John Maynard Keynes, l’inflation, c’est quand la préférence pour la jouissance de biens et de services est plus grande que la préférence pour la détention d’actifs monétaires. Ceci permet de comprendre que si la quantité de monnaie est une variable, pouvant circuler plus ou moins vite, elle n’est pas le facteur causal. Le facteur causal, c’est l’humeur, la disposition sociale qui fait qu’elle circule vite ou pas. Ainsi, dans la période actuelle, plus on crée de monnaie et plus sa vitesse de circulation ralentit. L’inverse est également vrai : plus la vitesse ralentit et plus on crée de monnaie. Autrement dit, quand on a peur on a une préférence pour le cash. On stocke la monnaie et ce faisant on la neutralise, c’est comme si elle n’existait pas. L’attrait pour la monnaie est indexé sur la peur !

C’est cette découverte de Keynes qui permet de comprendre le fameux paradigme du monde boursier en risk-on/risk-off : quand on a peur, on se met en risk-off. On stocke la monnaie sous la forme la plus sûre – les emprunts d’État -, et de préférence les emprunts des États qui disposent de la planche à billets... Les États-Unis ! Ceci nécessite que l'on croie au fonctionnement ordonné du monde, à la validité des contrats libellés en dollars et à la puissance des USA. Mais si on doute de tout cela se profile l’ombre du chaos. On demande alors la monnaie de base historique, universelle, celle qui n’est pas fractionnaire : l’or-métal.

 

Trop d’œufs, pas assez de paniers... ou lorsque jamais tant de "gens" n'ont eu autant ou si peu.

La réalité financière au début de l'année 2000, l'année qui s'est révélée être celle de tous les dangers, est que le marché se portait comme un charme, jusqu'à l'arrivée du virus mortifère, le Covid-19, la "Mort rouge". Les robinets d'argent liquide tournaient alors à plein en faveur de quelques initiés, privilégiés, et des quelques rares entreprises mastodontes locomotives de ce marché dénaturé, chevaux de trait faisant avancer les traînards... En effet, les cinq géants - Apple, Microsoft, Alphabet (l'entreprise-mère de Google), Amazon et Facebook - pouvaient se vanter d'une capitalisation boursière de plus de 4 100 milliards de dollars, soit plus de 10% de la valeur du marché boursier dans son ensemble, qui s'élevait à 34 000 milliards de dollars. Et quand ils progressent, tout le marché progresse avec eux*... Si on parle souvent des 1% d'Américains les plus riches, elles étaient et demeurent depuis les 1% d'entreprises les plus riches, la quasi-totalité de l'augmentation du Standard & Poors (une des quatre principales agences de notation financière) du dernier trimestre 2019 étant due uniquement à ces cinq géants. Si on les met de côté, le S&P n'avaient pas progressé du tout, diminuant en net de 7,5%...

Pourtant, ces méga-entreprises technologiques - les Big Techs - commençaient à montrer d'inquiétants signes de fragilité, leur dépendance au marché chinois frappé des conséquences du virus organique démarré en son sein n'étant pas le moindre. Pour quelle conséquences ? Une facture inévitablement salée. Faut-il s'en étonner lorsque l'économie est devenue à ce point factice, la capitalisation totale du marché boursier aux États-Unis étant alors égale à 158% du PIB américain, constituant un record stratosphérique dans la mesure où le marché n'avait encore jamais atteint de hauteurs si vertigineuses. Et, loi de gravité oblige, si les investisseurs et par les algorithmes dédiés laissent tomber la pomme, plus dure sera la chute de l'éternelle course païenne à l'édification mortifère de la Tour de Babel.

* En 2019, Apple a enregistré des retours sur investissement de près de 112%. Microsoft a progressé de plus de 75%, Alphabet de 20% environ, contre 25% pour Amazon. Facebook a de son côté enregistré une progression de 44%.

 

Privatisation immorale de l'argent

 

"Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a."

Saint Matthieu

La réalité est que ce que nous nommons Démocratie est une "démocrature"*. Celles et ceux qui en détiennent les clés de contrôle manipulent par la mainmise sur les puissants moyens de diffusion médiatique les masses, les suggestionnant et non les informant, quels que soient leurs farouches dénis aux cris rabâchés de conspirationnisme. Leur contrôle par de puissants intérêts privés est indispensable au système qui fabrique du consentement, du renoncement, de la peur et de la haine, réduisant les décideurs politiques et leurs partis en des inféodés, par corruption, souvent, ou par faiblesse, toujours. Ils imposent sous couvert de libre échange une ouverture inconsidérée à une concurrence totalement faussée, la libre concurrence permettant une saine émulation économique uniquement lorsqu’il s’agit de compétiteurs qui ont le même type de structure de coûts, ce qui n'est pas le cas. Ils imposent une politique monétariste qui, bien que restreignant dans sa raison d'être vertueuse la tendance inflationniste de chaque pays, génère du chômage, des injustices sociales et de la pauvreté*².

* Cf. Le modèle pyramidal décodé.

50 millions d'états-uniens dépendent aujourd'hui de coupons alimentaires contre 32 à l'arrivée du Président Obama. Soit 17 % de la population !

 

Réalité inflationniste européenne 2024

Le freinage de l’activité économique a été amorcé avec stupidité au prétexte d'un risque pandémique Covid-19 (création de laboratoire nourri par les pseudo tests PCR indiquant soit disant que tout le monde était malade) à travers les confinements décrétés un peu partout dans le monde, notamment en Chine. Les petites entreprises ont dans la foulée trinqué avec les prêts Covid (PGE - Prêt garanti par l’État) compensatoires accordés mais remboursables, faux cadeau conduisant d'ores et déjà nombre d'entre elles à la banqueroute au profit des grosses voraces, renforçant à cette occasion leurs tentacules. Avec les sanctions décrétées contre l'économie russe tout aussi imbéciles au prétexte de la fumeuse et hypocrite défense des valeurs démocratiques occidentales (les États-Unis et leurs alliés occidentaux inféodés sont les champions des actions anti-démocratiques au quatre coins de la planète au XX° comme au XXI° siècle), il en a découlé un surcoût énergétique conséquent compte-tenu de la raréfaction d'approvisionnement en gaz russe et d'indigestes mesures de rationnement pesant tant sur les entreprises que les particuliers. Aussi l’inflation en Europe constatée en 2022 comme en 2023 a été considérablement tirée par les prix de l’énergie, d'autant que, autre absurdité, les prix de l’électricité sont indexés sur ceux du gaz alors que ce n’est pas avec du gaz mais avec du nucléaire, du solaire ou de l’éolien sans oublier l’hydraulique qu'est produite l'électricité (ce qui compte ce n’est pas le prix du gaz mais le coût de sa production). L’inflation avait par exemple en 2022 accéléré à plus de 10 % sur douze mois au Royaume-Uni, au sommet en 40 ans, constituant la plus forte des pays du G7, tandis que la hausse des prix à la consommation avait atteint plus de 11 % sur un an en Allemagne. En 2023, en dépit d'une décélération de l'inflation (voir photo de gauche ci-dessous), beaucoup d'indicateurs ont continué à se dégrader, même si les États-Unis ont réussi à limiter la casse grâce au report de l'approvisionnement énergétique de l'Europe en sa faveur au détriment de la Russie jusqu'alors partenaire privilégié (voir photo de droite ci-dessous). Le risque désormais pour les grandes économies, que ce soit les USA ou les pays européens, c’est de voir la récession s’installer avec la persistance d’une inflation plus élevée que l’objectif de 2 %. Autrement dit une vraie "récessflation" !

Il en découle pour l’Europe des perspectives de croissance pour 2024 revues à la baisse tant en raison des prix de l’énergie que de l’évolution des taux de change. On assiste en conséquence à une démolition généralisée des pays de l’UE, certains plus que d’autres, et si pour l’instant le bouclier énergétique Français limite grandement cette augmentation, la question est de savoir jusqu’à quand. Car lorsque les entreprises et leur production sont touchées dans une économie mondialisée, l'effet domino touche tout le monde, entreprises comme particuliers, avec le risque d'un blocage total du marché du travail entre des entreprises qui ne voudront pas augmenter les salaires compte-tenu de la baisse de leur marge  et des salariés qui ne voudront pas travailler pour un salaire qui ne leur permet pas de faire face à la terrible hausse des charges contraintes (explosion des taxes foncières et des charges de logement). Qu'en attendre, sinon une forme de grève généralisée, qui a déjà commencé en Allemagne en janvier dans le secteur des professions agricoles, avant que de se généraliser à d'autres.

Se dessine en filigrane la nouvelle donne de ce qui se nomme par ses promoteurs psychopathes le "Grand Reset", la grande réinitialisation, autrement dit la mise en œuvre d'un Nouvel Ordre Mondial* s'appuyant sur l’euro numérique assorti de l’abandon des espèces, un gouvernement "mondial" et de plus grands pouvoirs encore donnés à son valet l’UE, une carte carbone liée au statut vaccinal. Et pour parvenir, quoi de mieux que le levier de la peur, celle du manque (pénuries alimentaires, chauffage, pauvreté) prétexte à des révoltes justifiant la féroce répression par les forces noires du système vicié établi. Le processus de destruction est bel et bien enclenché avec un engrenage infernal jusqu’au reset final, dont les mots prémonitoires du mondialiste  Sarkozy "Le nouvel ordre mondial est en marche et personne ne pourra s’y opposer", successivement prononcés le 25 septembre 2007 (appel aux Nations Unies à fonder un "nouvel ordre mondial" et un "New Deal écologique") et le 16 janvier 2009 (Présentation des vœux du Corps diplomatique), résonnent désormais sombrement. Reste pour y répondre l'autonomie de nouveaux réseaux solidaires à organiser ou renforcer.

* Cf. Prophétie du changement & Compréhension de la conspiration prédatrice.

 

 Cette inflation même modérée ne sera pas de courte durée, les probabilités qu’elle s’installe durablement pour au moins 10 ans étant en effet assez fortes en raison de la nécessité pour les banques centrales d’éviter la faillite des États et l’insolvabilité généralisée, ce qui nécessite de lâcher du lest monétaire. Sans oublier la Chine, qui pour soutenir sa croissance interne, avalera l’essentiel des ressources naturelles et autres matières premières de la planète. Tout comme l’Inde. Enfin, la transition énergétique est génétiquement très inflationniste, puisqu’il va falloir faire avec moins d’énergie...

 

Ce qui se nomme système financier découle du système bancaire. C'est un outil, créé comme tel au fil du temps par les grandes banques pour faire de l'argent, celles dont la taille est trop grosse pour faire faillite ("big banks to big fail"). On en compte une vingtaine à l'échelle mondiale. La réalité est que les lingots d'or comme les billets de banque ne créent aucune richesse. Ils n'ont aucune imagination et ne savent rien faire. C'est la capacité à produire des biens et des services qui donne aux gens la capacité d'acheter des biens et des services. En d'autres termes, la monnaie n'a pas de valeur intrinsèque. Pas même l'or, sa valeur lui étant attribuée en fonction de la quantité de biens et de services disponibles à l'achat avec cette monnaie.

Si seul le travail à partir de la créativité humaine sait créer de la richesse, à quelle fin est-il alors utilisé ? La sémantique subtile est manipulatoire pour masquer le bal des hypocrites : coût du travail vs gain financier ; service de la dette vs trou de la sécurité sociale... Résultat, là où un trader retire ses énormes gains de la spéculation en ne créant strictement rien, le travail et la créativité de ceux qui l'exercent sont des coûts pour la société ! Il en découle que la fausse monnaie peut remplacer la production réelle, car celui qui paie le violoniste choisit la mélodie. Dans une économie saine et normale, ce sont les producteurs qui choisissent... parce que ce sont eux qui ont l'argent. Dans une économie dévoyée, malsaine et contrôlée par des gouvernements corrompus, ce sont les autorités qui choisissent la mélodie...

 

De la réalité boursière

La Bourse est un jeu, sa fonction consistant à compléter l’extraction de la plus-value et des ressources du public, de ses retraites, de sa prévoyance, au profit des très grandes entreprises, du secteur bancaire et des gouvernements. En d'autres termes, il s'agit d’exploiter l’épargne du public après avoir exploité son travail, et ce de la même manière : en empochant l’écart entre la valeur d’usage de l’épargne et sa valeur d’échange.

Ainsi le capital donne à l’épargnant collectif une poignée de queues de cerises de 1% en encaissant la différence avec les X % de profit (environ 15) que le bénéficiaire réalise sur ses investissements et ses opérations financières en se servant de cette épargne comme levier capitalistique. Le grand capital fait de cette manière systémique levier sur la petite épargne qui se contente de la portion congrue.

Ceci est d'autant plus flagrant si on analyse le système des retraites : les ressources destinées au paiement des retraites servent au capital pour faire levier à son profit. C’est la raison pour laquelle a été créé le fonds BlackRock, société multinationale américaine spécialisée dans la gestion d'actifs. Fondée en 1988, elle est devenue le plus important gestionnaire d'actifs au monde, avec près de 6 960 milliards USD fin septembre 2019.

 

"Loin d’être le lieu passif d’un déchiffrement attentif de l’économie de façon à rendre publique la valeur fondamentale, les marchés boursiers y sont le siège d’une dynamique collective d’opinions visant à faire émerger une conception partagée de l’évolution économique future.

Il s’agit d’un processus complexe d’interactions entre investisseurs conduisant à produire une croyance commune, ce qu’on appellera une convention financière."

André Orléan, économiste français

 

Toutefois, l’hypothèse d’un marché où s’élaborerait cette "croyance commune" ne reflète plus la réalité. Il n’y a plus de marchés boursiers qui seraient le siège d’une dynamique collective d’opinions visant à faire émerger une conception partagée de l’évolution économique future. Il n’y a en fait désormais qu’un espace qui a l’allure d’un marché mais qui n’en est pas un ; il n’y a pas de dynamique collective d’opinions contradictoires, il n’y a qu’une opinion, qu’un sens. Nous sommes dans l’unilatéralisme, dans un lieu où la monnaie tombée du ciel - en l'occurrence des banques centrales, des banques ou des Etats - se transforme en quasi-monnaie. Autrement dit un lieu ou espace magique, alchimique, de transformation de la monnaie sous forme d'actions, obligations, dérivés et crédits. Et cette monnaie de marché est opaque, marquée par l’incertitude, permettant le développement des phénomènes de jeu propre à tout casino, avec tirage des gros lots comme des pertes libérés du poids des économies réelles.

C'est pourquoi cette martingale du jeu n’est qu'un simulacre pour dissimuler la nature post-moderne de ces pseudo-marchés, sans l’objectivité, c'est-à-dire sans valeur fondamentale ou valeur conventionnelle produites par le marché lui-même. Cela se nomme une farce, un attrape-nigaud, car à force de dévaluer la monnaie par son émission inconsidérée, de ce fait dépréciée, les valeurs boursières ne peuvent plus avoir de sens comme d’objectivité.  

 

Les transactions financières à haute fréquence

Le High Frequency Trading est une spéculation faite par des ordinateurs, sortes de drones financiers qui, à partir d’algorithmes sophistiqués, peuvent placer sur les marchés boursiers des milliers d'offres d'achat ou de vente en une fraction de séquence. Ceci permet aux "grosses mains" de truquer le marché, les acteurs de marchés n’ayant aucun intérêt à ce que nous découvrions comment les marchés fonctionnent vraiment. Les décisions humaines sont bannies de ce marché, dans un contexte de bombardement d’informations numériques impossibles à sourcer et à vérifier. Mais le système, devenu incontrôlable compte-tenu de la gloutonnerie sans limites et de l'addiction maladive qui le caractérise, a déjà provoqué des crashes éclairs qui ont obligé les bourses à suspendre les cotations. Jusqu'au crash éclair mondial, car, dans le contexte actuel, tout peut arriver, les cours pouvant se désintégrer en quelques secondes sans que quiconque ait le moindre contrôle sur le déroulement des opérations...En effet, si les robots ont pris les commandes des marchés boursiers, compte-tenu de la puissance de leurs algorithmes qui leur permettent de travailler à un rythme se mesurant en nanosecondes et d'afficher une puissance de calcul sans précédent par leur capacité à lire des millions de pages en temps réel, ils sont pour autant limités par leurs algorithmes. En effet, ceux-ci proviennent de codeurs, ceux qui rédigent le code, la plupart d'entre eux étant de jeunes ingénieurs certes brillants mais ne connaissant rien au fonctionnement de Wall Street ou autres bourses mondiales. Comme ils font ce que leur disent des personnes plus expérimentées au sein des banques d’investissement et des hedge funds (pratiquant la gestion alternative de leur portefeuille de titres), ces dernières ont elles-mêmes des idées fausses concernant les dynamiques du système animant les séries temporelles des cours tels que la distribution normale, le retour à la moyenne, l’efficience des marchés, les taux dénués de risques et la liquidité. Or les séries temporelles des cours ne sont pas distribuées selon la loi normale (courbe en forme de cloche, centrée sur une moyenne), mais par ce qui se nomme la distribution des degrés, une courbe suivant une loi de puissance (énormément d’acheteurs veulent profiter d’un prix bas, mais presque aucun d’un prix haut). Les cours ne retournent pas à la moyenne, étant soumis à des hauts et des bas extrêmes et à des changements de paradigme. De ce fait, les marchés ne sont pas efficients : ils sont au mieux émotifs, au pire irrationnels. Les titres dénués de risques n’existent pas. Si les suppositions de paradigme sont toutes fausses, alors il y a 100% de chances que les modèles le soient aussi. Les résultats produits par les modèles ont peu de rapport avec la réalité. Si l’on ajoute une science erronée à l’inexpérience, cela produit des algorithmes tout simplement stupides, autrement dit potentiellement dangereux. Et comme nombre de décisions de trading reposent sur eux, des milliers de milliards de dollars de capitaux d’investissement suivent aveuglément, pour le meilleur comme pour le pire...

 

La puissante toile d'araignée interbancaire

Le réseau SWIFT, pour Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (cf. image 6), est un système interbancaire international qui fournit des services de messagerie standardisée et de transfert interbancaire ainsi que des interfaces à plus de 10.800 institutions dans plus de 200 pays. C'est par ce gigantesque service de paiements et de règlements international et ses "tuyaux" que transitent les sommes nécessaires aux transactions (flux monétaires) qui font, ni plus ni moins, tout le commerce mondial. C'est également un outil de contrôle pour son ordonnateur concepteur, les États-Unis. C'est ainsi qu'en 2018 SWIFT a coupé les accès à l’Iran qui s’est trouvé dans l’impossibilité de commercer. Cela n’est pas passé inaperçu en Chine ou en Russie. En se fâchant avec les États-Unis, ils peuvent se voir débranchés du système économique mondial ! C'est pourquoi ils cherchent à concevoir un système autonome permettant via une structure indienne indépendante de connecter le système russe de messagerie financière (PSSA) avec le système chinois de paiements internationaux (CIPS).

 

Semper Augustus, tulipe connue pour être la tulipe la plus chère vendue lors de la folie des tulipes aux Pays-Bas au 17e siècle (Image : NORTON SIMON ART FOUNDATION)
Semper Augustus, tulipe connue pour être la tulipe la plus chère vendue lors de la folie des tulipes aux Pays-Bas au 17e siècle (Image : NORTON SIMON ART FOUNDATION)

Des bulles

En 1636, aux Pays-Bas, on se prend de passion pour les tulipes. Les prix des bulbes augmentent, mais les gens continuent d'acheter, augmentant encore plus les prix, car ils espèrent tirer profit de leur revente. Certains bulbes se vendent ainsi jusqu’à dix fois le salaire annuel d'un artisan qualifié ! Puis, les prix s’effondrent. Comme les actions peuvent connaître des flambées de prix similaires, ce phénomène est nommé une "bulle", celle-ci éclatant lorsque la conviction que les prix vont bientôt baisser se répand. Tout le monde veut alors vendre vite, les prix baissent rapidement, et la valeur s’effondre.

À l’insu de la plupart des gens, les dirigeants institutionnels ont conclu un pacte avec le "Diable" : remplacer la création d’une "richesse" par une bulle d’actifs représentant des trillions de dollars accordés à quelques-uns et destinés à se répercuter comme par magie sur le plus grand nombre pour une prospérité généralisée. Ainsi successivement la bulle internet, celle du pic pétrolier, la bulle immobilière, celle des prêts hypothécaires garantis et, plus récemment, avant la bulle du marché obligataire, la bulle des "meme stocks"*, celle des cryptomonnaies sinon celle des voitures d'occasion. Toujours plus de bulles...

C'est aussi insensé que la promesse d’immortalité sur la planète Terre ! En d'autres termes, ces dirigeants ont préféré sacrifié la sécurité et la stabilité futures des nations en refusant de traiter les vrais problèmes révélés par l’effondrement des escroqueries financières en 2008-2009... Ce n'est plus ou moins que l’équivalent de sacrifier des innocents sur l’autel des dieux pour assurer aux dirigeants leur fortune personnelle. Si Lucifer était bien sûr ravi de servir l’illusion de pouvoirs divins à ces dirigeants corrompus et avides, il réclame désormais son dû, signifiant que la destruction commence vraiment destination la ruine !

* Une action mème est une action numérique qui gagne en popularité parmi les investisseurs particuliers par le biais des médias sociaux. Elle est basée sur des mèmes Internet partagés par les traders sur des plateformes telles que r/wallstreetbets sur Reddit.

 

La bulle des fonds indiciels

L'investisseur américain John C. Bogle (1929/2019), fondateur de The Vanguard Group, l'un des plus grands fonds commun de placement mutualiste dans le monde, est reconnu comme étant le créateur du premier fonds indiciel, en 1976, fonds passif qui se contente de répliquer les indices boursiers. Quatre décennies plus tard, le montant des capitaux investi dans ces fonds passifs est plus important que celui des capitaux gérés par des êtres humains, soit de l'ordre de 4 270 milliards de dollars en gestion passive* contre 4 250 milliards de dollars en gestion active. Pourquoi un investisseur paierait-il des frais exorbitants à un gestionnaire actif pour essayer de battre le marché... quand il peut tout simplement investir dans un fonds indiciel qui ne lui coûte quasiment rien en frais de gestion tout en lui permettant d'obtenir un excellent rendement ? Si cela semble tout à fait logique dans un marché haussier - achat d'actions pour le long terme -, c'est en réalité dangereux dans une période comme aujourd'hui. En effet, ce type d'investissement passif est à l'origine d'une gigantesque bulle sur le marché des actions et des obligations, rappelant d'une façon similaire les crédits "subprime" en 2007 liés au marché de l'immobilier, soit des achats irréfléchis sur la base de l'idée erronée selon laquelle les actions ne peuvent que monter. Si d'aucuns imaginent que les marchés ne peuvent que continuer à monter en raison d'un afflux continu de capitaux, c'est oublier que la liquidité peut s'évaporer en un clin d’œil lorsque la prise de conscience sur le non-respect des fondamentaux économiques et de ses acteurs (coûts, niveau d'endettement, flux de trésorerie) permet de déterminer la réelle valeur des cash-flows prévisionnels futurs de l'activité. Ceci explique que plus les investisseurs sont nombreux à abandonner l'analyse financière des titres individuels au profit de la gestion indicielle, plus le processus de découverte des prix sur le marché s'affaiblit, le système ne pouvant alors que montrer des signes inquiétants de fragilité.

Jouer à se faire peur est bel et bien la marque de l'emprise psycho-émotionnelle par les forces sombres qui gouvernent l'être humain illusionné, attaché à la quête incessante de la réussite matérialiste, et que mesure le VIX, l’indice de la volatilité surnommé également indice de la peur (photo 7 ci-dessus). Plus il monte, plus les marchés sont tendus et stressés, livrant ainsi leur nourriture de survie aux prédateurs cosmiques asservisseurs de la conscience...

* Si le fonds indiciel est en fait géré par des individus ou des comités qui décident quelles sociétés composent l'indice, l'ensemble des indices boursiers répliqués par les fonds passifs étant construits en fonction d'évaluations et de décisions prises par de véritables personnes, il n'existe en réalité rien de tel qu'une gestion passive.

 

Des saisons boursières, ou le cycle climatique financier

L'hiver boursier de 1929 fut si intense que la glace a tenu 25 ans (dans l'ensemble, le Dow Jones* a plongé de 89,2% entre 1929 et 1932). Ce n'est qu'en 1954 que les actions ont dégelé pour atteindre des niveaux antérieurs au gel. Si d'autres rafales de froid polaire se sont parfois abattues sur la Bourse, comme en 1987, leur impact ne fut que de courte durée. Les années 1982-2000 ont ainsi prolongé la période estivale boursière, les rendements composés réels du Dow Jones entre août 1982 et décembre 1999 ayant atteint 15% par an. Les investisseurs croyaient alors avoir découvert quelque chose proche de l'été perpétuel.

Pourtant, l'été cède inévitablement la place à l'hiver. Et même si l'été indien peut retarder l'arrivée de l'hiver, tôt ou tard le blizzard s’impose. C'est le cas de la saison 2001-2002, qui arrivée de Chine, fut marquée par un grand coup de vent arctique, avant qu'un autre – plus glacial encore – ne s’abatte sur la Bourse en 2008-2009, conséquence de l'affaire des "subprimes"*². Cet hiver a pour effet de balayer la sphère spéculative et d'en nettoyer les excès, l'intervention des banques centrales ayant pour effet de ramener la douceur printanière. Fin 2021, malgré les récents frimas de la crise sanitaire du Covid-19, le marché boursier a enregistré un pic de chaleur. Mais est-ce encore l'été pour la Bourse, ou dirigeons-nous vers un hiver qui va durer 20 ans… semblable à la période hivernale de 25 ans entre 1929 et 1954 ? Peut-être que la reprise post-pandémique n'est qu'un dégel transitoire et artificiel, l'hiver étant plus proche qu’on ne le croit compte-tenu de tous les signes du cycle socio-économique de grande ampleur qui entre dans la phase de désintégration, autrement dit hivernale : l'humeur sociale aigrie, inflation des prix, perte du pouvoir d'achat, stagnation des salaires, amplification des inégalités, dévaluation des monnaies, hausse de la dette, polarisation politique, désunion des élites.

Ces signes hivernaux annonciateurs ont été mis en éclairage par les travaux de l'historien anthropologue évolutionniste russo - américain Peter Turchin (Piotr Valentinovitch Tourtchine), spécialisé dans l'évolution culturelle et la cliodynamique, qui a exploré les cycles historiques de désintégration et d'intégration sociales sur des cycles de 50, 150 et 200 ans dans son almanach de la civilisation Ages of Discord (non traduit en français). Il y identifie trois causes principales à l'origine de ces cycles : une offre excédentaire de main-d'œuvre qui nuit aux salaires réels ; une surproduction d'élites parasitaires ; une détérioration des finances de l’État. Il conclut que ces cycles sont aussi naturels que les saisons, et sans doute aussi inévitables.

* Le Dow Jones Industrial Average est un indice des bourses de New York. Il est le plus vieil indice boursier du monde.

Les "subprimes" sont des emprunts plus risqués pour le prêteur que la catégorie prime (les emprunteurs sont nommés "Prime" lorsqu'ils sont considérés comme les plus solvables et "Subprime" pour les emprunteurs à risque), particulièrement pour désigner une certaine forme de crédit hypothécaire. Le terme s'est fait connaitre en français à la suite de la crise des subprimes aux États-Unis, qui a déclenché la crise financière de 2007 à 2011.

 

L'or et les billets de banques ne sont que des symboles de cette richesse, non l'essence. Mais les mots et les idées fausses utilisées par ceux qui dirigent la planète nous font prendre le symbole pour l'objet qu'il représente. L'argent, la monnaie, n'est rien de plus qu'un moyen d'échanger un travail contre un autre travail, et rien d'autre, soit un bien collectif. Aussi se pose naturellement la question de savoir pourquoi les États souverains ont accepté d'abandonner le contrôle de l'émission monétaire à des institutions privées nommées banques, centrales et autres indépendantes, de ce fait à leurs actionnaires et serviteurs ? Car les conséquences de cet abandon se nomment récession et invendus lorsque il y a moins d'argent mis en circulation, ou inflation et pénurie lorsque c'est l'inverse, le prix des choses ne cessant de faire du yoyo. Cette maîtrise de l'émission de l'argent conduit à des bénéfices colossaux, investis en patrimoine foncier et immobilier, et décuplés par la pratique de la spéculation comme la vente à découvert (spéculation à la baisse !) et du prêt à crédit aux acteurs économiques individuels comme collectifs fragilisés selon les scénarios créés de toute pièce, allant jusqu'à emprunter pour rembourser les... intérêts. Pour ceux devenus insolvables, l'ogre vorace finit par racheter à bas prix tous les biens pour, bien sûr, les sauver ! Les sauver bien entendu de leur incurie, de leur mauvaise gestion, de leur irresponsabilité, de leur naïveté... De l'aveu même en leur temps de Thomas Woodrow Wilson, vingt-huitième président des États-Unis (1856/1924) et de James Abram Garfield, vingtième président des États-Unis (1831/1881), le système de crédit est concentré dans le privé, entre les mains de quelques hommes dominants*. L'argent prêté l'est à partir de rien, via une simple ligne d'écriture, le système des "réserves fractionnaires" permettant aux banques de prêter beaucoup avec une petite contrepartie tangible dans leurs comptes.

* Aux États-Unis, la Réserve Fédérale - la FED -, censée veiller sur le contrôle de l'émission de monnaie par les banques et le risque des cartels bancaires, est elle-même l'expression d'un cartel bancaire privé, en l'occurrence à travers la composition de son Conseil.

 

Difficile de ne pas y voir une volonté de contrôler le monde par l'endettement, les faits étant suffisamment éloquents*. Rien n'a été fait pour enrayer la machine infernale mise en place depuis le XIX° siècle, le système bancaire restant totalement incontrôlé et non sanctionné. Après chaque crise, et celle de 2008 est éloquente, l'argent public renfloue et le grand casino repart de plus belle, continuant à soutirer de génération en génération un impôt caché, celui du paiement d'intérêts, peu importe au fond que les dettes soient remboursées.

En effet, pour que les gouvernements puissent continuer de s’endetter et ce sans tomber en faillite, il faut que les dettes leur coûtent de moins en moins cher. C'est pourquoi la notion actuelle de taux d’intérêt n’a désormais plus aucun rapport avec la notion ancienne qui voyait celui-ci être le point de rencontre de l’offre et de la demande de fonds d’épargne. Les banques centrales en en ayant pris le contrôle, elles sont désormais l’opérateur administrant qui dicte sa loi à nos systèmes. Le taux d'intérêt n’a ainsi plus de rapport avec ce que Keynes avait découvert, à savoir la demande de monnaie, la préférence pour la liquidité. Il n’a plus de rapport qu’avec la peur, la frilosité des agents économiques et leur capacité à être des gogos et à se laisser gaver de monnaie de crédit ! Il en résulte qu'une entreprise aux profits négatif n'a aucune valeur, mises à part la trésorerie à disposition au moment X et la valeur quasi-nulle des autres actifs que l'on peut vendre aux enchères. Et si l'on soustrait à cela des dettes immenses, on obtient une valeur nette négative, et la valeur de marché des actions est donc zéro ! 

* Cf. Évolution de civilisation (3) / Le mythe constitutif de la société contemporaine - L'argent - Le bilan "merveilleux" des élites bancaires.

 

L’illusion de la croissance alimentée par les banques centrales

Au-delà d’une méthode de calcul discutable voyant le calcul du PIB plutôt établi dans l’optique que le moteur d’une économie ne réside pas dans la production de richesses (offre de biens) mais plutôt dans la consommation (demande), l’intérêt du PIB est surtout plombé par les politiques monétaires laxistes des banques centrales, qui favorisent aussi bien les bulles que les krachs. Le problème avec cette logique est qu’elle ignore complètement le fait que l’épargne est le facteur déterminant de la croissance future, étant le seul qui permet d’augmenter l’offre de biens et de services. Il est de ce fait impossible de déterminer la production totale réelle, d'autant que tous les éléments pris en compte pour son calcul

n'ont pas une unité de mesure commune (il n’est tout simplement pas possible d’additionner des réfrigérateurs avec des voitures et des chemises pour arriver à la somme des biens produits).

Puisque la production totale réelle ne peut être déterminée avec justesse, elle ne peut évidemment pas être quantifiée objectivement. Pour surmonter ce problème, les économistes se basent sur le montant total des dépenses monétaires en biens et services, qu’ils divisent par leur prix moyen. Là encore, on ne peut pas additionner un téléviseur à 1 000 euros avec une chemise à 40, ce qui implique qu’il n’est pas possible d’établir un prix moyen. Il en résulte que les fluctuations du PIB en volume, soi-disant ajustées de la variation des prix, sont en fait une fonction directe des fluctuations de la quantité de devises injectés dans l’économie. Par conséquent, dès lors que la croissance de l’économie est mesurée par le biais du PIB, il n’est pas surprenant que la banque centrale semble être capable de piloter efficacement l’économie. Par exemple, en accélérant la croissance de la masse monétaire, les actions de la banque centrale sont supposées permettre de stimuler l’économie. A l’inverse, si la banque centrale décide de ralentir le rythme d’expansion de la masse monétaire, cela se traduira par un ralentissement de la croissance économique telle qu’elle est mesurée par le PIB en volume.

Il en résulte que les politiques monétaires laxistes par l'expansion de la masse monétaire favorisent les bulles (ainsi la hausse du chiffre d’affaires des entreprises) comme les krachs, et une récession risque donc de débuter (la récession démarre lorsque les activités, notamment non viables, ne bénéficient plus d’un soutien important au travers de la création monétaire). Résultat, les activités en situation de bulle ne peuvent tout simplement pas survivre sans le soutien des injections monétaires de la banque centrale.

 

De la réalité des taux d'intérêts

Telle que le montre le tableau ci-contre, l’évolution des taux d’intérêts réels, ceux qui prennent en compte l’inflation, étaient de 5.5% en moyenne pour les années 80, de 4.6% pour les années 90 et de 2.2% pour les années 2000. Ceci signifie que sur ces 3 décennies un placement en assurance-vie et en obligations pouvait largement avoir du sens en termes patrimoniaux.

Tout au long de la décennie 2010/2020, les taux réels furent largement négatifs, rendant de ce fait tous les placements de type obligataires sans... intérêt !

La situation a changé en 2022, crises sanitaire et ukrainienne obligent. L'inflation des prix a explosé, notamment en matière d'énergie, les taux d'intérêt faisant de même. Ainsi l’objectif de taux d’intérêt aux États-Unis d’ici la fin de l’année 2022 est de 3,5 % pour ralentir l’inflation. C'est un cocktail explosif, d'autant compte-tenu de la raréfaction de nombre de produits sinon de pénuries. La hausse des taux va projeter dans l’insolvabilité de très nombreux ménages qui ne pourront y faire face...

Source : Charles Sannat.

 

Le colossal sauvetage des banques espagnoles

Laminées par l’explosion d’une bulle immobilière à la fin des années 2000 à laquelle les banques hispaniques ont jouée comme au casino, leur sauvetage a coûté une fortune au contribuable espagnol, le coût accumulé des fonds publics employés dans le processus de restructuration bancaire atteignant fin 2015 quelques 61 milliards d’euros ... (estimation provisoire de la Cour des comptes). Ce coût ne peut être considéré comme définitif, les processus de restructuration se poursuivant. L’État espagnol n’a pour l’instant récupéré auprès des banques que 3 à 5 milliards, selon les estimations du Fonds de restructuration bancaire (FROB) et de la Banque d’Espagne. Et Madrid a remboursé à l’Union européenne 6,6 milliards d’euros. Quant à la reprise tant annoncée, elle se fait toujours attendre.

 

Désastre à l'italienne

L'ABE (l'Autorité bancaire européenne) l'a annoncé courant juin 2017 : les banques italiennes ont un taux de créances douteuses de 16,5% de leur encours. Cela s'appelle un désastre. Si Banca Intesa est parvenue à céder un portefeuille de créances douteuses pour une valeur de 2,2 Mds€,  la BMPS (Banca Monte Paschi di Siena) a quant à elle bénéficié d'un feu vert de Bruxelles pour une nouvelle recapitalisation massive de 6,6 Mds€... avant la prochaine (il manque encore 2,2 Mds€). De même, la décision a été prise de liquider* deux banques italiennes zombies : Banca Veneto et la Banca Popolare di Vicenza après l'échec des tentatives d'adossement ou de reprise. Ce ne sont que deux petites banques régionales qui représentent un actif combiné de 60 Mds€. Au total, l'Italie doit mettre 17 milliards d'euros pour sauver ses banques !

*Le montage voit Intesa Sanpaolo, la première banque de détail du pays, reprendre les actifs sains, l’État italien lui versant 5,2 milliards d’euros et apportant jusqu’à 12 milliards d’euros de garanties, alors qu'il est déjà fortement endetté.  Intesa San Paolo a précisé que l’opération inclut un certain nombre d’autres établissements comme Banca Apulia et Banca Nuova, ainsi que des banques en Moldavie, en Croatie et en Albanie..., sans impacter ni son ratio de fonds propres ni sa politique du dividende. Elle a ajouté qu’elle pourrait également déboucher sur la fermeture d’environ 600 agences et sur le départ volontaire de quelque 3 900 salariés...

 

Le jeu mortifère de la dette

 

Que démontre toute crise financière ? Toujours la même chose. Du moment que l’on a dépassé les limites de la solvabilité, du moment que la masse des dettes franchit un certain seuil et que la politique se résume à en créer plus pour gagner du temps, la crise financière de destruction des dettes excédentaires se produit. La loi naturelle dit en effet qu’il est impossible d’accumuler à l’infini. La leçon à retenir est que la dette, quand elle s’accumule, contient en germe sa propre destruction. Et c’est la fonction de la crise que de détruire pour tout remettre à niveau. La crise fait donc partie intégrante du système, même et surtout si elle est occultée, non reconnue comme nécessité.

Ainsi s'explique la nouvelle et sévère crise financière de mars 2020, dans la foulée de son détonateur, le mortel virus Covid-19. Ses fondements remontent à la crise d’excès de dettes liées à la bulle "dot.com" en 2000, qui a été traitée en créant encore plus de dettes hypothécaires. Puis une nouvelle crise apparut en 2008, la dette immobilière (crise dite des subprimes), traitée là encore par une production de dettes des gouvernements et des banques centrales. Et en cette nouvelle crise de 2020, le traitement est analogue, toujours par plus de dettes des gouvernements et des banques centrales...

 

Engrenage fatal

Pour financer les dépenses budgétaires colossales en situation de crise, sont émis des emprunts d’État en masse constitutifs de bulles. Qui plus est, sont bloqués les taux d'intérêt pour éviter que ces emprunts ne coûtent trop cher. Il en découle que ces emprunts, cessant d'avoir un prix naturel, l'économie s'enfonce dans l'artificiel. Alors intervient un choc, qui voit la bulle éclater. Et compte-tenu du fait que nos systèmes monétaires sont adossés aux emprunts d’État, et que les dettes souveraines sont la pierre angulaire du système bancaire, la destruction est incontrôlable !

 

Les crises se rapprochent ainsi de plus en plus, devenant de plus en plus fréquentes et profondes. Les répits sont de plus en plus brefs, jusqu’à la crise finale qui est toujours la même dans sa conséquence profonde, la destruction de ce en quoi sont libellées toutes les dettes : les monnaies ! Bienvenue alors à la monnaie virtuelle, numérique, la marque de la Bête apocalyptique, qui tracera et parquera définitivement les esclaves humains dans leur enclos geôle prison, disant définitivement adieu à leur "chère" liberté illusoire. Tout étant déjà réalisé, il suffit d'observer avec discernement l'accomplissement de l'agenda occulte des forces prédatrices qui nous gouvernent...

 

Rappel du b.a-ba de la dette

La dette contractée est liée au paiement d'un taux d'intérêt appliqué au prêt accordé. Le taux d’intérêt est le prix de la rencontre entre l’abstinence, qui détermine l’offre d’épargne, et d’une volonté de prendre des risques qui conduit à avoir besoin d’argent aujourd’hui. Le taux d’intérêt est le prix de cette location. Tout observateur de l’Histoire sait cependant que les pouvoirs politiques ont toujours voulu que le blé soit cher, pour contenter les paysans, et la farine bon marché, pour satisfaire les citadins. D’où d’innombrables tentatives de contrôle des prix par les États, qui toutes ont échoué. Or si la manipulation des prix par un État ne marche jamais, la quasi-totalité des économistes expliquent que maintenir des taux "bas" est très bon pour l’activité économique. Nous sommes face à une impossibilité logique, qui ne peut avoir comme conséquence que de conduire à une baisse structurelle  de la croissance économique.

Si le taux d’intérêt est le prix auquel la demande d’épargne égale l’offre d’épargne, sa fixation artificielle en-dessous de ce rapport conduit inévitablement tous ceux qui peuvent emprunter, c’est-à-dire ceux qui ont des actifs, à acheter des affaires ou des actifs existants qui rapportent plus que le taux arrêté, et ce sans prendre de risque. L’endettement va alors monter très fortement, ce qui rend le système vulnérable en cas de ralentissement. Le prix des actifs existants va se mettre à monter, les riches devenant plus riches tandis que les "pauvres", souvent les jeunes, deviennent plus pauvres. Comme il est très facile de s’enrichir sans prendre de risque, plus personne n’investit dans une augmentation du stock de capital qui impliquerait une prise de risque, et de ce fait la productivité se met à baisser, entraînant dans son sillage  celle du niveau de vie des pauvres. La croissance structurelle s’écroule puisque la productivité s’écroule par manque d’investissement. Les rentiers font plein d’argent, les entrepreneurs ne peuvent se financer.

La conclusion à tirer c’est que les taux bas sont l’outil central dont se sert le capitalisme de "connivence"...

 

Le système d'endettement basé sur le crédit est un processus basé sur la cupidité et la vanité, en aucune sur une approche vertueuse de l'économie au service de l'intérêt général. Encadré par la loi, comme celle du 3 janvier 1973 en France qui interdit désormais à l’État français d'emprunter à zéro à sa banque centrale (loi dite "Giscard-Rothschild"*...), ce système conduit à laisser des services publics en sous-investissement chronique et à les brader, par petits bouts, pour éponger la dette irrécouvrable auprès d'acteurs privés faisant payer des intérêts au prix fort. La même loi s'est introduite dans les accords du traité européen de Maastricht de 1992 (article 104), avant d'être gravée dans le marbre dans le Traité de Lisbonne (article 123), dans un labyrinthe technique volontairement incompréhensible. Les pays européens ont été ainsi obligés d'emprunter sur les marchés financiers - plus de 30 % à une époque pour la Grèce -, ces mêmes marchés empruntant au même moment à moins de 2 % à la Banque Centrale Européenne... Les États de l'Union européenne sont ainsi totalement tributaires de l'oligarchie financière.

* Georges Pompidou (1911/1974), avant de devenir Premier Ministre puis Président, était directeur général de Rothschild France. 1973 est la dernière année où le budget de la France a été à l'équilibre, la dette passant à 21,2 % du PIB en 1974 à 96,9 % en 2015... Une génération sacrifiée.

 

De la TMM, nouvelle doctrine monétaire

Connue sous le nom de Modern Monetary Theory (MMT en anglais) ou TMM ("Théorie Monétaire Moderne") en français, cette théorie sortie de l’imagination des démocrates de gauche américains offre aux banques centrales l’occasion de financer les moyens de lutter contre les inégalités économiques, considérant que les États peuvent emprunter sous forme d'émissions de titres de dettes et dépenser autant que souhaité afin d’atteindre le plein-emploi, car dans la mesure où le pays émet sa propre devise, il ne peut pas faire faillite ! Or faire croire que l’on peut agir de cette manière comme par magie est complètement faux, la création monétaire pure ne pouvant se faire tant que les dettes ne sont pas remboursées. Pour ses partisans, la monnaie est une fonction sociale et non une contingence à la rareté intrinsèque telle qu'établie par les théories du monétarisme. Aussi son usage doit concourir avant tout au bien public, et non pas être surdéterminé entièrement par les règles du secteur privé, d’autant plus lorsque ce dernier a failli au rôle que la théorie dominante lui attribue.

En réalité, il n’y a rien de moderne dans cette théorie, qui ne cesse de resurgir lors des pannes prolongées de croissance que la politique continue de taux bas n'a pas su faire repartir. Ceci constitue un cercle vicieux, puisque la dette étant de moins en coûteuse, elle entraîne l’accumulation de toujours plus de dettes et l’augmentation des actifs que l’on peut financer par de la dette pas chère ! Ce cycle infernal rend évidemment illusoire toute augmentation significative des taux de rendement. De leur côté, les impôts augmentent pour payer une dette qui n’est plus finançable par la fiscalité. Et plus les impôts augmentent, plus l’économie souffre, et plus cela étouffe la croissance économique pour rembourser la dette tout en générant le mécontentement populaire, les revenus disponibles des acteurs économiques étant inévitablement limités à la fraction "supportable".

Quant à l’histoire économique de l’humanité, elle nous a toujours enseigné que si l’on peut imprimer de la monnaie à volonté, cela ne crée pas pour autant de richesses à volonté * ! La monnaie est un "simple" instrument de stockage de valeur, elle n’est pas la richesse. Mais si cette théorie devait finir par l'emporter, le message est clair : la valeur de la monnaie se dirigerait plutôt vers une dépréciation qu’une appréciation ! Et c'est ce que vers quoi se dirige la zone euro dans la mesure où, pour le moment, la monétisation y est impossible. Le risque d’explosion de l’euro sera en effet de plus en plus prégnant que les pays européens voudront appliquer la TMM et que le partenaire allemand s’arcboutera sur son idéologie monétariste. Alors se refermera le piège des taux bas et de la spirale de la dette, une dette devenue hors de contrôle.

* Les empereurs romains faisaient à leur époque de l’impression monétaire avec leurs pièces d’or, en mettant de moins en moins d’or dans chaque pièce et en "frappant" de plus en plus pour la même quantité d’or globale. Du coup, les citoyens, pas totalement stupides, réclamaient plus de pièces romaines pour le même besoin...

 

Du taux neutre : le taux R

Ce taux présenté comme " naturel " par de soi-disant doctes économistes pose problème et n'en résout aucun. Il est un modèle, une abstraction de raisonnement, non la réponse efficiente à la réalité économique. S'il est tant prisé par les banquiers centraux, c'est qu'il est une auberge espagnole, c'est-à-dire que l'on y trouve ce que l'on y met... surtout quand le système a muté et qu'il a remplacé le taux d'intérêt à long terme servi à l'épargne, à la vraie épargne, par le taux qui découle de l'activité de la banque centrale d'une part et du crédit créé à partir de rien d'autre part. Ce taux neutre n'est en aucune façon le taux d'intérêt qui aide l'économie au plein emploi et à la production maximale tout en maintenant l'inflation constante. Il est dit neutre, parce qu'il est nécessaire pour soutenir la bulle financière mondiale et éviter qu'elle n'éclate. Et ce taux ne peut que continuer à baisser, parce que la bulle est de plus en plus grosse, de plus en plus fragile, et parce que pour la soutenir il faut que le crédit coûte de moins en moins cher, qu'il soit gratuit, puis négatif...

 

Mais si la Grèce a fait vaciller la zone euro, ce n’est pas tant pour des raisons économiques que pour des raisons purement politiques. Le PIB de la Grèce en effet ne représente pas grand-chose, moins de 200 milliards d’euros. Ce n’est même pas le budget de l’État français. C’est moins de 10 % du PIB tricolore et, comparé au PIB européen, c’est insignifiant. Aussi la question centrale était politique : comment sauver un pays vacillant de la zone euro sans remettre en cause les traités, les règles, et sans conduire les Allemands à payer pour le reste de l’Europe ? Il en est tout autrement pour la France et l'Italie.

La réalité en 2024 est que la France sombre, que le pays coule, que son industrie s’éteint, que ses usines ferment, que les rayons de produits se vident. Les artisans, boulangers, restaurateurs, épiciers, vendeurs de surgelés ne tiennent plus qu’à un fil, tout particulièrement en raison de la facture énergétique se répercutant sur leurs coûts de production et leur trésorerie. Les avis de décès se succèdent, plus de 55 000 entreprises selon les données de la Banque de France ayant mis la clé sous la porte en 2023, un niveau jamais atteint depuis 2017. Et pendant ce temps, l’orchestre institutionnel, droit, se tenant debout, fier, joue pendant le naufrage le requiem de notre industrie, de notre artisanat et de notre agriculture.

 

La dette de la France

En 2012, elle s'établissait à 1.740 milliards d'euros, les intérêts cumulés représentant environ 80 %. Sans ces derniers, la dette aurait plutôt tendance à baisser entre 1979 et 2012. En 2016, ces mêmes intérêts représentaient 1760 milliards sur un total de 2200. En juin 2019, elle s'établissait à  2.359 milliards d’euros à la fin du premier trimestre, atteignant 99,6% du PIB. Il en découle que selon la Cour des Comptes, en fonction de la manière dont on calcule l’endettement de notre pays, notre taux d’endettement allait de 99%… à plus de 135% ! Pour régler la facture, nous sommes obligés d'emprunter de nouveau contre intérêts 50 milliards, soit 4,16 milliards par mois. Cette dette est irrécouvrable, au même titre que celle de 99 % des pays de la planète. Nous sommes condamnés à payer des intérêts, qui augmentent de façon exponentielle, sans jamais pouvoir éponger notre dette, pour une monnaie quasi virtuelle créée ex nihilo par le système bancaire. C'est un total dévoiement de l'intérêt collectif octroyé à des acteurs privés, qui plus est généré par l'acceptation de la nation France d'abandonner sa souveraineté monétaire au profit de l'Union européenne, de sa banque centrale et d'une monnaie commune unique - l'euro - à des pays aux économies tellement hétérogènes...

Et que dire des effets de la crise sanitaire de 2020 et début 2021, qui a vu depuis le confinement l’État soutenir à bout de bras l’économie (chômage partiel notamment), cette assistance pesant significativement sur les comptes publics par la hausse continue des dépenses d’intervention ainsi que des reports d’imposition et de la contraction des recettes fiscales sous l’effet de la chute de l’activité économique. Elle a conduit à un déficit public estimé pour 2021 à 9.4 %, se rajoutant aux 10 % de l’année 2020… Si la France est arrivée en 2021 à 112,9 % de dettes sur PIB, son déficit s'établit à mi-2022 à 155 milliards d’euros, représentant 45 % des recettes, la conduisant à devoir emprunter pour 2023 la somme abyssale de 270 milliards d'euros pour financer son "train de vie" et ses obligations ! Au total, le déficit public devrait s’établir à pour 2022 à 4,8 % du produit intérieur brut (PIB), voire moins, soit en dessous de la prévision de 5 % du gouvernement.  Sur un PIB de 2 500 milliards d’euros cela nous fait la modique somme de 120 milliards d’euros de dette en plus, soit 4 fois le budget de l’armée ou 2.5 fois celui de l’éducation nationale.

 

Situation économique d'ensemble
Situation économique d'ensemble

 

La dette de l'Italie

Troisième économie européenne derrière l’Allemagne et la France, la dette publique na cessé de croître, ayant atteint 134 % du produit intérieur brut en 2019 contre 129 % six ans auparavant. Le stock de dettes était alors évalué à 2 500 milliards de dollars pour un PIB de presque 2.200 millions de dollars. A cette situation déjà critique à l’échelle mondiale, l’Italie étant un pays tout simplement trop gros pour être sauvé même si, tout comme la France, le Portugal comme la Grèce la BCE et ses "bricolages" économiques peuvent faire illusion dans une action de sauvetage, la crise sanitaire de l'année 2000 a rajouté une nouvelle couche, le plan de relance adopté début 2001 par le  gouvernement italien s'élevant à 222,9 milliards d’euros pour remettre à flot une économie mise à mal par la pandémie de coronavirus (le plan de relance français n’est "que" de 100 milliards d’euros). Cette situation d'endettement est d'autant plus préoccupante que l'Italie est confrontée en 2020 à un véritable effondrement démographique dans son solde naissances/décès, le nombre d'individus en baisse entraînant une moindre consommation et de ce fait une augmentation de la dette par individu !

France comme Italie empruntent de l’argent que nous n’avons pas, pour relancer des économies que nous continuons à maintenir fermées… ce qui est un tantinet contradictoire. Espérer en effet des effets d’un plan de relance lorsque la crise sanitaire et les restrictions de circulation ne sont pas terminées laisse circonspect. L’Italie va désormais se retrouver en 2021 au moins avec 158 % de dette sur PIB, juste derrière la Grèce qui avait atteint en 2018... 181,2 %, alors sauvée car en faillite virtuelle par des plans consistant à ruiner soit les populations, soit les épargnants !

L’Italie étant le maillon faible actuel de la zone euro, c'est donc dans ce pays que les préconisations du rapport du G30, rédigé et signé par l'ancien président de la Banque Centrale européenne (BCE) Mario Draghi, vont s’appliquer avec le plus de zèle. L’Italie va servir de laboratoire et de cobaye pour la politique économique définie dans ce rapport de 120 pages, avec la mise en place de décisions politiques et économiques très impopulaires. L’idée est de faire le maximum d’austérité possible sans déclencher de révolution sociale. Et d'ici un à deux ans, ce sera la même chose en France et en Espagne. Ce sera douloureux, très douloureux.

 

La dette de l’Espagne

En 2016, la dette publique de l’Espagne a atteint 99,4 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, selon les données provisoires publiées fin mars 2017 par la Banque d’Espagne, en recul de 0,4 % par rapport au niveau atteint en 2015. Elle s'établit à 1 107 milliards d’euros (soit 1 183 milliards de dollars américains).

 

La dette abyssale américaine
La dette abyssale américaine

Dépendance chinoise

La Chine a détrôné en 2012 le  Japon comme premier détenteur étranger de la dette des États-Unis., dont une partie n’est tout simplement pas mise sur le marché des obligations. Il s’agit des fonds de la Sécurité sociale américaine. L’empire du Milieu possède ainsi plus d'un quart des bons du Trésor américain, plaçant ses capitaux dans les multinationales et voulant consolider ses investissements en Europe pour prendre le leadership économique mondial.

La dette des États-Unis

La dette du gouvernement fédéral américain est officiellement passée en début de 2024 la barre des 34.000 milliards de dollars*, passant bien au-delà des 120 % du PIB national réalisé en 2020 (106 % à mi 2019). En effet, si au début du siècle le PIB des Etats-Unis s’élevait à un peu plus de 9 000 milliards de dollars, il s’élève désormais à 27 000 milliards de dollars. En pourcentage du PIB, la dette américaine est donc passée d’environ 60% à 123% aujourd’hui. Ce qui signifie que pendant près d’un quart de siècle, la dette a augmenté environ deux fois plus vite que l’économie qui la supporte. Cerise sur l'indigeste gâteau, le coût de la dette vient de dépasser le trillion, les 1 000 milliards de dollars d’intérêts annuels ! C’est pourquoi l’or n’a pas fini de briller, étant la seule "monnaie" qui ne soit pas une monnaie-dette...

Cet endettement abracadabrantesque concerne tant la dette publique détenue par les entreprises que celle des particuliers, le reste représentant la dette nationale du gouvernement envers la Federal Reserve (Fed), la banque centrale. L’État fédéral s'est plus endetté sous la présidence de Barak Obama que pendant toute la période de George Washington, premier Président de l'histoire des USA, à Bill Clinton. 25 % des bons du Trésor étaient détenus par la Russie, la Chine et la Belgique, ce qui place en l'état les États-Unis en position de grande fragilité quant à la force et la pérennité du dollar, sa monnaie. Et comme en août 2019 la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis d'alors Nancy Pelosi et Donald Trump avaient conclu un acte bipartisan, tombant d'accord pour éliminer le plafond de la dette, il n'y a plus de ce fait de limites, les autorités étant déjà en route vers la stratosphère,  le gouvernement fédéral continuant à emprunter au rythme de plusieurs milliards de dollars par jour !

Quant aux particuliers, des statistiques de décembre 2016 fournies par le bureau de crédit Experian indiquent que 73 % des Américains qui décèdent ont une dette en cours représentant une ardoise de 61 554 $, ce qui inclut les crédits hypothécaires. Environ 68 % des ménages avaient des dettes via leur carte de crédit, suivi du crédit hypothécaire (37 %), du crédit auto (25 %), le prêt personnel (12 %) et enfin le prêt étudiant (6 %). Rappelons que la dette fait partie de la succession. Au total, la dette des ménages US (plus de 17 000 milliards de dollars) est passée en 2023 de 35% des revenus en 2000 à près de 44% aujourd'hui, sans parler du record de 12 000 milliards de dollars en prêts hypothécaires, du record de 1 600 milliards de dollars de prêts automobiles, le 1,6 billion de dollars de prêts étudiants et les 1 000 milliards de dollars de dettes de carte de crédit. Une situation insoutenable !

Pour que le tableau soit complet, la balance des comptes courants de Washington, qui est la somme de sa balance commerciale, de sa balance des revenus et de sa balance des transferts courants (la première composante étant typiquement la plus importante) a conduit à un déficit commercial annuel qui a égalé en 2021 un record qui remontait à 2008. 

C'est ainsi que les déficits fédéraux persistants et la dette fédérale croissante, utilisés pour financer la consommation ou les paiements de transfert, vont peser sur les investissements futurs, réduire les perspectives de croissance économique, rendre plus difficile la conduite de politiques courantes. Qui plus est, ils vont empêcher la prise en compte de nouvelles priorités majeures ou la gestion de la prochaine récession ou des urgences, et imposer des charges substantielles aux générations futures. Comble du scénario, les effets de la crise sanitaire conduisant à la folle dérive de ce casino monétaire devenu totalement fou, le PIB a violemment reculé. 

Comme 90% des actifs financiers américains sont détenus par 10% des gens, les revenus de la plupart des citoyens dépendant de l’économie, non des marchés boursiers ! La situation est en conséquence réellement inextricable, l'histoire ayant montré que tous les systèmes pyramidaux finissent par échouer... La réalité est que la dette publique américaine est une pyramide financière mondiale, construite par Washington pour escroquer les autres nations.

* Lorsque l'économiste Paul Volcker a pris la tête de la Fed (banque centrale) en août 1979, le gouvernement américain avait moins de 1 000 milliards de dollars de dettes. Fin septembre 2020, il en a plus de 27 000 (hors dettes des ménages et des entreprises).


Si l'on prend souvent l’exemple du Japon pour défendre l’idée qu’un État peut très bien être surendetté sans que cela ne pose de problème au niveau du financement de son déficit budgétaire, la réalité est que les États-Unis ne sont pas le Japon. Si l’État nippon a pu en effet s’endetter à concurrence de plus de 250% de son PIB sans que le yen ne bronche et avec des taux qui ne volent pas plus haut que le plancher, c’est en particulier parce qu’il s’agit d’une économie structurellement exportatrice, qui ne dépend donc pas de l’étranger pour financer sa dette publique, avec des retraités qui – pour le moment – n’ont pas besoin de puiser dans leur bas de laine pour assurer leur train de vie. Tout le contraire des USA. D'où la question de la survie du dollar comme étalon de référence, les sanctions prises à l'encontre de la Russie dans le conflit avec l'Ukraine accélérant sans doute sa disparition comme le nouvel axe fort en cours d'affirmation - Russie/Chine/Inde - s'y emploie !

 

La dette du Japon

La dette publique du pays équivaut à 250 % de son PIB. Mais Tokyo ne témoigne d'aucune angoisse fiscale tant les investisseurs institutionnels japonais continuent de financer les yeux fermés ses emprunts. A elle seule, la Banque du Japon détient désormais plus de 43 % de toutes les obligations de l’État nippon. Qui plus est, le Japon doit faire face en 2020 à la pire chute de son PIB en 5 ans, la consommation des ménages ayant dévissé de 4,8 % en 2019, le tout avec la menace du coronavirus. L'économie nippone pourrait entrer en récession.

Une récession (deux trimestres consécutifs de recul) apparaît de ce fait probable en raison des répercussions négatives, encore difficiles à mesurer, de l’épidémie de la nouvelle forme de pneumonie virale originaire de Chine et dont le Japon est, à l’heure actuelle, le deuxième foyer. Sa a maîtrise va coûter très cher compte-tenu de sa proximité avec la Chine et de l’interconnexion des économies sino-nippones. En effet, si les tensions politiques peuvent être fortes entre ces deux géants d’Asie, les pièces détachées chinoises alimentent également les usines japonaises.

Le Japon va être frappé de plein fouet et les annulations commencent à pleuvoir.

 

La dette russe

En 2020 l’économie russe s’est moins considérablement contractée que celle des pays de la zone euro suite à la décision du Kremlin de ne pas réimposer un confinement à la fin de l’année. Le PIB russe a reculé de 3,1% en 2020, la plus forte baisse depuis 2009, cette contraction s’étant avérée plus faible que prévu (en comparaison, la contraction de la zone euro pour 2020 est prévue à 7,3%). En 2021, l’économie russe a cru de 4,7%, contribuant à financer le déficit budgétaire comme en 2020 quasi-exclusivement par des émissions de dette publique. Son niveau était de 12,3% en 2019, ayant atteint 19,1% en 2020, et devrait se stabiliser aux alentours de 20% à partir de 2021, sans augmentation significative de la dette externe, qui passerait de 3,1% à 4,1% du PIB entre 2019 et 2023.

Qui plus est, grâce à ses investissements massifs dans l’agriculture, la Russie détient aujourd’hui un pouvoir géostratégique redoutable face aux pays qui dépendent de ses exportations alimentaires. Cette stratégie d’indépendance de longue durée découle des sanctions européennes conséquentes à l’annexion de la Crimée, ce qui, depuis 2014, a renforcé la décision du Président russe Vladimir Poutine d’investir 52 milliards de dollars dans l’agriculture afin de ne plus dépendre de l’extérieur en alimentation, ni de craindre des pénuries en cas de sanctions occidentales. Depuis, importatrice de blé, la Russie est devenue le premier pays exportateur. De même, alors qu’avant 2014 elle n’avait quasiment pas d’élevages, aujourd’hui la Russie est autosuffisante en volailles et quasiment en viande de porc, grâce à des investissements massifs dans l’élevage industriel. Et le réchauffement climatique l’a aidée, en rendant cultivables des terres auparavant inexploitables car souvent gelées.

Une bonne leçon de gestion pour un pays soumis à nombre de mesures de rétention par les pays occidentaux (USA et UE)*, et qui, par cette mise au banc, a su développer son indépendance et sa résilience. Nous pouvons d'autant mieux comprendre l'intérêt de Poutine pour l’Ukraine à travers le conflit armé démarré fin février 2022, ce pays frontalier constituant la 1ère réserve européenne de minerai d’uranium, la 2ème réserve européenne de minerais de titane et 10ème mondiale, la 2ème réserve mondiale de minerai de fer, la 2ème réserve mondiale de minerai de manganèse, la 2ème réserve européenne de minerais de mercure, la 3ème réserve européenne de gaz de schiste, la 7eme réserve mondiale de charbon et la plus grande superficie de terres arables d’Europe, le 2ème producteur mondial d’orge et le 1er exportateur mondial de Tournesol et d’huile de tournesol. Et, cerise sur le gâteau, le stratège russe s'est rapproché de la Chine, le nouveau géant mondial, qui a le même objectif, agenouiller l’occident en envahissant Taiwan, le Cuba de Mer de Chine !

* Le choix du Président français d'alors, Nicolas Sarkozy, avait été de jouer la carte de l’OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) sous l'égide états-unienne, au lieu de se rapprocher de la Russie, choix également de Emmanuel Macron, l'actuel Président. C'est pourquoi Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Viktorovitch Lavrov se positionnent comme garants de la civilisation face aux néo nazis occidentaux et aux mondialistes dégénérés du Forum Économique Mondial.

 

La dette mondiale

Début 2017, le rapport semestriel du Fonds Monétaire International (Fiscal Monitor) avait constaté que huit ans après la détonation de la bulle immobilière qui avait enfanté la pire crise financière depuis la Grande Dépression du Jeudi Noir 1929, la dette n’avait fait que continuer de s’enfler, atteignant son apogée avec le montant record de 152.000 milliards de dollars, soit plus du double (2,25) de la richesse mondiale... Elle était depuis établie au troisième trimestre 2019 par l’Institut de la finance internationale (IIF, association mondiale pour l'industrie financière) à près de 253.000 milliards de dollars, représentant 322% du PIB mondial, montant porté selon le même organisme à 277 000 milliards de dollars (233 400 milliards d’euros) à la fin de l’année 2020 en raison des montants colossaux empruntés par les États et les entreprises pour faire face à la crise du Coronavirus (432 % du PIB). Il en résulte en 2021 que 35 pays les plus actifs sur le marché obligataire mondial ont vu leur dette quasiment multiplier par 4 en 25 ans (en France, elle a augmenté de 274 % depuis 1995) ! Et depuis, la dette mondiale a continué à augmenter de 100 000 milliards de dollars par rapport à la décennie précédente, pour atteindre le chiffre record de 307 400 milliards de dollars en septembre 2023, dans le contexte de la plus forte hausse des taux d’intérêt mondiaux depuis 40 ans. Les pays riches tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Japon sont responsables de plus de 80 % de cette augmentation en raison de leur accumulation incontrôlée de dettes. La Chine, l’Inde et le Brésil ont connu de leur côté la plus forte croissance des emprunts parmi les marchés émergents.

Ceci est principalement du hors effet de la crise sanitaire à l’augmentation des emprunts des gouvernements et des entreprises non financières en raison de taux d’intérêt bas sinon négatifs, imposés par plusieurs grandes banques centrales, la FED américaine en tête, dans plusieurs pays du monde, qui ont stimulé les emprunts de la part des entreprises, des particuliers et des gouvernements. Beaucoup de gouvernements se sont ainsi endettés à travers des programmes de relance via des politiques d’assouplissement monétaire de leurs grandes banques centrales pour tenter de relancer les économies nationales atones, le coût du service de la dette constituant ainsi une contrainte croissante pour leur politique budgétaire. La plus grande partie de la dette est polarisée dans les pays nantis, États-Unis, Australie et Japon, la Chine de son côté demeurant le pays qui a le plus emprunté sur les dernières années, sa dette s'établissant à près de 34 000 Mds$, soit 77 fois plus que lorsque Joe Robinette Biden a été élu pour la première fois au Congrès, la dette fédérale totale des États-Unis s'élevant alors à 427 Mds$ !

Qui plus est, le total mondial des obligations ayant des rendements inférieurs à zéro s’est rapproché de la barre des 12.000 milliards de dollars selon les données de la banque Barclays, ce qui souligne à quel point les attentes à l’égard de la politique monétaire ont changé, dans un contexte d’inquiétude croissante au sujet du commerce mondial et de l’économie mondiale. Et pendant ce temps, la dette à moyen terme émise par des pays comme le Japon, la Suisse, les Pays-Bas et le Danemark se négocie avec des rendements inférieurs à zéro. Autrement dit, les taux négatifs sont le baromètre d’une peur terrible, celle d'investisseurs acceptant de perdre de l’argent en le prêtant pour éviter de retrouver beaucoup moins!

Cette peur terrible est celle de la récession, menant à la déflation, menant elle-même à l’insolvabilité des pays les plus fragiles. Du coup, et logiquement, les milliers de milliards de dollars vont se placer sur les obligations émises par les pays les plus solides, comme l’Allemagne par exemple.

* La dette des marchés émergents a quant à elle atteint un nouveau record de 71 400 milliards de dollars (220% du PIB). L'IIF estime que la dette mondiale atteindra à la fin de l'année 2019 255.000 milliards de dollars, soit près de 32 500 $ pour chacun des 7,7 milliards d'habitants de la planète! Quant aux effets de la crise sanitaire de 2020 se prolongeant en 2021, le FMI estime que le PIB mondial sera amputé de 22 000 milliards de dollars entre 2020 et 2025.

 

Répartition des dépenses budgétaires de l'Etat français, qui voient 3,1 % pour la défense, 2,5 % pour la sécurité 2,5% et 0,4 % pour la justicee 0,4%.
Répartition des dépenses budgétaires de l'Etat français, qui voient 3,1 % pour la défense, 2,5 % pour la sécurité 2,5% et 0,4 % pour la justicee 0,4%.

La conséquence est imparable. Chaque fois que le déficit s'aggrave, l’État doit emprunter de l'argent, avec les intérêts assortis. Et plus la somme empruntée est conséquente, plus les intérêts sont élevés. L'emprunt étant devenu colossal, les intérêts sont gigantesques. Pour les honorer, l’État utilise les impôts. En 1980, il fallait à peine un tiers des impôts sur le revenu pour s'acquitter de ces intérêts. Aujourd'hui, c'est plus de la moitié des impôts qui passe dans le simple remboursement des intérêts, celui-ci étant devenu le deuxième poste de dépenses derrière l’Éducation, l'Enseignement et la Recherche*. De ce fait, ils ne servent plus à assurer un service public digne de ce nom. Éducation, recherche, défense, infrastructures, logements... tous les services de l’État sont financés à crédit, et le produit du travail taxé de plus en plus lourdement pour rembourser une dette qui s'alourdit d'année en année. La pression fiscale en France étant déjà l'une des plus élevées d'Europe - les dépenses publiques de notre pays représentant 57,5% du PIB, financées par les impôts -, la pression fiscale s'établit à 46,2 %*². Le salarié "moyen" n'a ainsi pas de maîtrise directe sur plus de la moitié des fruits de son travail. Voici comment se passe le grand "cocufiage" de l'intérêt public, individuel et collectif...

Longtemps l'illusion du retour de la croissance a permis de masquer le constat. Aujourd'hui, cet artifice utopique ne convainc plus. Elle devrait péniblement atteindre les 1,1% en 2019 après les 1,6% de 2018. Si nous échappons sans gloire aucune à la récession, le budget national ne peut nullement être regonflé. Là encore se trouve l'incurie de tous les gouvernements qui se sont succédé année après année, de droite comme de gauche, élaborant des budgets comme si la natalité et les gains de productivité apportés par la nouvelle économie étaient garantis. La réalité est toute autre. La population vieillit, les gains de productivité sont marginaux, et une partie de l'emploi est supprimé ou déqualifié par la robotisation continue de la production.

L'absence de croissance ne permettant pas d'augmenter les recettes, la pression fiscale record ne peut que devenir vite insoutenable. Comme il en va de la survie de l’État et du système sur lequel il repose, nos dirigeants doivent à tout prix éviter le basculement... Pour cela, ils sont prêts à tout, la loi martiale sécuritaire étant un des éléments du dispositif. A l'heure de taux d'intérêt négatifs qui ne font qu'illusion pour préserver la survie du système, la réalité sur son dévoiement mortifère par des élites politiques incapables et/ou corrompues apparaît de plus en plus. Les taux négatifs fragilisent les banques comme les assurances - dont l'assurance-vie populaire -, et leur remontée conduirait à un niveau de dettes insupportable. Cet artifice permet aux prédateurs de gagner du temps pour se mettre à l'abri...

* En 2015, le remboursement de la dette représente environ 34 % de l'ensemble des recettes fiscales.

Étude de l'OCDE pour 2017.

 

De la réalité de la croissance en 2019 (d'avant la crise sanitaire de 2020), et de ses perspectives

L’économie tourne essentiellement autour de quelques indicateurs de base, parmi lesquels le PIB (produit intérieur brut), l’inflation, le déficit ou excédent budgétaire, le taux de chômage ou de plein emploi, la dette. Il nous est ainsi largement martelé que les États-Unis, le pays de référence à l'échelle internationale, est en croissance, son PIB sur une année glissante à juin 2019 s'établissant à 3.20 de croissance… Pourtant, la réalité est toute autre. Sur la même période, l’inflation s'établit à 1.80%, venant éroder la croissance, la ramenant à 1,4 % (3.20% – 1.80%). Mais comme pour générer ce 1.4% de croissance net d’inflation le gouvernement a réalisé un déficit budgétaire de 3.8% du PIB, les États-Unis ne sont plus en croissance mais en récession de... 2,4 % (1.4%-3.80) ! La Chine de son côté, autre locomotive du monde économique, affiche une croissance de 6.40% (elle va passer prochainement sous la barre des 6 %, soit la plus faible contribution de la consommation à la croissance depuis 2014). Ce sera une grande première et la matérialisation du ralentissement chinois, une inflation de 2.70 et un déficit de 4.20%. Autrement dit, elle est en récession de 0,5 %. De son côté, le Royaume-Uni a connu la plus forte baisse annuelle du PIB depuis 2012, établi à 0,6 %. Quant à la France, sa croissance de 1.20% au 1er trimestre* est amputée d'une inflation de 0.9% et d'un déficit de 2.50%, soit une récession de 2.2%.

Le ralentissement de l'économie américaine est manifeste, sa production ayant diminué en août 2019 pour la première fois depuis trois ans. La baisse rapide du volume des transports de marchandises par la route est encore plus éloquente : près de 50% depuis un an. Qui plus est, les tarifs ont diminué de pratiquement 20%. Il en résulte pour ce secteur une vague de faillites et de licenciements (le taux de chômage s'établit officiellement en février 2021 à 6,3 %, en réalité plus proche des 10 %). On constate ce ralentissement même dans l’industrie de schiste, qui était devenue ces derniers temps le symbole de la prospérité économique du pays (le secteur pétrogazier a licencié 11.000 salariés depuis un an). Quant à l'industrie du raffinage, elle fait preuve de la réduction de production la plus forte depuis la crise mondiale de 2009 (de près de 250.000 barils par jour). C'est pourquoi la banque centrale (Fed) tente de soutenir l’économie à l’aide de crédits bon marché, imitée par les banques centrales occidentales préoccupées par la perspective d’une crise globale. De leur côté, les experts doutent que cela puisse sauver l’économie de la récession, citant notamment l’expérience du Japon où la banque centrale achète des actifs depuis des années sans que la croissance n’ait augmenté. Le danger de cette situation réside notamment dans le fait que l’équilibre instable entre le ralentissement cyclique de l’économie et les stimulations financières de la Fed sera certainement perturbé, très rapidement, ce qui sera une catastrophe pour les entreprises américaines endettées. Qui plus est, l’argent bon marché se solde par l’apparition de nouvelles bulles de marché, dont l’une se développe actuellement sur celui de l’immobilier, entraînant beaucoup de personnes à se retrouver dans la rue, car ne pouvant se permettre de payer un loyer énorme.

Le monde était bel et bien en récession en 2019, toutes les économies mondiales ne tenant que par les déficits, les injections monétaires et la dette, les expédients que les autorités politiques et monétaires "magiciennes" utilisent pour masquer la réalité. Et ceci apparait finalement comme mineur à côté des masses de dettes injectées en 2020 compte-tenu des conséquences sur l'économie de la crise sanitaire liée à la pandémie découlant du virus "apocalyptique" Covid 19. Le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a ainsi subi une chute historique de 7,4 % en 2020, le PIB britannique connaissant de son côté sa plus importante contraction (établie à 9,9%) depuis le Grand hiver de 1709, lequel avait détruit la plupart des récoltes sur le continent européen. Après le plan de soutien massif aux économies européennes et la levée progressive des mesures de confinement, l'activité a redémarré, conduisant l’OCDE à revoir ses prévisions de croissance mondiale, tablant mi-2021 sur une croissance du PIB mondial de 5,8 % en 2021, puis de 4,4 % en 2022.

La conséquence cependant est la destruction de la valeur intrinsèque des monnaies, préparatoire à l'émergence d'une nouvelle. Ce sera alors la consécration du "Nouvel Ordre Mondial", la fin définitive d’États souverains qui, depuis la nuit des temps, ne le sont que lorsqu'ils s'adossent à une monnaie.

* 1,3 % de croissance au 2e trimestre, le crédit et la distribution publique soutenant la demande finale.

 

Les facteurs structurels en berne

La démographie et la productivité contribuent à la dégradation du commerce mondial et à l'état constaté de stagnation sinon de début de récession, tout particulièrement au sein de l'OCDE dans le secteur industriel*. Ces facteurs produisent leurs effets de manière beaucoup plus lente que les politiques budgétaires et monétaires menées, se révélant tout aussi déterminants que ces dernières. C'est ainsi que le vieillissement démographique conduit à un recul de la population active dans tous les pays, sauf les États-Unis et le Royaume-Uni. Il en résulte une croissance potentielle très faible, comme c'est déjà le cas en 2019 en Italie, avec à la fois la faiblesse des gains de productivité et le recul de la population active (Allemagne, France, Espagne, Italie, Japon), le vieillissement démographique n'ayant pas été compensé par des gains de productivité plus importants en dépit de l'effort d'investissement en nouvelles technologies et malgré la hausse du niveau d'éducation de la population (même si contesté sur le plan qualitatif). Quant à la Chine, elle devrait voir sa croissance continuer de se réduire compte tenu elle-aussi de la dégradation de sa démographie.

Pourtant, les marchés boursiers avaient atteint de nouveaux sommets avant que la machine ne s'enraille au premier semestre 2022, pour cause d'inflation carabinée ! Qu'en penser, si ce n'est que l'économie mondiale a vécu trop longtemps dans l'imaginaire, dans un monde fantastique en carton-pâte...

* L’indice PMI, chiffre qui mesure l’activité manufacturière, avait atteint en décembre 2019 46,3 contre 46,9 le mois précédent, loin des 50 nécessaires à la progression de l’activité. Il constituait une 11e baisse consécutive, le PMI allemand étant descendu jusqu’à 43,7, plus bas niveau des pays étudiés (l’Allemagne reste la locomotive industrielle européenne). Le décrochage industriel concernait toute l’Europe et, plus largement, le monde entier. Toutefois, l'attractivité industrielle de la France restait bonne et bien orientée, celle-ci creusant l’écart avec ses concurrents allemands et britanniques. Entre 2014 et 2018, les investissements directs étrangers (IDE) en France avaient augmenté de 47 % (7 % en Allemagne, -17% au Royaume-Uni), les conditions fiscales dont le crédit impôt recherche (niche fiscale) s'avérant opportun pour effacer l’impôt (de son côté, la baisse de l’impôt sur les sociétés l'a conduit à passer de 33 % à 28 % selon les seuils de chiffre d'affaires).

 

Etat comparatif de la dette en 2015 - Cliquer pour agrandir
Etat comparatif de la dette en 2015 - Cliquer pour agrandir

Le mistigri mortel

"Dépêchez-vous de refiler le mistigri mon ami ! Il ne fera pas bon être en train de danser quand la musique s'arrêtera."*

En s'endettant considérablement, l’État a placé l'avenir de notre nation dans des mains externes : fonds étrangers, spéculateurs, institutions bancaires. Ainsi selon des chiffres de l'Agence française du Trésor de mars 2015, 64,4% de la dette française est détenue par des "non-résidents", le premier détenteur étant pour la dette long terme ... l'Italie. Soit un pays avec une dette publique représentant 133 % de son PIB, 12% de chômage et une situation économique guère reluisante. Pour la dette française de court terme, c'est le Japon. Là encore, un pays dont le ratio dette publique/PIB pourrait atteindre environ 250 %, et qui risque de connaître dans le même temps sa quatrième récession en cinq ans... Nos créditeurs eux-mêmes sont en piètre forme. Ils sont pourtant en l'état le seul rempart qui nous protège d'un effondrement pur et simple d'un système insolvable. Jusqu'à quand ?

* Antoine Bello, "Les Producteurs", édition Blanche, 2015.

 

Fluctuation de l'or en 2019 - Cliquer pour agrandir
Fluctuation de l'or en 2019 - Cliquer pour agrandir

Si le système s'effondre suite à la crise de défiance des créditeurs, il reste la "solution" de la Banque Centrale Européenne qui, suite à la crise de 2008, a racheté des quantités massives de dettes privées et publiques, soit plus de 1 000 milliards d'euros au total à fin 2018. Bien entendu, son président Mario Draghi* d'alors n'a cessé de répéter depuis le 12 octobre 2015 qu'il n'hésiterait pas "à en faire plus" si nécessaire, couplet repris à l'unisson par Christine Lagarde qui l'a remplacé en octobre 2019.. Mais dans quelles conditions ?  La France, orgueilleuse souveraine devant l’Éternel, accepterait-elle d'être dirigée par la "Troïka" pour obtenir les subsides européens, par ces experts représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international et chargés d'auditer la situation économique et notamment l'état des finances publiques comme ils l'ont fait pour la Grèce pendant toute la durée de son plan de refinancement ? Acceptera-t-elle comme cette dernière neuf plans d'austérité imposés en six ans ?

Soyons réaliste. Il ne peut y avoir aucune entité supérieure pour sauver notre système. Il est tout simplement devenu trop lourd, et il faut faire preuve d'une foi naïve dans la capacité des banques centrales à stopper une telle hémorragie compte-tenu des limites de leurs politiques monétaires non-conventionnelles. Qui plus est lorsque se pose la question du remboursement d'une dette mondiale deux fois plus importante que la richesse de l’économie mondiale au regard d'une croissance anémique dans les pays riches, et du scénario fort probable d’une reprise de la hausse des taux d’intérêt bancaire lorsque les banques, acteurs privés, y verront l'opportunité. Aussi la seule question qui vaille est de savoir qui peut avoir un intérêt au choc systémique qui se profile, ces taux négatifs devenant la norme indiquant que le système est bel et bien malade. Quant à la hausse de l’or qui ne cesse de grimper comme valeur refuge (Cf. image), il nous dit que le système ne peut qu'exploser !

* Vice-président pour l'Europe de Goldman Sachs entre 2002 et 2005.

 

L'effondrement des classes moyennes

L'Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE - avait déjà sonné l’alarme au début de 2019 : les classes moyennes sont dans rouge ! Entre l'inflation des biens (produits) et services qui augmente un peu chaque année, une épargne populaire type livret A qui rapporte a minima au mieux et des salaires qui stagnent depuis 10 ans, les classes dites moyennes trinquent sévèrement depuis plus de 30 ans. Alors que les compétences nécessaires pour appartenir à ces classes moyennes n’ont cessé de grimper, avoir des compétences intermédiaires ne suffit plus pour en faire partie. Ainsi des métiers qui permettaient autrefois de se hisser parmi elles ne le permettent plus. Il en découle une frustration sociale, d’autant plus qu’une personne sur six appartenant à ces classes moyennes occupe un emploi qui risque d’être automatisé à l’avenir*. Cette tendance nourrit la peur du chômage, du déclassement et du remplacement de postes dans le cadre d’une automatisation des tâches, entraînant une radicalisation de la "rue" tout comme la montée en puissance des populismes. C'est pourquoi passer sur le plan politique des réformes incertaines aux forceps et au détriment de sa population sous couvert de progrès social et/ou écologique n’est pas promis à un bel avenir…

* Cf. Conscience du XXI° siècle & Le nouvel ADN sociétal.

 

L'Allemagne, un géant aux pieds d'airain

Dans un monde en totale recomposition économique, le modèle allemand est en cours de vacillement, révélant de grandes faiblesses économiques, démographiques et financières. En fait, l'Allemagne est susceptible de s’effondrer comme un château de cartes, son savoir-faire industriel devenant un handicap devant les nouveaux comportements et attentes du consommateur. Ainsi les secteurs automobile et machines-outils, touchés par la robotisation (exemple voiture autonome électrique sans chauffeur, dont les batteries sont fabriquées en Asie) et les conséquences de la transition énergétique, tout comme par les capacités de la Chine, désormais capable de produire beaucoup moins cher des produits d’excellente qualité. Sa démographie, tout comme en France ou en Italie, est quant à elle fragilisée par un taux de fécondité stagnant depuis des décennies à 1,4 enfants par femme, là où le remplacement des générations se situe à 2,1, entraînant une baisse de 200 000 personnes par an. Effet corollaire, le vieillissement avec un nombre de retraités qui explose et la question du paiement de leur retraite qui repose sur des jeunes actifs insuffisamment nombreux (c'est pourquoi l'Allemagne a annoncé vouloir repousser l’âge de départ à la retraite à... 69 ans !). Conséquence, le risque d'augmentation drastique des impôts, dissuasive pour tous les européens venus profiter jusqu'alors de la richesse allemande reposant sur sa capacité à dégager des excédents extérieurs par sa capacité à favoriser les exportations et à freiner les importations.

Or dans un monde qui avant la crise liée au Covid-19 était entré durablement en stagnation, poussant de ce fait à la dé globalisation*, l’économie allemande ne pouvait qu'entrer en récession puisque consommation (les inactifs consomment moins que les actifs), exportations et investissements étaient appelées à baisser structurellement. Qui plus est, la baisse de croissance de la Chine mettait un sérieux frein aux exportations allemandes vers le géant chinois, ce qui avait conduit à une chute des exportations allemandes de 1,3 point au deuxième trimestre 2019. La stratégie "America First" de Donald Trump nuisant alors aux échanges mondiaux, les usines chinoises étaient bel et bien en passe de devenir les rivales de leurs fournisseurs allemands !

Enfin, depuis les débuts de l’Euro, l’Allemagne avait prêté d'immense sommes (près de 900 milliards d’euro)* à tous ses voisins de la zone euro, destinées à ce qu’ils achètent des produits allemands (technique dite de crédit fournisseur). La réalité est que ces reconnaissances de dettes ne pouvaient être honorées, ces voisins s'en montrant totalement incapables. Aussi les soi-disant profits faits par les entreprises allemandes n'étaient qu'illusoires, les condamnant à voir leurs cours de bourse progressivement s’écrouler. Au final, le système financier allemand ne pouvait que sauter ! Cerise amère sur le gâteau, l'économie allemande se remettra très difficilement de la récession liée au Covid-19 et de son alignement sur la décision de l'OTAN de sanctionner l'économie russe dans le cadre de son conflit avec l'Ukraine, l’Allemagne ayant développé jusqu'alors un modèle économique reposant sur l’industrie notamment automobile avec un écosystème incluant bien évidemment des industries très lourdes nécessitant de quantités astronomiques d’énergie abondante et bon marché via le gaz russe. Les décisions prises par l’Allemagne depuis le début du conflit ukrainien ont ainsi coûté au pays plus de 200 milliards d’euros (216 milliards de dollars) selon l’Institut allemand de recherche économique début 2024, le renoncement à l’énergie de Moscou pour des alternatives plus coûteuses provenant de sources multiples, y compris le gaz naturel liquéfié américain, ayant conduit à une forte contraction de l’économie et à l’accélération de l’inflation.

De bien sombres prévisions, le retour au modèle de croissance d’origine apparaissant d'ores et déjà révolu au cours de cette décennie. La croissance allemande avait déjà en effet terminé l'année 2021 au bord de la récession, sa progression annuelle s'étant établie à 2,8 %, une croissance moins rapide qu’en France à 7 %. Elle a poursuivi son ralentissement en 2022 avec une croissance de seulement 1,9 %, l’Allemagne ayant affiché en mai 2022 son premier déficit commercial mensuel en plus de 30 ans, alors que le prix de ses importations de pétrole et de gaz s’est envolé sous l’effet de la guerre de la Russie en Ukraine. Le plus grand pays d’Europe, dont le modèle économique s’est construit sur des excédents commerciaux substantiels depuis la Seconde Guerre mondiale, a ainsi basculé dans un déficit de 1,0 milliard d’euros (1,04 milliard de dollars), sa facture d’importation ayant bondi de près de 28 % par rapport à l’année précédente. Dans le même temps, les exportations ont diminué pour la troisième fois en cinq mois de 0,5 % en termes corrigés des variations calendaires et saisonnières, même si elles ont tout de même augmenté de 11,7 % sur l’année. Finalement, la première économie d’Europe est tombée en récession en 2023 avec un recul de son PIB de 0,3 %, tout particulièrement en raison du secteur manufacturier et d’une faible demande et d’une baisse rapide de la production. La production a ainsi chuté à son rythme le plus rapide depuis mai 2020, les exportations ayant baissé de leur côté sur un an de 5 % et les importations de 12 %.

Il en découle que l’industrie allemande est en plein marasme, avec en cause bien évidemment la hausse des taux d'intérêt bancaires qui massacre partout en Europe le marché immobilier. L’Allemagne prend de plein fouet la crise de l’énergie et se désindustrialise à son tour, les grandes entreprises allemandes étant en train de délocaliser… aux États-Unis, là où l’énergie reste abondante et pas chère. En outre, les agriculteurs allemands ont organisé dès le début hivernal de l’année 2024 des manifestations de plus en plus importantes, contraignant la coalition au pouvoir à faire des concessions. Le secteur du commerce de gros du pays est tombé dans un pessimisme de niveau pandémique, atténuant les espoirs d’un rebond rapide de la plus grande économie d’Europe. Quant aux prix de l’immobilier résidentiel, ils sont en baisse record, et le marché de l’immobilier de bureau s’est effondré.

Ces données illustrent bien les problèmes auxquels est confrontée l’Allemagne, dont la dépendance à l’égard de l’énergie russe a été brutalement mise à nu par la guerre. Et comme l’Allemagne a réussi à imposer sa manière de voir pour le marché de l’énergie en Europe pour assurer sa domination à travers le gaz, la France a par manque de vision cassé sa filière nucléaire, se mettant en grande fragilité et conduite à vendre à ses citoyens et entreprises de l’électricité 30 fois plus cher que ce qu’elle coûte réellement à produire. Ceci pose clairement la question de la survie du "couple franco-allemand". La vérité est que l'Allemagne n’a jamais voulu autre chose qu’une domination de l’Europe, pas une Europe forte. Et de ce fait les européistes, parce qu’ils sont devenus des europathes, vont entraîner la chute même de l’Europe dont ils rêvaient.

Et même si la rétrogradation de l'économie japonaise fin 2023 à la quatrième place permet à l'Allemagne de monter sur le podium (le PIB nominal du Japon en 2023 s’est élevé à quelque 4 200 milliards de dollars contre environ 4 500 milliards de dollars pour l’Allemagne), la situation n’est guère plus brillante, voyant l’industrie germanique en plein marasme. Qui plus est, l'Allemagne est confrontée à la même baisse de natalité (crtes compensée par une forte immigration de main d’œuvre), a tiré plusieurs balles dans la tête de ses grosses industries avec la fin annoncée d'ici 2030 des voitures thermiques, et a un surcoût de sa facture énergétique liée à son engagement de soutien à l'Ukraine. Résultat, les usines allemandes sont conduites à cesser leurs productions ou à se délocaliser… aux États-Unis, ce qui augure bien mal de son avenir.

* Leur comptabilité se fait dans un système appelé Target 2, outil technocratique compliqué à comprendre.

 

La France, un pays asphyxié en bout de course

La France n’est ni libérale ni néo-libérale. C’est un système bancal où la liberté du marché est réduite à un croupion. Les ajustements, bloqués par des rigidités largement enracinées, sont imposés à une seule partie de la société, ce qui rend les sacrifices trop lourds et disproportionnés.

Coincée entre l'ouverture mondiale qui impose la compétitivité et l'intégration européenne qui impose à la fois la stabilité du change, la stabilité des prix et le plafonnement des dettes, la France a vécu sur et dans un système qu'elle n'a plus les moyens de se payer. Les raisons se nomment les frais généraux hypertrophiés de la nation, une administration pléthorique, le boulet du stock de dettes, une charge démesurée de répartition sociale. La faible profitabilité du capital est aggravée par la masse énorme de capital non-productif, fictif, de poids mort qui plombe le pays. S'y ajoute un secteur des services parasitaire qui draine le surproduit. 

La réalité est que l’État s'est petit à petit immiscé dans tous les pans de la vie quotidienne, étant de plus en plus incapable de remplir correctement son rôle premier à travers l'exercice de ses missions régaliennes (assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire ; assurer la sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public ; définir le droit et rendre la justice). Il n'est qu'à constater la répartition des dépenses publiques (Cf. tableau ci-dessous). Sur 1 000 € de dépenses publiques, seulement 60 € passent dans les missions régaliennes. 80% des dépenses publiques sont hors du champ du droit naturel, c'est-à-dire non indispensables à chacun des citoyens. Il en découle que la "rage" de l'impôt est inégalement répartie, tant pour la charge que pour les bénéfices.

Dans ces conditions, le capital peut difficilement être investi productivement, se logeant avant tout dans des activités stériles. Tout ceci atteste d'un pays et d'un système qui sont en bout de course. Élu même si sa légitimité est partielle, et mis en poste par le grand capital financier international et global, son président – Emmanuel Macron - pense en fonction des besoins de ce capital. Autrement dit, il ne voit que des solutions partielles, des solutions de classe, celles consistant à financiariser*, à augmenter considérablement le taux d'exploitation de la main-d’œuvre, à reprendre les avantages acquis, à laminer les gains sociaux et à standardiser/banaliser la société française. Ce faisant, il fracasse le consensus social, brise les solidarités, pulvérise les arrangements politiques et révèle toute la gangrène cachée du système. Les solutions qu'il impose en voulant montrer qu'il ne cédera pas sont des victoires à la Pyrrhus. Le pays sera ingouvernable, fissuré, déchiré, clivé, éclaté, et les déficits économiques et financiers seront remplacés par les déficits sociaux, par le populisme. Et tout ceci prévalait avant la crise liée à l'état d'urgence sanitaire mis en œuvre pour faire face à l'épidémie du Covid-19, qui a vu l'effondrement de 5,8% du PIB de la France au premier trimestre, entraînant comme bien d’autres pays occidentaux la plus forte récession depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale*².

La seule solution, adaptée et éthique, est celle qui, fondée sur une approche globale, nationale, propose un nouveau pacte social, un pacte dans lequel les intérêts et la dignité de tous sont restaurés.

* La financiarisation fait référence à l'envolée des actions, des obligations et de l'immobilier sans hausse correspondante dans l'économie qui les soutient.

La France a perdu au final 8 % de PIB en 2020, et a eu une croissance de 7 % en 2021. Soit au total -8 + 7 (= -1), un résultat peu brillant, d'autant que cette performance s'est faîte avec une dette de 10 points de PIB. Cela fait un trou de -3 à rajouter au -1 plus en avant. Et avec une inflation de 2.8 % officiellement pointée par l’INSEE début 2022 (la réalité est proche de 10%), il convient de retirer encore 3 points de PIB pour avoir la croissance en net de dettes !

La réalité du financement de la dette publique en 2020 - Cliquer pour agrandir
La réalité du financement de la dette publique en 2020 - Cliquer pour agrandir

Dans le même temps, au 1er août 2019, l’actif net de L’État russe présentait un solde positif équivalent à 1,25% du produit intérieur brut (PIB) attendu pour 2019. Cela s'explique parce que la Russie ne cesse d'accumuler des réserves d’or importantes et de vendre son pétrole et son gaz lui rapportant des devises comme important exportateur. L’État russe n’ayant plus de dettes, cette saine gestion financière lui permet une indépendance financière contribuant à son indépendance nationale, puisqu’elle ne dépend pas des marchés. Et quand un pays n’a pas de dette, il n’est pas possible d’acheter des obligations, puisqu'il n’a pas besoin d’en émettre !

 

L’entrée en guerre de la Russie en février 2022 contre son voisin "Otanisé" a précipité l’économie ukrainienne dans une profonde récession selon le FMI, qui table désormais sur une chute de son PIB de 35 % en 2022. Et si le FMI poursuit en expliquant que l’économie russe devrait voir son PIB plonger de 8,5 %, c'est tout le reste de l'Europe qui est touché bien évidemment, le FMI s’attendant désormais à 2,8 % de croissance au sein des pays de la zone euro contre 3,9 % prévus lors de ses précédentes prévisions en janvier. Le FMI tremble également face au retour d’une inflation exacerbée, qui risque de compromettre la reprise dans le monde non seulement cette année mais encore en 2023 et de contribuer à la fragmentation du monde.

 

L'ère de la pénurie

 

Le bilan de cette mondialisation heureuse basée sur le capitalisme financier (non industriel) débridé et le culte incessant du progrès, source d'une économie d'abondance pour beaucoup de nations et de peuples, apparaît salé au moment où de nouveaux paramètres - crises environnementale et sanitaire, nouveaux blocs géopolitiques, conflit russo-ukrainien - ont amorcé la nouvelle ère, celle de la démondialisation et de la rareté. Elle se traduit par l’impact destructeur de valeur, de PIB et de richesse, avec comme répercussion un choc terrible pour nombre sur les patrimoines et le niveau de vie quotidien.

 

De la baisse tendancielle de la productivité

L'économiste Philippe Askenazy s'est prononcé en avril 2023 sur son constat de la baisse tendancielle de la productivité en France (– 3 % depuis 2019, la courbe étant parallèle à celle de l’Italie, un pays qui souffre d’une crise de la productivité depuis près de trois décennies), la considérant comme annonciatrice d'une crise profonde du capitalisme, le même constat pouvant être établi à l'échelle mondiale. S'il considère qu'elle relève notamment d'un défaut d’innovation des entreprises qui se reposeraient sur leurs rentes, d'un trop-plein d’embauches, de la faute à l'alternance qui génèrerait des emplois réputés moins productifs, la raison profonde est à rechercher dans l'excès de règles, de normes et de lois, à prédominance européenne, qui étouffent absolument toute hausse de la productivité. N’importe quelles mairies, n’importe quelles entreprises, n’importe quelles structures passe désormais plus de temps à remplir des tableurs Excel, des documents de conformité, et des tonnes de paperasse et d’autorisation. Tout est tellement compliqué et coûteux que cela effondre bien évidemment la productivité.

En résumé, tout devient moins efficace, tout marche beaucoup moins bien, parce que tout devient trop compliqué* ! La productivité ne peut ainsi que continuer à baisser et à diminuer, symptôme avancé et évident de notre effondrement sous notre propre complexité. Sans parler de l’effondrement des capacités intellectuelles des plus jeunes générations si mal formées...

* C'est le cas entre autres du secteur immobilier, voyant les DPE (Diagnostic de performance énergétique), l’audit énergétique et la loi Alur qui, pour protéger les acquéreurs, rendent tellement compliqué une promesse de vente qu’avant il fallait 4 pages et maintenant 500 pages et 2 mois pour collecter tous les documents.

 

En 2022, l'économie mondiale a perdu 1,6 billion (1 600 milliards) de dollars, les liens qui l'unissaient et permettaient de fournir des biens en abondance dans le monde entier se défaisant à un rythme effrayant. C'est ainsi que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine (la guerre commerciale a vu les taxes américaines sur les produits chinois passer de 3 % à environ 15 % au cours de la présidence de Donald Trump), suivie de la guerre en Ukraine avec les sanctions occidentales prises en représailles à l'encontre de la Russie (embargos, interdictions d’exportation, gel des avoirs, retrait d'investisseurs...), et les blocages liés à la politique Zero Covid en Chine, ont durement perturbé les chaînes d’approvisionnement, frappé la croissance et poussé l’inflation à des sommets inégalés depuis quarante ans.

Que les failles géopolitiques soient définies par un clivage idéologique ou simplement par des intérêts divergents dans un monde multipolaire, le monde s'en retrouve de plus en plus divisé, les lignes de faille ne pouvant que s’aggraver. Ce renversement accéléré de la mondialisation ne peut conduire par la fragmentation en découlant qu'à une planète nettement plus pauvre et moins productive*, et à une inflation des coûts comme des prix élevée et volatile. C'est le temps de la pénurie qui est amorcé, avec pour conséquence que les pays émergents soient confrontés à de graves menaces pour leur sécurité énergétique et alimentaire, comme celles qui provoquent déjà des troubles dans des pays allant du Sri Lanka au Pérou. 

En conséquence, il est inévitable de se préparer à un monde de croissance plus faible, à des prix plus élevés et à une volatilité accrue.

Environ 6 000 milliards de dollars de marchandises – soit l’équivalent de 7 % du PIB mondial – sont échangés entre pays démocratiques et autocratiques.

 

L'engrenage de la ruine

Depuis 2008, nous avons été pris dans un engrenage qui a obligé les États via leurs banques centrales à accorder de plus en plus de crédit et à rendre le crédit de moins en moins cher par des conditions financières ultra-souples, afin d'alimenter le surinvestissement et de donner l’impression que le système était solide et sain et de dissimuler son insolvabilité. Le crédit et la création de fausse monnaie ont ainsi permis de donner au système en place l’apparence de la solidité, afin d’appâter le maximum de gens, mais au fil de l'eau de moins en moins solvables, devenant des débiteurs de plus en plus douteux, fragiles. Ainsi n'est-il qu'un château de cartes qui ne peut que s’effondrer, car en état de faillite. Le discours tronqué, incomplet, est le schéma des discours des gens qui détiennent le pouvoir. Ils cachent ce qui ne va pas et mettent en avant ce qui va, ou plus exactement ce qui donne l’impression d’aller. Les détenteurs du pouvoir nient le négatif et s’attribuent le positif. C'est ainsi que les masses énormes de crédit, et donc de dettes, ont formé des bulles qui ont permis de masquer la réalité d’économies très fragiles, très déséquilibrées, sans cesse menacées de s’écrouler. Elles se sont appuyées sur le levier de la spéculation, consistant à acheter des biens et des actifs même si on n’a pas d’argent. Il s'agit de jouer la hausse de leur prix en spéculant. Et c'est ce que font les très riches, ceux qui ont accès à ce crédit gratuit pour acheter des choses dont le prix monte. Et comme on ne prête qu’aux riches, et que l’argent va à l’argent, est établi le processus de constitution/aggravation des inégalités.

Nous sommes en conséquence très loin de l’état de bonne santé dont font état les propagandes officielles. Nous sommes tout simplement sous perfusion, en raison de l'affaiblissement de l’économie réelle soufflée au crédit et encombrée de sociétés zombies*. Et comme le tas de sable que forment peu à peu les dettes devient instable, qu'il atteint au fil du temps un stade critique, au moindre coup de vent s’engouffre la tempête. On peut donc en tirer la conclusion que dans le système, une part considérable des revenus doit disparaître car elle est produite par... la pourriture.

C'est notamment ce que traduit l’économie britannique, qui a enregistré en avril 2022 un repli inattendu de 0,3 %, renforçant les craintes d’un sérieux ralentissement. Les raisons ? Des taux d'intérêt en hausse, des prix de l’énergie qui explosent, des salaires qui stagnent en étant rongés par une inflation globalement à 10 %, tous les principaux secteurs économiques ayant contribué négativement à une estimation mensuelle du PIB depuis janvier 2021. A qui le tour ?

* Des milliers d’entreprises non rentables ont proliféré dans toute l’économie, gaspillant des capitaux d’emprunt qui ne seront jamais remboursés – et cela va de la bulle technologique aux énergies alternatives, en passant par les biotech, les médias, le divertissement, les loisirs, etc. Tout est gravement inadapté et surtout vorace en crédit.

 

La grande fracture

Au cours des dernières décennies, la prospérité mondiale n’a cessé d’augmenter, en grande partie en raison de la mondialisation accrue et du jeu des avantages comparatifs libéré par le développement des échanges mondiaux… Et au fur et à mesure que les banques centrales ont créé de la monnaie pour alimenter et soutenir les marchés de quasi monnaie (actions et obligations), des fossés se sont creusés. Nous arrivons cependant à la croisée des chemins. D'une part en raison des sanctions anti-russes qui sont imposées en réponse à son invasion de l'Ukraine. D'autre part parce que les Chinois sont eux aussi en train de passer du stade de partenaires à celui de rivaux puis d’ennemis. Tout ceci contribue à accélérer le phénomène de bipolarité, entre des nations où la financiarisation règne en maître, et des États qui fonctionnent sur une base fondamentalement différente, renonçant à la recherche de rente pour des gains et des avantages mutuels d’ordre collaboratifs, et plaçant le bien-être de leurs populations au-dessus des intérêts rapaces de leurs élites.

Il est à comprendre que l'empire du mensonge est celui de la financiarisation, fondé sur l’affirmation que les actifs financiers et les soldes monétaires sont solides, qu'ils ont une valeur fondamentale et qu'ils seront honorés. Cette hypothèque sur l’avenir a désormais un avenir improbable, puisque toutes ces hypothèques n’ont plus de valeur intrinsèque, ne sont échangeables que contre de l’argent sur un marché fictif fourni par la planche à billets des banques centrales à partir de rien, autrement dit du vent ! Qui plus est, le maintien du système de la financiarisation dépend entièrement de ressources auxquelles les Occidentaux n’ont plus accès, en raison de la destruction intentionnelle du régime commercial antérieur, de la fin de la coopération mondiale, de l’inflation et des limites à peser sur les salaires de la main d’œuvre.

Comme le capitalisme est entièrement dépendant d’une croissance sans fin, celle de la logique de l’accumulation, de l’empilement du capital sur lui-même, il bute désormais sur cette croissance à de nombreux niveaux, dont la question de l’épuisement des ressources et du climat n’est qu’une composante. Aussi est établi le lien ici avec le Grand Reset du grand manitou du World Economic Forum de DAVOS, Klaus Schwab, voyant à son ordre du jour la réduction de l’approvisionnement énergétique et de ce fait l’augmentation considérable des coûts, le choc inflationniste sur l’économie mondiale, une crise alimentaire probable entraînant une famine massive, une éventuelle nouvelle pandémie due à la détérioration de la santé de la population mondiale… Au final, la paupérisation, le contrôle et la mise en servitude des populations. Tout simplement parce qu'il y a impossibilité de continuer sur la voie antérieure !

 

Cf. en complément Richesse, richesse virtuelle et dette, ouvrage d’économie rédigé par Frederick Soddy (1877/1956), scientifique britannique prix Nobel de chimie, et traduit par Jean-Paul Devos, physicien, près d’un siècle après sa parution en langue anglaise. Dans le texte publié en 1926, l’auteur met en lumière la nature exponentiellement divergente du système bancaire et pressent ses effets lors du siècle suivant. Il s’appuie sur les lois de la physique pour établir une théorie scientifique de l’économie où, notamment, les dettes ne peuvent pas enfler sans limites. Les règles de l’économie mondiale et les analyses qui en découlent ont été échafaudées par la haute finance au service d’elle seule, sans aucune considération des principes physiques précédemment mentionnés. Selon Soddy pourtant, la gouvernance économique aurait beaucoup à gagner à être traitée " avant tout comme une affaire d’ingénierie scientifique, et non une affaire de comment tirer des intérêts de morceaux de papier ".

 

Délit d'initié

 

Les marchés financiers sont décorrélés de la réalité, celle d’une économie assise sur des fondamentaux compréhensibles et rationnels. Ils ne sont plus logiques, les banques centrales étant les premières à manipuler les marchés. Depuis le début de l’actuelle crise, elles impriment de la devise en masse, qu’elles utilisent pour acheter des obligations à des investisseurs, entraînant un tombereau d’argent sur les marchés actions via les marchés obligataires. Mais continuer à imprimer éternellement n’est pas possible. Nous sommes donc dans une impasse : si elles s’arrêtent d’imprimer, c’est tout le système qui s’effondre comme un château de cartes. Continuer, c’est créer et accumuler des bulles qui deviennent de plus en plus dangereuses à mesure que le temps passe. Conclusion : la valeur des actifs financiers et des monnaies est délibérément rabaissée afin de transférer la richesse de la majorité des gens vers un petit groupe d’élites mondialisées.

 

Du féodalisme moderne

Le résultat des phases de forte hausse suivies de phases d’effondrement du crédit est le transfert de la propriété de biens immobiliers et d’entreprises productives de la majorité des gens vers quelques initiés. Ceux-ci vendent au public lors de la phase d’engouement, puis une fois la phase de panique installée et le krach arrivés, les prix s’effondrent et la liquidité disparaît. Les biens immobiliers et le cours des actions d’entreprises réelles sont au plus bas, et tous les bons actifs peuvent à ce moment être achetés à un prix compétitif. Le résultat final est que la classe moyenne finit plus pauvre et que les élites politiques/financières finissent par posséder toutes les bonnes affaires. Quant aux plus pauvres, ils voient leur situation devenir pire qu’elle ne l’a jamais été.

 

Depuis 2008 et la disparition de la banque d’investissements multinationale Lehman Brothers créée en 1850, le nombre d’intervenants institutionnels participant à l’émergence d’une tendance puis capables d’assurer sa perpétuation est passé de dix à cinq*... A partir du moment où il n’y a plus qu’une poignée de mastodontes, les alliances l’emportent largement sur la tentation de se faire concurrence pour tondre les millions d’intervenants en pratiquant la prise à contrepied du consensus. Ceux-ci sont d’autant plus faciles à orchestrer lorsque l’on détient des informations privilégiées... ou que l’on parvient à convaincre le marché qu’on les détient par la manipulation délibérée des indices en s’appuyant sur de puissants robots algorithmiques qui écrasent tout sur leur passage.

C’est cette stratégie du "choix forcé" mené par les banques centrales qui subvertit toute la mécanique de la fixation des prix depuis 2009. Créer des flux de liquidités, les réserver à quelques complices puis ériger l’inefficience du marché en principe de fonctionnement, voilà la définition de l’orchestration machiavélique d’une bulle. Plus personne ne voulant entendre parler d’austérité, cela fait le jeu de tous, hormis les moutons tondus, l’illusion de la planche à billets contribuant à cesser le sentiment de souffrance et de morosité ressenti. La Federal Reserve de son côté stocke tous les déchets obligataires toxiques en espérant que l’argent des contribuables à venir le masquera et préserver le système financier des conséquences de ses dérives et de ses colossales erreurs. Rappelons qu'en 2008, plus de 60 mille milliards de dollars se sont évaporés, et la "Fed" a pu sauver le système en faisant tourner la planche à billet, soit 300% d'augmentation de la masse monétaire en circulation. Le célèbre investisseur Warren Buffett résume d’une formule la morale de l’histoire : "les ultra-riches mènent une bataille contre les 98% les moins riches, et cette bataille, ils sont en train de la gagner."

* Les quatre plus grosses banques américaines sont désormais 30% plus grosses qu'en 2007... et les cinq plus grosses banques détiennent plus de la moitié des actifs bancaires des États-Unis.

 

Plan d'organisation du nouveau krach monétaire en cours

 

L'incurie de nos gouvernants, vraisemblablement manipulés, est totale. Ils ont utilisé tous les outils habituels à leur disposition,  injectant des milliers de milliards d'euros dans le système, renflouant les banques et les États avec de l'argent qui n'existait pas,  maintenant le crédit bon marché en mettant les taux d'intérêt à zéro ou presque pour pouvoir continuer à s'endetter. Désormais, au niveau le plus élevé, ils mènent une lutte désespérée pour maintenir ce système en place. Il consiste dans le détournement d'attention des populations afin qu'elles se résignent à perdre toujours plus de liberté, jusqu'à ce que le contrôle soit si avancé que les mouches prises dans la toile renoncent à toute résistance. Plus la prise de conscience de l'opinion est retardée, plus la porte de la "prison" a de chances d'être refermée avant que la plupart des gens ne s'aperçoivent qu'ils sont en cellule. C'est tout "l'art" de la diversion dans la stratégie*...

Depuis quelques années, alors qu’on assistait à une escalade de la guerre contre l’argent liquide, il est devenu courant d’entendre certains arguments ou certaines "raisons" pour l’abandon de la monnaie-papier, au profit d’une économie basée exclusivement sur une monnaie numérique. Ces arguments ont été répétés encore et encore dans la plupart des pays occidentaux et par d’innombrables personnalités institutionnelles. "L’argent liquide est utilisé par les terroristes, les blanchisseurs d’argent sale et les criminels" est probablement l’argument qui a le plus souvent été repris. Il a été largement employé au cours de la plupart des débats autour de la transition numérique. Il y a quelques années, il a également été utilisé par Mario Draghi en charge de la Banque centrale européenne pour défendre la décision de supprimer les billets de 500 euros. Si aucune information spécifique ou statistique concernant le nombre de terroristes utilisant réellement ces grosses coupures n'était établie, en revanche de nombreux citoyens respectueux de la loi les utilisaient pour épargner, ainsi que les propriétaires de petites entreprises pour la gestion de leur trésorerie.

* Cf. Prédation manipulatoire.

 

Du moment "Minsky"

Les marchés boursiers sont confrontés à un effondrement potentiel appelé "moment Minsky", du nom de l’économiste états-unien Hyman Minsky (1919/1996), qui fait référence à un effondrement soudain du marché à la suite d’une course haussière insoutenable, qui pourrait entre autres être alimentée par l’environnement de "crédit facile" créé à la suite de mesures de relance budgétaire et monétaire sans précédent. Ce point voit les investisseurs surendettés contraints de vendre en masse leurs actifs pour faire face à leur besoin de liquidité, déclenchant alors une spirale de baisse auto-entretenue du prix de ces actifs et un assèchement de la liquidité. Pour l'économiste, la stabilité engendre l’instabilité, le capitalisme lui-même se déséquilibrant intrinsèquement. Se lassant de profits modérés, les investisseurs, en période de croissance, commencent à prendre des risques plus élevés, mettant en péril la stabilité du système. Dès lors, seule une régulation financière peut permettre de limiter la spéculation et de prolonger une croissance stable.

Ce n’est pas parce que l’argent est abondant et gratuit que les banques centrales par des "régulations" ne peuvent pas enrayer la spéculation ou la limiter, de même qu’elles peuvent par la "loi" limiter la prise de risque des différents acteurs économiques. En France par exemple, il a été demandé aux banques de respecter le ratio des 33 % pour les crédits immobiliers afin d’éviter tout emballement malsain. C’est typiquement ce que l’on appelle une mesure de régulation permettant d’éviter à terme un moment Minsky.

Il y a en fait deux façons d’éviter un moment Minsky. Soit on régule. Soit on assure la solvabilité à tout prix des agents économiques (c’est cette seconde voie, celle de la fuite en avant, qui semble-t-il a été choisie comme réponse aux effets de la crise sanitaire de l'épidémie Covid-19 et du confinement drastiquement administré). Le moment Minsky peut alors se situer au niveau des monnaies et d’un effondrement monétaire.

Cf. Ouvrage de l'économiste "Stabilizing an Unstable Economy" (1986).

 

2015

Vote en août 2015 (vacances) d'une loi permettant aux banques de se renflouer de l'intérieur ("bail-in") : en cas de faillite, le titulaire d'un compte devient actionnaire forcé et voit son argent bloqué.

L’État lui garantit ses dépôts jusqu'à 100000 euros, avec l'argent emprunté aux banques et placé dans ... des fonds bancaires.

Vote de lois liberticides de lutte contre le terrorisme, avec banalisation de l'état d'urgence*.

En cas de manifestation pour être devenu actionnaire forcé (et floué), la jugulation de la rue par la force sécuritaire est assurée.

* Remake du "Patriot Act" d'octobre 2001 aux USA, loi rédigée... avant les attaques du 11 septembre !


2016

Vote le 8 février à l'Assemblée Nationale de l'article 1 de la révision constitutionnelle prévoyant l'intégration de l'état d'urgence à la Constitution "en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ".

Thème du Forum Économique Mondial de Davos en janvier : "La société sans cash", soit une société où tous les avoirs sont dématérialisés et conservés dans les ordinateurs des banques. Ou comment d'une simple pression sur une touche interdire l'accès à son compte...

Le Ministère de la défense allemand encourage fin août la population à faire des réserves de nourriture et d'eau pour cinq jours, sous prétexte de se parer d'un éventuel conflit avec la Russie... Quelle est l'hypothèse la plus probable : conflit avec la sainte Russie ou krach planétaire?


La Deutsche Bank, une des plus importantes banques au monde, est mi-septembre mise sous perfusion pour éviter la faillite : 47.000 milliards de dollars de "produits dérivés", autrement dits d'actifs pourris hautement toxiques ...

 

Le gouverneur de la Banque Centrale Allemande indique fin septembre l'impossibilité de remonter les taux. Entre Charybde et Scylla "mon" épargne vacille ...

Les banques italiennes, certaines suisses et luxembourgeoises, annoncent en septembre qu'elles sont dans le rouge. Et les françaises ?


De son côté, la Banque de France poursuit sa politique consistant à supprimer progressivement nombre de ses caisses utilisées comme "courroies de transmission" dans le pays entre l’établissement central et les régions. En 20 ans, ce chiffre a baissé de 200 à 37. Elle a calculé en effet calculé que les paiements en billets pourraient baisser de plus de 20% d’ici à 2025, ceci la poussant à réagir. Il en résulte le changement inéluctable des "Trois piliers", autrement dit des trois acteurs principaux qui assurent la circulation et la disponibilité de l’argent liquide : la Banque de France et son réseau de caisses, les convoyeurs de fonds qui s’occupent du transfert des billets, les banques qui les rendent disponibles au public par le biais des distributeurs et de leurs réseaux d’agences. Comme la gestion du cash a toujours reposé sur trois piliers, si l’un de ces trois piliers ne joue plus son rôle, la situation se complique et l’édifice est menacé !

 

Ce vers quoi conduit la suppression du cash

La disparition du cash par les nombreuses mesures législatives ou réglementaires allant en ce sens - renforcement des restrictions sur les paiements en espèces, limitation des retraits et dépôts d’espèces, contraintes sur les systèmes de paiements acceptés par les commerçants, mesures tendant à rendre obligatoires les paiements par carte de débit ou de crédit - signifie à terme la disparition de la liberté, rendant possible l’arbitraire et la prédation car contraire au droit de propriété. Qui plus est, l'"opportune" crise sanitaire de 2020 liée au Covid 19 voit l'augmentation du plafond autorisé de paiement par carte bancaire en sans contact se profiler à hauteur de 50 euros contre 30 jusqu'alors, accélérant la disparition à venir du cash.

C'est bel et bien la marque de la soumission au monopole du lobby bancaire. Car lorsque nous déposons de l’argent dans une banque, il ne nous appartient certes plus, mais nous sommes créanciers de notre banque qui nous doit notre argent. Or, en cas de crise financière et bancaire, notre seule défense en tant que citoyen ordinaire consiste à retirer notre argent. Dans une société sans cash, cela deviendra impossible ! Ceci rend alors possible la mise au ban de la société d’un individu de façon instantanée, sans aucune procédure légale, d'autant qu'elle autorise une taxation arbitraire de nos dépôts bancaires liquides en cas de nouvelle crise.

 

Révision constitutionnelle liberticide

Le degré d'équilibre des pouvoirs bouleversé au nom d'une guerre intérieure contre le terrorisme est très difficile à appréhender. L'arsenal mis en avant par les postures martiales à l'Assemblée de ses promoteurs gouvernementaux et relayées par la quasi exclusivité de la classe politique n'est que la partie émergée de l'iceberg d'une législation amendée. La plupart des mesures consistent en l'amendement de lois préexistantes par l'ajout ou la suppression de vocables, de paragraphes ou de sections entières. De quoi obliger les scrutateurs de la législation à s'embarquer dans une chasse au trésor et à remonter la genèse de chaque amendement pour essayer d'en déterminer l'impact sur le texte antérieur. Un vrai dédale...

 

"Clin d'oeil" prémonitoire
"Clin d'oeil" prémonitoire

L'"opportune" crise sanitaire de la Covid-19 de l'année 2000 a quant à elle érigé le paiement sans contact comme un acte citoyen afin de limiter les contaminations, le plafond d’utilisation ayant été rehaussé à 50 euros par transaction. C’est dans ce contexte que BNP Paribas a lancé officiellement en France la toute première carte bancaire intégrant un lecteur d’empreintes digitales, autrement dit une carte bancaire biométrique. Plutôt que de taper un code à 4 chiffres, la transaction sécurisée sera validée en déposant son empreinte digitale sur la carte (même chose que le déverrouillage d'un smartphone via le Touch ID des iPhones ou le Fingerprint des téléphones Android). Au moment d’activer la carte biométrique, le client devra effectuer un premier paiement sur un terminal de paiement électronique avec saisie du code confidentiel, après avoir au moment de la réception de la carte biométrique enregistré dans un boîtier métallique ses empreintes de doigts.

La crise du coronavirus a bel et bien permis aux opposants à l’argent liquide de donner une toute nouvelle tournure au débat et d’introduire de nouveaux arguments en faveur d’une économie digitalisée.

 

Les semis de la monnaie numérique, ou la gestation du contrôle totalitaire

La Réserve fédérale américaine est fin 2022 en train de semer les graines de sa monnaie numérique de banque centrale (CBDC, acronyme signifiant central bank digital currency, ce qui en français donne "monnaie digitale de banque centrale" - MDBC -)*. S'il peut sembler que l’objectif d’une CBDC soit de faciliter les transactions et d’améliorer l’activité économique, les CBDC visent surtout à renforcer le contrôle du gouvernement sur les individus, la banque centrale ayant par sa mise en place accès à toutes les transactions en plus d’être capable de geler des comptes. Si cela peut sembler dystopique, il n'est qu'à voir les cas récents de gel des avoirs au Canada et au Brésil... En outre, une CBDC donnerait au gouvernement le pouvoir de déterminer le montant qu’une personne peut dépenser, d’établir des dates d’expiration pour les dépôts et même de pénaliser les personnes qui ont épargné de l’argent.

La guerre contre l’argent liquide est également une raison pour laquelle les gouvernements veulent mettre en place des CBDC, la fin de l’argent liquide signifant moins de vie privée pour les individus, et permettant aux banques centrales de maintenir une politique monétaire de taux d’intérêt négatifs avec plus de facilité (puisque les individus seraient incapables de retirer de l’argent des banques commerciales pour éviter les pertes). Une fois la CBDC arrivée, au lieu qu’un dépôt soit la responsabilité d’une banque commerciale, un dépôt serait la responsabilité de la banque centrale.

En 2020, la Chine a lancé un programme pilote de yuan numérique, avec pour finalité le suivi des paiements numériques et d'autres finalités : limitation de la taille de certaines transactions, exigence d'un rendez-vous pour effectuer des transactions importantes, et lien avec le système de crédit social émergent dans lequel les citoyens au comportement exemplaire sont placés sur une "liste blanche" pour bénéficier de privilèges, tandis que ceux qui commettent des infractions pénales ou autres se retrouvent exclus.

Tout ceci ne fait que rejoindre la directive donnée en 2017 par le Fonds monétaire international (FMI) dans un document publié offrant des suggestions aux gouvernements – même face à une forte opposition publique – sur la façon de passer à une société sans espèces. Si les gouvernements et les banquiers centraux affirment que le passage à une société sans espèces permettra de prévenir la criminalité et d’accroître la commodité pour les gens ordinaires, la véritable motivation derrière la guerre contre l’argent liquide est un contrôle accru de l’État sur l’individu.

* La première étape a été franchie en août, lorsque la Fed a annoncé FedNow, un système de paiement instantané. Son lancement est prévu entre mai et juillet 2023. FedNow est pratiquement identique au PIX mis en œuvre par la Banque centrale du Brésil (BCB) en novembre 2020, système de paiement instantané pratique (utilisant des appareils mobiles) sans frais d’utilisation, et réputé sûr à utiliser (un an après son lancement, PIX comptait déjà 112 millions de personnes inscrites, soit un peu plus de la moitié de la population brésilienne).

Les banques participant au programme pilote sont BNY Mellon, Citi, HSBC, Mastercard, PNC Bank, TD Bank, Truist, US Bank et Wells Fargo. Le fournisseur mondial de services de messagerie financière SWIFT participe également afin de "soutenir l’interopérabilité dans l’écosystème financier international."

 

Des cryptomonnaies centralisées

De nombreuses banques centrales ont annoncé en 2023 qu’elles commençaient à explorer l’idée d’introduire des monnaies numériques de banque centrale (MNBC) : de l’e-naira, une MNBC émise par la banque centrale du Nigeria, au yuan numérique en Chine, en passant par la Banque centrale européenne, qui explore l’idée de l’euro numérique. Selon une étude de la Banque des règlements internationaux, 90% des 81 banques centrales interrogées ont étudié, sous une forme ou une autre, l’idée de lancer une MNBC. Selon la même enquête, un nombre croissant de pays adaptent l’autorité légale des banques centrales en leur donnant des dispositions qui permettent le lancement de ces monnaies numériques.

Les banques centrales concernées font valoir que les MNBC contribueront à l’inclusion financière en offrant un meilleur accès aux services financiers aux personnes sous-bancarisées et non-bancarisées, qu’elles entraîneront une réduction significative de la fraude et du blanchiment d’argent, qu’elles amélioreront l’efficacité et permettront en fin de compte une politique monétaire meilleure et plus efficace grâce à un contrôle accru de la masse monétaire.

Les MNBC sont souvent considérées comme la réponse du gouvernement aux cryptomonnaies. A l’exception de l’utilisation de technologies similaires, elles sont fondamentalement différentes du Bitcoin et de nombreuses autres cryptomonnaies. La différence la plus importante entre les MNBC et le Bitcoin réside dans le niveau de centralisation et de contrôle. Alors que le Bitcoin est une monnaie entièrement décentralisée fonctionnant sur un ledger décentralisé qu’aucune personne ou organisation ne peut contrôler, les CBDC sont émises et entièrement contrôlées par une banque centrale qui en contrôle ainsi l’approvisionnement, les émissions et l’utilisation.

Le Bitcoin a été créé comme une alternative décentralisée aux monnaies fiduciaires traditionnelles et comme une réponse aux politiques monétaires des banques centrales qui créent de l’incertitude et sont responsables de la dévaluation de la monnaie, avec des effets d’entraînement dans toute l’économie. Les MNBC doteraient les gouvernements d’outils permettant un contrôle total, rapide et facile de la politique monétaire, jusqu’à cibler les entreprises, les organisations et les particuliers.

Le niveau de contrôle qu’un État aurait sur chaque transaction et la capacité d’appliquer la censure des transactions sur n’importe qui donneraient aux dirigeants un niveau de contrôle sans précédent dans l’histoire, un outil dont n’importe quel dirigeant totalitaire d’il y a quelques décennies aurait seulement pu rêver.

On pourrait arguer que la plupart de l’argent est déjà numérique, une collection sans fin de 0 et de 1. Cependant, la distinction cruciale est qu’aucune base de données unique ne peut suivre et superviser chaque transaction existante. Il existe un certain nombre de lois et de règlements qui permettent aux forces de l’ordre de demander l’accès à des dossiers, mais les tribunaux doivent donner leur accord pour de telles actions.

En renonçant à ces contrôles et équilibres actuellement en place et en autorisant un accès en un clic aux comptes des citoyens, on donnerait non seulement un pouvoir sans précédent en termes de violation de la vie privée, mais aussi la possibilité de surveiller ou de désactiver des comptes indésirables sur la base de toute violation perçue ou réelle.

Retirer à une personne toute sa capacité à subvenir à ses besoins en verrouillant ses comptes équivaut à l’emprisonner. Donner à des fonctionnaires la possibilité de geler ou d’interdire certains comptes sans procédure régulière pourrait porter gravement atteinte aux principes de l’Etat de droit sur lesquels repose notre société.

La possibilité pour tout fonctionnaire élu ou nommé d’affecter de la sorte les moyens de subsistance d’un citoyen pourrait avoir de graves conséquences, telles que la mise en danger de la capacité des citoyens à utiliser leur droit à la libre expression dans la crainte que leur vie soit ruinée en un seul clic.

Il n’est par ailleurs pas difficile d’imaginer les nombreuses façons dont un acteur malveillant pourrait utiliser ce pouvoir centralisé. De nombreuses autres conséquences involontaires sont possibles et certaines pourraient créer d’immenses niveaux de méfiance sociale.

Ensuite, il y a la question de la vie privée. Les transactions effectuées à l’aide des MNBC peuvent être enregistrées sur une blockchain publique, ce qui permet à d’autres de suivre et d’analyser les données financières. Le fait que des citoyens utilisent un outil susceptible d’affecter fondamentalement leur vie privée à une échelle inimaginable jusqu’à présent dans l’histoire de l’humanité constituerait une grande violation des droits à la vie privée et entraînerait, sans aucun doute, des problèmes supplémentaires.

Il est ainsi facile de voir comment une monnaie extrêmement centralisée, hautement contrôlée et surveillée, pourrait mettre fin à de nombreuses libertés dont jouissent nos sociétés, alors qu'à l’inverse, le Bitcoin, une monnaie hautement décentralisée, sécurisée et résistante à la censure, est immensément important et représente l’un des outils les plus puissants dont dispose l’humanité aujourd’hui pour préserver ces libertés.

 

Bienvenue en 1984

A l’heure où tous les regards en 2022 se portent sur la guerre en Ukraine, sur l’inflation et sur les pénuries alimentaires comme énergétiques, les gouvernements accélèrent le rythme de leurs efforts visant à éliminer l’argent liquide. C'est ainsi que les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) commencent à voir le jour plus rapidement que ce que prévoyaient bon nombre d’observateurs. Le yuan numérique est déjà là. Il a été introduit en Chine en février dernier, durant les Jeux olympiques d’hiver, les touristes visiteurs étant tenus de payer leurs repas, leurs nuits d’hôtel et leurs tickets de transport en utilisant des codes QR reliés à des comptes libellés en yuans numériques. Neuf autres pays ont d’ores et déjà lancé leurs MNBC, comme les États-Unis où la Réserve fédérale a planché sur une MNBC au sein d’un institut de recherche du Massachussetts Institute of Technology (MIT) qu'elle veut désormais développer. L’Europe n’est pas loin derrière, puisqu'elle elle est en train de tester l’euro numérique sous les auspices de la Banque centrale européenne.

Mais tout cela n’a quasiment rien à voir avec la technologie ou avec la politique monétaire, l’objectif étant de mener les peuples à l’abattoir numérique pour que le gouvernement puisse geler les comptes, saisir les actifs et les avoirs, etc.

Les MNBC ne sont pas en effet des cryptomonnaies. Si elles se présentent sous un format numérique, sont enregistrées sur un registre (tenu par la banque centrale ou par le ministère des Finances du pays en question), et que les messages qui circulent (les transactions) sont cryptés, la ressemblance s’arrête là. Les registres des MNBC n’utilisent pas d'une part la blockchain, et les MNBC ne reposent pas d'autre part sur le modèle de création monétaire décentralisée si cher aux cryptonautes. Les MNBC seront hautement centralisées et étroitement contrôlées par les banques centrales, ses registres pouvant être tenus sous format crypté sans que ces banques n’aient besoin de comptes bancaires ou de fonds du marché monétaire. Les paiements peuvent être réalisés avec un smartphone, sans carte de crédit ou sans devoir réaliser un virement en ligne coûteux. Les MNBC sont certes une innovation technologique, mais elles ne remplacent pas les monnaies de réserve actuelles. Elles ne sont pas une nouvelle monnaie, simplement un nouveau canal de paiement. Une MNBC n’existe pas sous format physique dans la mesure où elle est toujours numérique, sa propriété étant enregistrée sur un registre tenu par la banque centrale concernée. Et comme tout se fait auprès de la banque centrale au moyen d’un compte unique permettant d’envoyer et de recevoir des fonds, les MNBC pourraient sonner le glas des intermédiaires dans le secteur bancaire et dans le secteur des cartes de crédit.

L’autre grande différence est que cela confèrera au gouvernement la capacité de contrôler l'argent des citoyens et de les surveiller en permanence. Dans un monde de MNBC, le gouvernement aura connaissance de tous leurs achats, de toutes leurs transactions et de leur  localisation lors d'un achat. La Chine utilise d'ailleurs déjà sa MNBC pour empêcher des opposants politiques de voyager ou d’accéder à des opportunités éducatives. Ces espèces de "notes de crédit social" et ces pressions politiques deviendront monnaie courante lorsque les MNBC seront complètement déployées.

Les MNBC établissent ainsi le lien avec ce que d’aucuns appellent le "Great Reset", s'agissant de l’étape ultime vers une monnaie de réserve mondiale unique. Et son avènement offrirait l’opportunité de dévaluer toutes les grandes monnaies pour spolier les épargnants. Aussi leur avènement ressemble à s’y méprendre au roman dystopien de l'écrivain et journaliste britannique George Orwell (nom de plume d’Eric Arthur Blair, 1903/1950), 1984, un monde caractérisé par des taux d’intérêt négatifs, par un prélèvement forcé de l’impôt, par des confiscations étatiques, par des gels de compte et par une surveillance permanente...

D'après James G. Rickards, avocat américain s’exprimant sur les questions financières.

 

Dictature financière

 

Dans un système où tout est interconnecté, un krach financier se transforme inévitablement en krach économique. A quelle fin? Tout simplement la fin du système monétaire mondial actuel.

Si la dévaluation du dollar américain a joué un rôle essentiel dans le boom du crédit, elle a sapé la stabilité du système du dollar. Aussi le krach du système passe par celui du dollar. Les seules personnes qui peuvent le souhaiter sont celles qui voient une occasion de construire un système mondial anti-démocratique à partir des ruines du système actuel... Un système avec bien sûr un seul gouvernement, une seule monnaie, et une seule loi qui ne s’applique qu’à ceux qui sont gouvernés, non aux faiseurs des règles du jeu ni aux money maker... Tous les gouvernements* sont engagés, tacitement ou directement, dans le vol et la fraude ; ils tirent parti de leur position pour transférer la richesse et le pouvoir des non-initiés vers les initiés*². Un gouvernement intelligent utilise la tromperie pour parvenir à ses fins ... tandis qu’un gouvernement maladroit le fait sans faux-semblants ni excuses. Comment comprendre le comportement des banques centrales et en particulier la Federal Reserve des États-Unis qui subvertissent tous les mécanismes économiques et montrent un tel dévouement au profit des banques qui ont causé tant de dégâts avec leur spéculation effrénée sur les dérivés en 2008 ? La preuve, elles ont encore accru la taille de leurs encours sur pratiquement toutes les catégories de produits à effets de levier (taux, devises, matières premières, CDS, options sur la volatilité...).

* Le gouvernement états-unien a levé une quantité de dette énorme  - plus de 18 mille milliards de dollars - , le double de ce que les États-Unis portaient avant le fiasco de 2008.

Ainsi le "Luxembourg Leaks", gigantesque scandale financier concernant plusieurs centaines d'accords entre le fisc du Grand-duché et des cabinets d'audit pour le compte de firmes multinationales, le but étant de faire baisser les impôts de ces sociétés. C’est le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui présidait alors comme ministre des Finances puis Premier ministre du Luxembourg entre 1995 et 2013 ...

 

Le recours ultime pour sauver ce qui peut l'être à leur profit ne peut être qu'une véritable arme de destruction massive. Elle se nomme 2.0, soit la prise de contrôle technologique arbitraire et brutale de l'épargne constituée, soit environ 16 des revenus représentant un total de 10 000 milliards d'euros, soit années de PIB français. Cet argent épargné pour faire face aux besoins du futur (vacances, retraite, immobilier, aide à la famille, imprévus)  constitue un gisement de richesse irrésistible pour des dirigeants pris au piège de la dette fruit de leurs turpitudes et coincés par leurs engagements électoraux. Se servir sur les comptes d'un simple clic de souris est dorénavant possible, la monnaie n'ayant eu de cesse de se dématérialiser (la carte bancaire représente désormais 49,5% des paiements). Salaire, retraite, factures,  virements pour l'assurance-vie, mensualités du prêt immobilier ou autre... sont majoritairement traités sous forme électronique grâce à l'informatique. Dans nos sociétés modernes, l'argent n'a quasiment plus d'existence matérielle,  la seule chose rendant nos dépôts concrets, à tout instant, reposant sur l'accord tacite passé avec notre banque pour en récupérer la valeur en monnaie sonnante...

Or l'équilibre des pouvoirs propre à toute société dite démocratique est en train de basculer en faveur  d'un côté des banques sur le fil du rasoir et qui pourtant continuent à financer leurs "stratégies" boursières, leurs paris risqués et leurs montages compliqués sur les marchés financiers, et de l'autre côté un État endetté et à bout de ressources. Trouver pour chacun une solution bien "arrangeante" sur le dos des "petits" épargnants ne semble-t-il pas tentant ? C'est ce que laissent à penser tous les indices observables dans le système financier mondial, qui conduisent à l'abolition de la monnaie en espèces, de l'argent liquide ...

Mesures de restriction sur le cash prises en France

Depuis le 1er septembre 2015, les paiements en espèces supérieurs à 1 000 euros sont officiellement interdits.

Depuis le 1er janvier 2016, les banques françaises doivent désormais signaler à l’État tout dépôt ou retrait d'espèces supérieur à 10.000 euros par mois.

Une pièce d'identité est obligatoire dans les bureaux de change pour toute transaction de plus de 1 000 euros.

Les comptes hors-système plus simples et plus souples qui peuvent être ouverts dans les bureaux de tabac sur simple présentation d'une pièce d'identité sont désormais référencés dans le même fichier que les comptes bancaires "traditionnels"

Depuis 2014, il n'est plus possible de payer ses impôts en liquide s'ils dépassent les 300 euros (contre 3 000 euros précédemment). 


Qui plus est, des avantages pour paiement par carte bancaire sont proposés, avec en parallèle la fermeture de guichets dans le métro ou dans les gares forçant à utiliser les machines, le refus de chèques par de plus en plus d'établissements, le développement rapide du paiement sans contact, des applications sur smartphone permettant de faire des transferts d'argent d'un effleurement de l'index... Et, sur le plan communication, l'utilisation des vocables Terrorisme / Argent sale / Travail au noir / Trafics en tous genres... par les autorités associant désormais le cash à la criminalité et à l'insécurité.

 

Les créances douteuses des banques françaises

Les banques françaises détiennent 124 milliards d’euros de créances douteuses, qui sont appelées dans le jargon financier NPL pour "non-performing loans", autrement dit en langue françaises prêts non performants. Il s'agit de crédits en incident de paiement, pour lesquels il y a de gros doutes concernant leur remboursement (un crédit est considéré comme NPL à partir du moment où les retards de paiement dépassent les 90 jours). Si le chiffre peut sembler à première vue énorme, il ne représente cependant que 2.6 % du montant total des crédits accordés. Et, "normalement", les fonds propres des banques sont suffisants pour absorber les pertes, tout comme il y a souvent en face de ces crédits des garanties (hypothèques ou gages par exemple).

En France, le classement est le suivant :

1/ BNP Paribas avec 30,3 %

2/ Le Crédit agricole (20,5 %),

3/ BPCE (18,75 %),

4/ La Société générale (16 %),

5/ CMG (12,5 %)

6/ La Banque postale (0,9 %).

Mais, si une nouvelle fois les choses devaient tourner au vinaigre, il est vraisemblable que la BCE (Banque centrale européenne) se rue au chevet de nos banques malades, afin de les sauver... avec l’argent du contribuable.

 

L'exemple grec

L'obligation en Grèce de payer par Carte Bleue jusqu'à 20 % de ses revenus sous peine d’amende est dorénavant active, constituant une réduction sans précédent des libertés individuelles d’une politique européenne totalement inique. Ceci donne à penser que la Grèce est volontairement sortie du cadre économique supposé normal des économies occidentales pour permettre d'expérimenter autre chose… Quasiment tout type de commerce y est depuis 2016 équipé de machines POS (paiement par CB), obligeant toute transaction entre entreprises dépassant le montant de 50 € de s'effectuer de manière électronique (cartes et virements). Qui plus est, toute transaction de plus de 500 € en liquide devient illégale entre personnes physiques. De ce fait, pour que le seuil du non-imposable (8 636 €/an – personne seule, 9 545 €/an – + trois enfants à charge) puisse être maintenu par le fisc grec, les "citoyens" doivent avoir effectué 10 % au moins de leurs dépenses en CB jusqu’à 10 000 €/an (20 % pour 30 000 €/an), sinon il y a 22 % de pénalité sur l’impôt à payer (et/ou le basculement à la situation de l’imposable pour de nombreux cas). Tout établissement où une pancarte visible (" ici on accepte les cartes ") ne se présente pas à l’évidence sera frappé d’une amende de 1 000 €.

 

La question qui se pose autour des monnaies numériques et celles qui sont sous forme physique avec des espèces est ni plus ni moins celle de la liberté. Lorsque la monnaie sera totalement numérique, les citoyens seront tous prisonniers des oukases imposés quant à l’épargne, la consommation, l'utilisation de son argent.  Comment le "totalitarisme marchand" ne peut-il aller jusqu’au bout de sa logique pour assurer sa survie ? Plus son point d’effondrement se rapproche, plus il se montre violent et autoritaire.

Nous avons bel et bien là tous les éléments préparatoires à une dictature économique, à la disparition du libre-échange et à la mort du droit à la propriété, pourtant inscrit en toutes lettres comme droit naturel et imprescriptible dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. La continuité en somme d'un plan orchestré depuis fort longtemps, même s'il défie l'esprit rationnel et cartésien des Lumières. Mais en l'occurrence de lumières bien artificielles... Nous assistons à une telle capitulation générale de la pensée active dans tant de sphères de notre vie qu’il parait en l’état impossible d’imaginer une réaction citoyenne à la hauteur. Trop occupés à regarder des écrans toute la journée (ordinateur, télévision, appareils mobiles) et vidés d’une grande partie de leur énergie, les robots biologiques de la matrice cyber semblent s’acheminer tout droit vers les limbes de l’humanité.

Cf. Le modèle européen décodé (1).

 

De la cryptomonnaie

L'économiste et philosophe britannique lauréat du prix Nobel d'économie Friedrich Hayek (1899/1992) était pour une vraie concurrence des monnaies, farouche partisan de l'investissement dans l'or et du rétablissement de l'étalon-or depuis son abandon au cours de la seconde partie du XXème siècle (accords de Bretton Woods de 1971). La raison est que pour le contrôle de la monnaie, une devise adossée à l'or est essentielle à la protection de notre liberté patrimoniale contre les politiques reposant sur l'inflation. Son analyse des principaux dysfonctionnements du système monétaire actuel identifiait deux facteurs à l'origine de la déstabilisation des relations économiques au niveau international : le système bancaire de réserves fractionnaires constituant la cause principale de la propagation des cycles économiques à l'échelle internationale, et les banques centrales nationales qui ont amplifié l'instabilité qui en résulte. Aussi défendait-il la revendication selon laquelle le monopole de l’État sur la monnaie devait être aboli.

Presque un demi-siècle plus tard, son rêve de voir la monnaie être dénationalisée semble être devenu une réelle possibilité par l'arrivée de la technologie blockchain et des cryptomonnaies*. C'est ainsi que sa figure vedette le "bitcoin" représente un exemple d'"or virtuel", dont la valeur repose sur le fait qu'il n'existe qu'une quantité limitée de cette cryptomonnaie, et qu'il est nécessaire d'engager des dépenses importantes pour chaque unité supplémentaire, de façon similaire à l'or physique. La force des cryptomonnaies repose essentiellement sur le fait qu'elles peuvent être facilement achetées, vendues et échangées entre elles en toute confidentialité, le marché étant censé permettre de maintenir la valeur et la stabilité de telles devises, de manière beaucoup plus efficace qu'aucun système politique de devises à cours légal.

Nouvel arrivant, le mastodonte Facebook (deux milliards d'utilisateurs), qui a décidé de s'attaquer au marché des cryptomonnaies avec Libra, rebaptisé Diem en décembre 2020, utilisable comme devise sur sa plateforme. Mais Diem n'est pas une monnaie dont la quantité est naturellement limitée, pouvant être contrairement au bitcoin multiplié à l'infini, et ce sans être adossé à un panier de matières premières afin d'en assurer la stabilité. Aussi la valeur d'un diem devrait rester relativement stable pour pouvoir être utilisé comme moyen d'échange faible (les commerçants auront l'assurance que les diems avec lesquels ils seront payés aujourd'hui auront la même valeur demain). Sa valeur est liée à un panier d'actifs monétaires sous la forme de dépôts bancaires et de bons du Trésor libellés dans une multitude de devises internationales historiquement stables, telles que le dollar, la livre sterling, l'euro, le franc suisse et le yen.

La réalité est que ces monnaies comme le bitcoin n’ont pas d’existence physique. Elles ne sont pas liées à la réalisation de profits découlant de la conduite de l'entreprise par son PDG et ses relais attitrés. C’est dans cette direction que va le nouvel argent des autorités, dans une inflation de fantaisie ! C'est pourquoi ces monnaies alternatives demeurent l'apanage d'une communauté de joueurs en ligne qui échangent de l’argent réel contre des objets qui n’existent que dans le cyber espace, ces initiatives ne pouvant servir de base à un système monétaire sain. Elles continuent à être réglementées sur les fondations et la confiance fournies par les banques centrales existantes. 
* On dénombre plus d'un millier de cryptomonnaies en circulation d'après la liste établie par CoinMarketCap.com. Une part significative de ces cryptomonnaies correspond en fait à des ICOs – initial coin offerings –, moyen innovant de lever des fonds dans le cadre du financement d'un projet spécifique.

 

En juillet 2021, a Commission européenne a dévoilé son projet de réglementation sur le blanchiment d’argent. Celui-ci comprend notamment une section concernant les actifs numériques et l’identification des parties à une transaction qui reprend les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) concernant la "travel rule", règle imposant aux acteurs financiers d’être en mesure d’identifier clairement l’émetteur et le bénéficiaire de toute transaction transfrontalière supérieure à 10 000 dollars. En d'autres termes, il s'agit d’étendre ces règles (règlement 2015/847) relatif au blanchiment d’argent et à la "travel rule" aux transferts d’actifs numériques, notamment à destination des Crypto-Asset Service Providers (CASP) qui sont donneurs d’ordres et bénéficiaires aux 2 extrémités d’un transfert de crypto-actifs tels que Bitcoin, et ce pour tout montant supérieur à 1 000 dollars !  Par conséquent, pour envoyer 1 000 dollars de cryptomonnaies d’un protocole à un autre, il sera nécessaire d’avoir rempli un KYC complet. En outre, les portefeuilles anonymes de crypto-actifs seront interdits...

 

En conclusion, le bilan de ce que nous appelons élites a aggravé par la financiarisation virtuelle du système économique la "suraccumulation" du capital, avec ses entreprises zombies, le capital de poids mort et le capital fictif des rentiers. Elle s'est résumée à injecter de la monnaie qui ne rapporte rien, à baisser les taux administrés, à acheter sur les marchés les titres qui rapportent encore un peu, à priver de rendement les détenteurs de monnaie et ainsi les obliger à acheter les emprunts anciens qui rapportent encore un peu. C'est la mise en place d'un entonnoir, branché sur l'anticipation de la poursuite continue de la baisse des taux, y compris sous le zéro, expliquant qu'il y a désormais des dizaines de milliards de dollars de dettes déjà à taux négatifs ! Qui plus est, elles ont laissé se construire et se développer de gigantesques monopoles comme les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), ceux-ci attirant à eux "la rente différentielle" à la faveur de la complaisance pour la Bourse alors qu'ils ne font que piller le surproduit mondial. Ces élites, conservatrices pour elles-mêmes, ont refusé les mues du serpent, préférant son venin mortel...

En résumé, le problème est qu'entre le krach des dot-com, la frénésie d'impression monétaire qui a suivi et l'inondation de crédits des banques centrales en 2020, les bilans des banques centrales mondiales sont passés de 4 700 milliards de dollars à la fin du XX° siècle à près de 42 000 milliards de dollars en 2022. Cette multiplication par 9 de la masse monétaire n'a entraîné qu'une multiplication par 2 du PIB. Le reste est allé dans les poches des élites et a créé des bulles d'actifs qui risquent maintenant d'éclater !

Cf. John Perkins, économiste états-unien, "Confessions d'un assassin financier" ; Antony Cyril Sutton, économiste britannique (1925/2002), "Le complot de la Réserve Fédérale" ; Eward Griffin, essayiste états-unien, "The creature from Jekyll Island" ; Eustace Mullins, essayiste états-unien, (1923/2010), "Les secrets de la Réserve Fédérale" ; Pierre Jovanovic, essayiste, "666 : Du vol organisé de l'or des Français et de la destruction des Nations par le dollar grâce aux gouvernements et médias à ses ordres", "Blythe Masters : la banquière à l'origine de la crise mondiale", "L'histoire de John Law et de sa première planche à billets qui a ruiné la France et qui continue à ruiner le monde aujourd'hui" ; André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, "La dette publique, une affaire rentable" et "Les 10 plus gros mensonges sur l'économie" ; Simone Wapler et autres chroniqueurs de la Chronique Agora.

 

Que va-t-il alors se passer sur les marchés ? Une inévitable grosse correction, prélude à un mouvement baissier, annonciateur d’un beau krach sur tous les actifs puisque nous avons eu une "bulle de tout" qui a gonflé inexorablement en raison d’une politique mondiale d’argent gratuit et d’inondation de liquidités. Avec des taux si bas, tout le monde ou presque pouvait acheter des actions, de l’immobilier et même de l’or et des cryptomonnaies, ceci ayant entraîné le plus grand transfert de richesse de l’histoire en 40 ans*, de la valeur travail vers les valeurs mobilières. Les liquidités ayant fini par refluer, l'inflation des prix n'a eu de cesse de croître, les banques centrales décidant de casser l’inflation en reprenant les liquidités données et en augmentant les taux d’intérêt. Cela casse la croissance déjà bien mise à mal par l’explosion des prix de l’énergie comme en 2007 et 2008, entraînant l'effondrement de tous les actifs, la baisse des actions, des obligations et des cryptomonnaies, seuls les métaux précieux et l’or parvenant à ne pas rompre tout comme l’immobilier. Il y aura de ce fait le développement de plusieurs marchés. A noter que ceci entraîne la perte de valeur de la monnaie, l'euro, affaiblissant de ce fait les États qui s'en prévalent.

Par l'augmentation des taux se déclenchera une vague d’insolvabilité de nombreux ménages, s’accompagnant d’une récession terrible et d’un krach d’anthologie d'une ampleur possiblement supérieure à celui de 1929 passé à la postérité.

C'est en effet l’une des premières fois dans l’histoire économique mondiale que l’inflation à laquelle nous sommes confrontés est d’origine monétaire (au moins jusqu’à 2024 selon la BCE), combinée au fait que nous avons atteint les effets de seuil de la raréfaction de beaucoup de produits et matières premières*². La seule chose restant à faire sera de baisser la demande de manière très significative, les confinements pour de prétendues raisons sanitaires apparaissant alors comme d'opportunes occasions de supprimer la demande de biens comme de services de consommation.

Nous sommes bel et bien dans une situation inextricable, prévisible depuis plus de 10 ans, avec comme de la fin celui du constat présidentiel "la France est rentrée dans une économie de guerre", signifiant mise sous tutelle de pans entiers de l’activité, rationnements et surtout du cortège d’État d’urgence permanent que sont les mensonges officiels et les privations des libertés, notamment de se déplacer.

C'est vraiment le moment de travailler sa résilience et son autonomie...

* 40 ans de désinflation dont 35 ans de soutien inconditionnel de la Banque centrale américaine Fed au profit de Wall Street se concluant par deux ans de "all in" monétaire.

L'Allemagne et la France pourraient manquer, faute de capacités de raffinage, de diesel d’ici à la fin 2022, souci majeur pour les transporteurs routiers et les utilisateurs d’engins agricoles… C'est une situation sans précédent à la fin des années 1970 ou au début des années 1980, renforcée par la pénurie de production électrique (mégawatts) alors que la France ambitionnait de se doter de centrales plus sûres – Fukushima oblige –. Mais l’EPR de Flamanville (près de Cherbourg) a désormais 9 ans de retard, tandis que son coût est passé d’un prévisionnel de 3,5 Mds€ à un coût réel qui dépasse déjà les 12,2 Mds€. En parallèle, sur 56 réacteurs implantés en France, 26 sont à l’arrêt pour cause de maintenance, de panne sérieuse des systèmes de sécurité ou de corrosion des circuits de vapeur sous haute pression.

 

Les trois politiques néfastes qui ont provoqué le marché boursier baissier de 2022

Un enchaînement de décisions politiques depuis plusieurs années explique la chute des Bourses sur 2022, et pourquoi la situation ne va pas s’arranger de sitôt. La réponse tient dans ce qui se nomme taux d’intérêt, sans oublier les conséquences de la crise sanitaire avec la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales et de la guerre en Ukraine.

La hausse brutale des taux décidée par la Réserve fédérale états-unienne au second semestre 2022 face à la plus forte hausse de l’inflation jamais enregistrée en 41 ans a pour fondement sa politique laxiste précédente, tout particulièrement la faiblesse des taux d’emprunt immobilier affichant un plus bas record qui ont provoqué un boom indécent car déconnecté de la véritable valeur foncière de l’immobilier. Ces microscopiques coûts d’emprunt ont ainsi permis aux consommateurs, entreprises et gouvernement de dépenser à moindre frais. En parallèle, avec des rendements au ras du sol, les obligations et les liquidités sont devenues peu attractives par rapport aux actions, les taux d’intérêt proches de zéro ayant jeté de l’huile sur le feu du marché actions pendant près de 13 ans.

Maintenant qu'ils sont bien plus élevés, trois mesures erronées ont été prises par des gouvernements du monde entier pour l'expliquer.

La première fut de fermer l’économie mondiale en réaction à la propagation du Covid-19, au lieu de réagir rapidement et efficacement afin de protéger la santé des plus vulnérables, à savoir essentiellement les personnes âgées et celles souffrant de comorbidités. Si l’on avait réagi de façon moins draconienne, cela aurait également permis de prévenir la deuxième mesure erronée, l’explosion des dépenses publiques en raison d'une réaction budgétaire massive, ayant bénéficié à des politiciens pour des projets à vocation électoraliste quand il ne s'agissait d'acheter des voix...

Trop d’argent face à trop peu de biens et services, c’est la définition classique de l’inflation.

La troisième mesure erronée fut la décision officielle de nombre de banques centrales (FED, BCE) en 2021 de laisser flamber l’inflation bien au-delà de l’objectif des 2%, les conduisant à devoir au final prendre des mesures très strictes comme la relève des taux d’intérêt par tranches de trois quart de points au rythme le plus rapide jamais enregistré en plus de 30 ans. Autrement dit, ces banques centrales s'emploient à éteindre l’incendie qu’elles ont allumé, et en allant peut-être trop loin, elles prennent le risque de faire sombrer l’économie dans une récession.

Ces trois mesures erronées – les confinements, l’explosion des dépenses publiques et l’effet décalé du resserrement des taux d'intérêt – sont les vrais coupables à l’origine du marché baissier de cette année.

 

Les limites du réel sont désormais dépassées

Le constat est incontestable : les inégalités, la fragilité du système, l’incertitude et le risque ont été provoqués volontairement par les élites gouvernantes. Les masses actives ou non payent en effet le coût des politiques choisies il y a longtemps tout comme le coût des différents sauvetages auxquels il a fallu consentir pour sauver le système capitalistique des catastrophes répétées, provoquées par ces politiques de long terme. Tout découle logiquement des choix passés, choix qui eux-mêmes n’en étaient pas vraiment car ils étaient nécessaires et imposés comme dans un engrenage par le système n’ayant qu’un seul projet; sa pérennité. Tout découle aussi des limites internes endogènes du régime capitaliste, limites constituées par la suraccumulation de capital et le besoin sans cesse croissant de profit. Tout découle encore de la nature dévoreuse de surproduit et de valeur ajoutée du capital, qui a besoin de toujours plus pour satisfaire sa logique existentielle d’accumulation. Et puis, tout découle de la folle tentative des années 70 et 80 de dépasser ces limites réelles en s’envoyant en l’air dans l’imaginaire financier, en recourant à la création illimitée de dettes, et en abaissant continuellement le coût pour les faire supporter, de la folie de 2008 qui a consisté à faire encore plus de toutes les erreurs qui avaient été commises auparavant au lieu d’accepter d’assainir et de revenir en arrière, de l’idiotie de 2019 et 2020 qui a consisté à ajouter des dizaines de trillions aux dettes et à faire de la fuite en avant en imprimant encore plus de monnaie pour lutter contre une pseudo pandémie. Enfin, tout découle de la folie géopolitique de la première puissance économique mondiale, qui veut à ce titre contrôler les ressources comme les esprits afin de prolonger son hégémonie pour ne pas dire impérialisme. 

Les inégalités, la fragilité du système, l’incertitude, le risque… Tout cela a été produit pour essayer de repousser les échéances d'un système à bout de souffle et pour s’opposer à la montée de la multipolarité, indispensable rééquilibrage entre les deux pôles constitutifs de la civilisation, l'Occident et l'Orient, le Nord et le Sud. L’Histoire est tout simplement en mouvement, et non pas statique ou éternelle.

 

Qu'en conclure, si ce n'est que la monnaie est bel et bien le reflet de la société. En ajoutant des zéros dans ses livres de comptes, l’homme a repoussé toutes les limites. Et c'est pourquoi notre société a suivi une mauvaise pente, se laissant entraîner dans une voie qui ne peut la conduire nulle part ailleurs qu’à la catastrophe. Elle disposait pourtant d’un outil fantastique, le langage, la capacité à verbaliser, à mettre des mots, à symboliser, la possibilité de tenir un discours sur le monde réel pour donner les moyens de le transformer.

Mais comme le disait l'écrivain grec d'origine phrygienne à qui l’on a attribué la paternité de la fable, Esope, la langue est la meilleure et la pire des choses. Cette capacité de discours, cet accès au langage, constitutif de notre intelligence, a été perverti.

Certains ont compris qu’elle pouvait être utilisée à des fins de domination, non pas de notre environnement, mais de la domination des autres hommes. Nos capacités ont été militarisées et transformées en outils de puissance. Cette merveilleuse capacité du discours de représenter le réel a vu l’Intelligence Artificielle se substituer pour octroyer aux maîtres es manipulation le contrôle. Et comme l'IA est la séparation sublime de la pensée et du réel, puisqu’elle ne renvoie qu’à ce qu’il y a dans d’autres ordinateurs, qu’au corpus des signes, qu’au corpus du langage sans (é)preuve de vérité, sa promotion a pour objectif de produire un homme nouveau, celui qui conviendrait à la reproduction infinie de cet ordre social au service exclusif de l'élite institutionnelle dirigeante. Elle n'est en fait que sa bouée de sauvetage pour échapper à la crise de nos sociétés, la solution à l’irrésistible ascension bullaire vers la crise financière. Changer les hommes, plutôt que l’ordre du monde ; changer la nature de la monnaie, plutôt que cesser d’en émettre.

 

C'est la marche vers l’abstraction, vers la dématérialisation. La monnaie et le langage sont isomorphes, suivant les mêmes évolution, perversion et destruction des référents. Nous sommes envahis par la fausse monnaie et par le mensonge. Nous sommes envahis par la rhétorique, les faux discours pseudo-cohérents sur le monde, les fausses richesses, mais les vraies dominations. Le monde depuis 2008 ne fait que s’appauvrir, en réalité, mais la masse de signes, la masse d’actifs financiers, la masse de droits sur la richesse réelle a explosé. Les bilans des banques centrales, les capitalisations boursières et les dettes des gouvernements ont pulvérisé tous les ratios et toutes les limites que l’on imaginait auparavant. C'est un monde sans limite, voyant l'homme nier la finitude, les coûts, la rareté ; il refuse la discipline du Réel. Il s’envoie en l’air dans un imaginaire insensé.

Il croit progresser, alors qu’en fait, il ne fait que s’engager dans des pactes de plus en plus sans issue avec Satan. Pactes dont le plus significatif est celui de la destruction des ressources qui le font vivre.

C’est un phénomène de civilisation, de culture, que cette volonté démiurgique. Il n’y a pas de limite.

Cf. Tiré des réflexions de Bruno Bertez, spécialiste de l'information financière.

 

La désacralisation de la valeur travail

Le contrôle de la rentabilité du travail comme consécration sociale et ... autodestruction

Moloch Baal (dans la tradition biblique, nom du dieu des Ammonites, une ethnie cananéenne)
Moloch Baal (dans la tradition biblique, nom du dieu des Ammonites, une ethnie cananéenne)

L’emploi quasiment à vie, souvent au sein de la même entreprise, en contrat à durée indéterminée,avec promotion professionnelle garantie et évolution salariale continue à la hausse… Il y a maintenant une quarantaine d’années, c’était l’horizon d’insouciance d’une majorité, dont celles et ceux appelés à devenir cadres, s’ils ne l’étaient automatiquement par le diplôme obtenu. La consécration pour une reconnaissance sociale équivalente à l’exercice de responsabilités comme praticien libéral ou entrepreneur viscéral.

Peu à peu, sans y prendre garde, et tout particulièrement à partir des années soixante-dix, en l’accompagnant de tous leurs vœux la plupart du temps sans en avoir perçu les enjeux, les cadres d’appareils sont devenus des manageurs de cette délégation de responsabilité octroyée, ce mot anglo-saxon plus "bankable" et plus valorisant dans le contexte business mondial. En fait, ils ne sont devenus ni plus ni moins que des outils de cette entreprise dite moderne, celle qui est passée d’un appareil de production à un instrument de spéculation, dont la substance est le travail comme contribution aux profits. La mécanique est simple : par votre travail, vous augmenterez votre salaire pour atteindre une position sociale élevée et pouvoir consommer sans modération, qui plus est grâce au crédit. Elle repose sur l'illusion du triptyque fantasmé compétition - stimulation - récompense extrinsèque. Le profit et la rentabilité sont devenus entretemps la raison d’être d’un développement continu qui, au fil du temps, s'avère insatiable, dévorant tel le Moloch-Baal ses enfants.

Ce type d’entreprise ne dégage plus fondamentalement des profits pour se développer, mais pour alimenter une spéculation à des fins de rentabilité, permettant d’entretenir ceux qui n'ont plus besoin de travailler (fonds de pension par exemple), et aux fins d’assouvir leurs envies toujours croissantes. Sa raison d'être devenant incertaine lorsque les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, elle privilégie la flexibilité et la précarité, contribuant à détruire le lien social, la confiance, le dynamisme et l'implication qui reposent sur le sentiment de sécurité, besoin primaire de la nature humaine. Par l'inquiétude générée elle annihile toute prise de risque, inhérente à l'esprit de création de l'être humain, contribuant à instiller en son sein les gènes mortifères de sa disparition. Quant à son inéluctable robotisation, elle signifie clairement à l'individu ce qu'il est dans ce système entropique, un robot biologique* !

* Cf. Le contrôle du robot biologique.

 

L'avènement du robot collaboratif

C'est inéluctable, l'être humain va être remplacé par un robot ! C’est ainsi que, parmi d'autres, le patron de Nichrominox, fabricant de matériel médical dans le département du Rhône, a annoncé la couleur. "Les robots collaboratifs constituent une main-d’œuvre non qualifiée et peu coûteuse. Avec eux, je suis à armes égales face à la concurrence des pays à bas coût ". La messe est dite. Pour les sceptiques qui douteraient encore des pertes d’emplois liées à la robotique, le message est on ne peut plus clair. Son entreprise a connu une mauvaise passe et, du coup, elle a décidé de se passer d’embauche dans cette nouvelle phase de croissance et d’acquérir des robots, en l'occurrence cinq bras robotisés Universal Robots qui ont débarqué pour permettre à l'entreprise de gagner en productivité sans embaucher. Les tâches répétitives et fatigantes étant assez nombreuses, les robots s’en chargent désormais !

Qui plus est, le robot n’est jamais malade ni en pause, ne demande pas d’augmentation et ne s’arrête quasiment jamais… Le "rêve" transhumaniste*!  Cette PME n’est qu’un petit exemple de ce qui nous attend demain, bientôt.

* Cf. Conscience du XXI° siècle.

 

Le "modèle" Amazon

Entreprise de commerce électronique nord-américaine basée à Seattle, Amazon est un des géants du Web regroupés sous l'acronyme GAFAM (avec Google, Apple, Facebook et Microsoft). Créée en 1994 sur le créneau de la vente de livres avant de se diversifier dans la mise à disposition progressive de tous types de produits, son chiffre d'affaires s'est établi en 2017 à environ 178 milliards de dollars, lui permettant de devenir depuis la première capitalisation boursière mondiale (plus de 1000 milliards de dollars, s'apprêtant cependant à être dépassée par la valorisation de Saudi Aramco - estimée entre 1500 et 2000 milliards -, qui gère la totalité de l'exploitation de pétrole saoudienne, et qui est en voie de privatisation), et, "accessoirement", de financer la campagne des politiques qui la protègent à travers le monde. Forte de plus de 650.000 employés, la firme occupe une position ultra dominante. Si son modèle questionne l'éthique, concept mis en avant la main sur le cœur par les dirigeants d'entreprise, c'est non seulement en raison de la non imposition de l’entreprise au regard de la réalité de ses bénéfices, mais surtout parce que son modèle social illustre tous les paradoxes de la "Robolution"*. Le plus grand magasin virtuel du monde a non seulement fait la nique à tous les commerçants traditionnels, grands et petits, dont nombre ne s’en sont jamais remis (destruction massive d'emplois et désertification de centre-villes et villages), mais sa création d'emplois porte sur nombre de postes peu qualifiés et rémunérés. Non seulement la protection sociale est le cadet des soucis d’Amazon à l'instar des entreprises low cost (type EasyJet ou Ryanair DAC dans l'aéronautique) qui s’assoient dessus, mais l'utilisation massive de robots et d’algorithmes contraint les employés humains à suivre le rythme des robots par une cadence de production toujours plus élevée, notamment pour les 125 000 salariés à temps plein dans de cent entrepôts détenus par l'entreprise aux États-Unis. Il est ainsi établi avec recul une durée de deux ans de travail avant épuisement total et… renvoi. Dans la mesure où les algorithmes détectent la productivité des employés, lorsqu’elle n’est pas atteinte l’avertissement est automatisé et couvert par un avocat de l’entreprise. Cette course à la productivité pousse certains employés à ne plus même faire de pause réglementaire de peur de voir leur rentabilité baisser. Et lorsque la rentabilité voulue est atteinte par un nombre significatif d’employés, elle augmente d’un cran ! Bienvenue dans ce monde du progrès de la robotique et de l’Intelligence Artificielle tant célébré chaque jour par ses pompiers pyromanes médiatiques, Amazon n'étant que la partie émergée de l’iceberg de l’ultralibéralisme formatant petit à petit les employés comme des robots !

Qui plus est, le géant du "Cloud" (univers virtuel) veut aller plus loin encore dans le secteur de l’Intelligence Artificielle. En attendant de conquérir l'espace comme son "concurrent" Elon Musk*², il ne cache pas son intention d’assurer un jour les livraisons de ses produits par les airs  au moyen de drones. Exit les livreurs et leur coût exorbitant, en tout cas pour la plupart des colis, qui sont petits. Quant au respect de l'environnement, l’entreprise, souvent épinglée par ses salariés à travers le monde pour ses bas salaires et ses pénibles et low-cost conditions de travail, voit les invendus ou les retours de produits représenter une incroyable pollution rapportée au volume traité. Ce sont 3 % des produits qui finissent "à la benne" (en France, cela représente plus de 3 millions de produits détruits sur les neufs premiers mois de l’année)…

Enfin, la protection des données reste un point sensible, en particulier au travers d’AWS (Amazon Web Services) qui met un nombre impressionnant d’entreprises (ainsi Netflix, Waze de Google, etc..) entre ses mains grâce à la puissance de ses serveurs*³… Amazon domine bel et bien ce nouveau monde !

Cf. Conscience du XXI° siècle.

Cf. Symbolisme et artifices de la Matrice.

*³ C'est ainsi que la guerre est déclarée depuis qu’Amazon par l'intermédiaire de son offre Prime Vidéo s’est jeté en 2016 dans la bataille du VOD (Video on Demand), avec désormais une vraie concurrence et une bataille rangée des catalogues et des prix (Apple avec sa plateforme "Apple TV +", Disney avec "Disney +", HBO Max (Warner), Peacock (NBC Universal), Salto (TF1, France Télévision et M6), OCS, Canal + Series... Si Netflix reste le leader historique (2007) pour le moment (57% du marché avec 7 millions d’abonnés en France, 167 millions d’abonnés dans le monde, chiffre d’affaires se situant à 5,5 milliards de dollars), Amazon Prime Video est déjà second avec 22%) !

 

Des "licornes"

La nouvelle doxa entrepreneuriale française du gouvernement est la construction du "Next 40", soit l'équivalent du "CAC 40"* pour le classement des entreprises de la "Frenchtech", des start-ups tricolores en pleine croissance. S'il ne s’agit pas (encore) d’une cotation boursière, il s’agit de valoriser ces entreprises pour en faire des licornes, autrement dit des entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars, tels l'américaine WeWork (loueur d'immeubles de bureaux dans un état d'esprit cool !) ou le conglomérat japonais SoftBank (qui comme mécène vient de la reprendre en 2019 pour 8 milliards de dollars) qui ont escroqué les investisseurs de milliards de dollars*², se révélant être comme beaucoup d'autres des entreprises absurdes et destructrices de capital... Pour ce faire, un réseau de correspondants dans l’administration a été constitué comme "facilitateurs", avec un engagement des institutionnels français à hauteur de 5 milliards d’euros pour, entre autres, permettre par un "French Tech Visa" le recrutement de talents venus d’autres pays. Se trouvent d'ores et déjà dans la liste des 40 les grands noms du secteur en France, comme Blablacar, Deezer, Doctolib, OVH, Voodoo. 
Nonobstant toutes ces belles promesses, la réalité est que notre époque est pleine de chimères. Nous croyons sottement que chaque gamin encore plein d'acné abrite en lui un Uber ou un Snapchat qui le rendra milliardaire avant son 30ème anniversaire, et que les nouvelles technologies amèneront un flot inépuisable de nouvelles entreprises profitables... tout comme que les autorités monétaires nous fourniront en liquidités jusqu'à la fin des temps. Doux rêveurs béats que nous sommes...

* Indice représentatif de l'économie nationale, principal indice boursier de la Bourse de Paris.

La société WeWork a levé 17 milliards de dollars auprès des investisseurs (sa valorisation boursière a été jusqu'à 47 milliards à son entrée en bourse), mais l'argent a fui goutte à goutte... avec près de deux milliards de dollars de pertes rien que sur 2017-2018. Il lui manquait la seule chose qui rende ce type d'entreprises profitables : des baux de long terme fiables avec des locataires sains. Son effondrement n'est pas sans rappeler le début de la crise des subprimes, qui découlait elle-même de la pratique du " private equity " (signifiant en traduction littérale Fonds Propres Privés), soit l’activité d'institutions financières ou fonds d’investissement qui investissent en capital ou fonds propres dans des sociétés non cotées en bourse, souvent en faisant n’importe quoi (jeunes "pousses" absolument pas rentables ou avec des modèles économiques très douteux).

 

Réalité financière du chômage

Sur les chiffres 2016 la DARES (direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques qui dépend du ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social) a réalisé un travail complet sur l’indemnisation des chômeurs. A fin septembre 2016, parmi les 6,7 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégories A, B, C, D ou E et les dispensés de recherche d’emploi (DRE), 4,2 millions (64 %) avaient un droit ouvert auprès de l’Assurance chômage ou de l’État. Ils sont dits indemnisables : 86 % l’étaient par une allocation d’Assurance chômage, et 14 % par une allocation financée par l’État. Au 3° trimestre 2016, en moyenne 75 % des indemnisables par l’Assurance chômage ont été indemnisés. Les 25 % restants n’ont pas perçu d’allocation, notamment en raison de revenus d’activité trop importants pour cumuler salaire et allocation.

En septembre 2016, les personnes indemnisables par l’Assurance chômage tout au long du mois et indemnisées percevaient en moyenne une allocation de 905 euros net, un quart percevait moins de 535 euros net et un autre quart plus de 1 090 euros net. Les personnes indemnisées par l’État percevaient, quant à elles, en moyenne une allocation financée par l’État de 475 euros net. Trois quarts d’entre elles recevaient le montant forfaitaire maximal de l’allocation de solidarité spécifique, de 488 euros net.

 

Les illusions perverses des récompenses extrinsèques

 

Les entreprises ayant adopté la restructuration et la rétribution selon les résultats comme principes d'une indispensable et réaliste modernisation ont fragilisé la valeur emploi, soupape de la confiance et de l'engagement, déséquilibré la pyramide générationnelle par la dévalorisation du principe de séniorité, et fragmenté le lien collectif par l'individualisation.

La mécanisation des récompenses extrinsèques - salaire, périphériques, statut- a entraîné nombre d'effets pernicieux, n'étant que superstitions sans fondement scientifique.

D'abord, les "hauts" rémunérations et statuts étant limités, ils ont pour corollaire automatique de limiter le nombre d'individus capables d'être motivés. La rétention culpabilisante par le "chantage à l'emploi" ne peut qu'accentuer le repli frileux et le désengagement.

Ensuite, lorsque le développement de l'économie et de l'entreprise cesse, la motivation basée sur l'espérance d'un meilleur salaire et/ou d'une promotion verticale diminue, et entraîne une accentuation de la fragilité de l'entreprise par le sentiment de punition ressenti. Apparaissent les syndromes de révolte, de colère, d’auto-justification et de résignation, dont le coût, rarement mesuré à sa juste valeur, pèse de façon conséquente sur la santé de l'entreprise.

Dans cette philosophie de la récompense ou du châtiment, l'évaluation individualisée, se voulant objective, impartiale et rationnelle, avec toutes ses dérives et limitations (motifs malhonnêtes ou pervertis, calculs détournés) contribue de son côté à un sentiment de discrimination, destructeur du travail d'équipe et générateur de tensions dans les relations hiérarchiques. Elle conduit trop de personnes à dépendre étroitement de leur supérieur et de leur entreprise, empêchant leur épanouissement existentiel, qui plus est lorsque certaines sont persuadées qu'en étant capables d'accepter sereinement des conditions difficiles sans se plaindre ni se débattre la chance finira bien par leur sourire.

Enfin et tout naturellement, l'ardeur à la prise de risques et aux idées créatives faiblit considérablement.

Le résultat global est la perte du plaisir et de l'intérêt trouvé dans le travail lui-même, ainsi que la faiblesse du sentiment de loyauté. Un travail qui devient par défaut ne peut que contribuer à la désagrégation de la relation de l'être humain à sa vie, avec ce qui en découle pour la bonne marche de l'entreprise.

 

Désacralisation de la fonction cadre

Lors d'un congrès des élus de la CFE-CGC réunis en congrès à Deauville (Calvados) en octobre 2019, a été dressé un constat sur l’encadrement qui ne "fait plus rêver", évoquant un "sentiment de démotivation" voire de "déclassement social" parmi les cadres. "Le métier ne fait plus rêver, et l’implication n’est plus la garantie d’une évolution personnelle. La reconnaissance et la considération pour la prise de responsabilité s’estompent devant les contraintes, la charge mentale et la solitude que génèrent ces responsabilités" ajoute le document. "L’exigence d’une conciliation réelle entre la vie personnelle et la vie professionnelle conduit à des refus de plus en plus fréquents de salariés ou d’agents pour prendre des responsabilités nouvelles sans aménagement concerté".

Les gens étant bien plus intelligents dans leur majorité que ce que pensent les "élites", cela fait bien longtemps que cadre est devenu un emploi de séide de l'hydre boursière, autrement dit de la boussole actionnariale. Si l'habillage du bâton (ou fouet) passe par le marketing managérial du politiquement correct - le positivisme managérial -, la réalité est que ce n’est qu'une carotte attachée à la ficelle d’un bout de bois que l’on accroche au dos de l'encadrant, avec d'incessantes promesses sous réserve (faire ses preuves ou faire grandir ses compétences managériales pour être augmenté l’année prochaine, avant que la réorganisation de la réorganisation précédente et les enveloppes budgétaires gelées ne la repoussent…). Il n’y a en fait rien de plus subversif que de ne plus être volontaire pour jouer le faire valoir caution des psychopathes à la tête des pyramides*…

* Cf. Le modèle pyramidal décodé & Les psychopathes qui nous gouvernent.

 

La fable de l’humain au cœur du projet

 

Subtil accommodement de ce nouveau code de la route, l’humain a été placé au cœur du langage de communication, oral comme écrit, explicite comme implicite. La dénaturation du sacré voient les manageurs professer leur foi, exercer leur liturgie et dédier leur sacerdoce au service des chartes de valeurs bien pensantes érigées, à partir d’un jargon se voulant résolument positif (culture projet, lien social, développement durable, promotion de la diversité, l’individu au cœur du projet...). Les chefs du personnel d’antan sont devenus au fil de l’eau des directeurs et directrices du personnel, puis des relations humaines et/ou sociales, avant de se parer du label de ressources humaines ou, plus pragmatique, du capital humain. S’ils et elles martèlent qu’encadrer c’est guider, accompagner, encourager, ils comme elles ne font que gérer et exécuter les directives d'un board ou d’un directoire sous pression d'actionnaires peu visibles. Douce schizophrénie…

Les manageurs de proximité, les N+1, autrement dits cadres de proximité directs, ou N+2, ceux étant juste au-dessus, sont quant à eux chargés du fonctionnement de l'organisation et du cadencement du travail. Leurs méthodes, détournées trop souvent de toute considération humaine, se veulent chirurgicales, froides, sans état d’âme. Elles sont basées sur la méthode de la carotte et du bâton, les récompenses extrinsèques et les châtiments. Elles sont en quelques décennies devenues une des causes essentielles des troubles psychosociaux, sources de nombreux traumatismes, jusqu’au suicide du salarié, ce dégât collatéral d'un management qui n'aurait pas compris ou su faire comprendre le message de l'entreprise.

Tous ces cadres sont devenus les exécutants de méthodes venues d'ailleurs, comme le management par projet où, sans préparation et sans réel pouvoir si ce n’est la bonne volonté au départ puis la ruse politicienne, la recherche théorique de coopération bénéfique entre équipes se traduit par des guerres de tranchée et des confrontations à enjeu de seule survie existentielle. Cet ailleurs ? Des cabinets en conseil stratégique comme de la recherche universitaire, payés à prix d’or pour toujours et encore repousser les limites de l’acceptable dans cette course à la rentabilité, à la compétitivité, à la productivité, dédouanant au passage leurs prescripteurs. Après le taylorisme, qui sépara les activités manuelles et intellectuelles, le fordisme, qui encouragea le travail à la chaîne, le toyotisme qui fit la chasse au temps perdu, nous sommes parvenus au lean management, qui met à contribution tous les acteurs pour éliminer les gaspillages réduisant l'efficacité et la performance.

La conscience bien anesthésiée par l’action conjuguée du formatage et du bourrage de crâne, les cadres se doivent d'appliquer la méthode du moment retenue, théorisée et déguisée pour sa bonne ingurgitation sous le vocable de " challenge ". Méthode en phase avec le moule éducatif générationnel aux commandes, puisque la prime à la jeunesse triomphante prévaut sur le senior usé, pressurisé, et peut-être en passe de revenir de ses illusions passées. Et qu’importent le manque d’expérience et l’absence de confrontation avec la réalité de l’entreprise, puisque l’illusion du verbe, du diplôme et du réseau constitué sert de sésame au jeu de dupes orchestré. L’arrivée de ces jeunes formatés des grandes écoles, purs produits d’une culture de la norme, avec l’arrogance de leur tête dite d’élite forcément bien faite, en tout cas bien pleine, leur permettant de s’en affranchir sans état d’âme pour le plaisir de la transgression – la norme étant faîte pour les autres –, sûrs d’eux-mêmes, de leur compétence comme de leurs bons droits, n’a fait qu’accélérer le processus en quelques décennies.

 

Décryptage du jargon managérial

Le phraser de la vie d’entreprise apparaît pour grande partie déconnecté de la pratique oratoire de la vie courante, mélange d’anglicisme suggestif, de lyrisme hypnotique et de sabir ambivalent. Nicolas Boileau (poète, écrivain, 1636 – 1711) pourrait aisément brocarder à l’encan certains esprits pour leurs peu claires pensées, en leur suggérant que " Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ", ou encore que " Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain. "

Si l’entreprise n’est bien sûr ni un lieu de poésie ni un refuge d’écrivains inspirés, elle ne gagne rien à manier un langage idéologique " techno verbeux ", qui à trop vouloir concilier vocabulaire managérial, intention cachée et incantation vibrante, entraîne confusion, incompréhension et affaiblissement de la pensée, carburant essentiel de la manifestation du génie humain. Entre langue de bois, langue diplomatique et langue artificielle qui n’engagent que ceux qui les croient, les explications du lent mais sûr décrochage des acteurs du terrain sont en partie trouvées. Cette déshumanisation du langage au profit du concret, du désincarné, du synthétique et du " packagé " conduit à ne plus toucher au cœur l’auditoire visé, et si le seul mental raisonné est visé, il ne faut s’étonner d’un résultat aux accents désenchantés.

Entre la description d’une vision se voulant sinon idyllique en tout cas idéale pour des raisons promotionnelles (les valeurs, l’importance des hommes, l’esprit d’équipe…) et la suggestion comme la déclamation du plan d’actions à même de produire les résultats escomptés, l’entreprise vit sur l’image d’un esprit de groupe très déconnecté de son vécu quotidien. Celui-ci mesure en temps réel l’écart entre le verbe et le vécu, très souvent aux écarts conséquents (tensions relationnelles, manque de moyens…), qui ne peut qu’entraîner un discrédit de l’intention initiale, aussi sincère pouvait-elle être par ses artificiers promoteurs, au rang desquels DIRCOM et DRH se partagent souvent la timbale.

D’aucuns y verront une posture assumée, afin de sacraliser ce qui appartient au haut de la pyramide, et qui ne peut être qu’imparfaitement compris par la piétaille d’exécution. Ceci offre l’apparent confort en cas d’échec de l’explication " Ils n’ont pas compris mon intention. ", et surtout tactiquement d’ouvrir le champ de tous les possibles, dans leurs aspects positifs comme négatifs : la promotion des synergies masque les économies de postes, tout comme les plans de progrès des optimisations drastiques. Seul problème, c’est qu’une fois le décodage de l’ambiguïté fait à l’aune du constat, la parole est irrémédiablement désacralisée, même si elle n’éteint pas la tentation d’une logorrhée caractéristique de l’exercice du pouvoir.

Il est également étonnant que dans un pragmatisme d’entreprise revendiqué par ses promoteurs, la tentation d’édulcorer et de lisser finisse toujours par prendre le pas sur le parler vrai, considéré comme pouvant choquer des esprits insuffisamment matures et responsables à le recevoir. Piètre traduction de l’esprit d’équipe et du respect de l’humain tant déclamé dans les chartes d’entreprise… Comment s’étonner ensuite que ce déni de confiance se traduise par du désengagement et la propagation d’interprétations diverses de la parole reçue, destructrice du sens commun par les rumeurs et autres dénaturations.

On peut se gausser de l’inventivité sans limite de ce jargon s’il n’était aussi attentatoire à ce qui fonde la raison d’être première de l’entreprise, une communauté humaine engagée de façon responsable à la réalisation d’un intérêt partagé. Comment ce dernier peut produire au mieux ses effets quand l’association étroite de deux mots de sens contraire, autrement dit l’oxymore, est utilisée pour renforcer une idée, alors qu’elle ne peut dans l’inconscient des acteurs que participer de la confusion des esprits : développement durable, ressource humaine, économie virtuelle, gagnant-gagnant, union dans la diversité, changement dans la continuité… en sont des exemples. Confrontée à ses contradictions, l’entreprise finit par les absorber en les dissolvant dans ces figures de style se voulant élégantes, permettant de satisfaire tout le monde, et de noyer le poisson, de retarder la décision, d’éviter le moment de trancher. Confinant plutôt à l’escroquerie ou à l’inconséquence intellectuelle, ils ne font que révéler la schizophrénie d’une époque tiraillée entre l'envie de poursuivre la logique de l'économie triomphante et la prise de conscience du risque porté à la qualité de notre écosystème, même si ce genre de ruse sémantique a également des vertus diplomatiques et peut parfois permettre de faire bouger les lignes.

Autre technique, l’incantation sublimée, qui par son exagération grandiloquente, masque la culpabilité inavouée et confine à l’absurde, à la manipulation, à l’irresponsabilité : L’homme doit être au centre de tout, ou la difficulté de trancher et de concilier le client et le collaborateur; Tous manageurs, ou le brouillage de l’autorité et de la hiérarchie; l’appel à des collaborateurs engagés, ou le pendant du désengagement structurel nécessaire; Priorité au terrain, ou le mythe de la vraie vie versus le paradis artificiel de la tour d’ivoire pour lequel on se bat; La quête de sens, ou la cosmétique du vide existentiel; Bâtir une nouvelle culture, ou le déni de la vraie culture censée rendre l’être humain vraiment libre…

La faillite de la parole managériale n’est ni plus le moins que l’expression de la faillite d’une pensée bâtie sur un vide existentiel profond, comparable aux boniments de la pensée politique partisane. La structure prenant le pas sur le cœur, ses théoriciens et propagandistes imaginent suffisant le verbe galvaniseur pour transcender la masse, tout en enferrant celle-ci dans un contrôle castrateur, de peur de ne pas en maîtriser le comportement. Pathétique paradoxe devenu exsangue, à bout de sa crédibilité, et qui finira par imploser lorsque le bas de bilan ne pourra plus en masquer le coût mortifère.

 

Manager par les valeurs, ou l’illusion de la "bien-pensance" en entreprise

En ces temps particulièrement troublés sur les terrains politique, économique et social, l’appel à la mobilisation citoyenne passe par l’agitation et l’incantation de valeurs à connotation patriotique censées participer de la prise de conscience comme des comportements attendus par ceux et celles qui les brandissent. Les penseurs des cabinets ministériels comme de conseil s’en régalent, tout comme les DirCom, DRH et autres théoriciens du beau discours à usage du dirigeant régalien. Pour quelle crédibilité ?

Entre culture d’entreprise, principes de management et valeurs, le flou est plus qu’artistique sur ce qui les spécifie dans la quête du résultat attendu auprès de ceux et celles à qui ils s’adressent. D’aucuns les qualifient de platitudes, mots d’ordre et slogans, tartufferies sémantiques, propagande, idéologie, manipulation, atteinte à la conscience et à la liberté individuelle, non sans pertinence et raison. Car la distance est forte entre le monde idéal et rêvé qu’elles brossent et la réalité perçue car vécue par les acteurs de l’entreprise, parfois porteuse de souffrance. D’où un discrédit à l’égard de cette forme de cynisme de langage, suscitant au mieux indifférence, au pire défiance à défaut de comportements effectifs.

On trouve à leur palmarès l’innovation, avec son pendant moins proclamé de règles et de procédures ; l’esprit d’équipe, qui sous-tend la coopération et sa réalité d’un vécu plus proche de la confrontation (à laquelle bien sûr l’équipe dirigeante échappe dans son propre mode de fonctionnement…) ; l’engagement, sous-tendant de tout donner tout en acceptant que le marché comme le mode de fonctionnement de l’organisation ne récompensent pas dans les faits le surcroît d’ardeur donnée ; le respect, à concilier subtilement avec la conflictualité des relations interpersonnelles et les modes d’évaluation individualisés ; et bien sûr le travail, fourre-tout culpabilisant pour ceux qui n’en ont pas ou plus, et aliénant pour ceux qui le subissent à leur détriment ou qui s’y adonnent éperdument sans en avoir compris l’essence profonde*.

Les valeurs relèvent plutôt du masque entretenu dans un lieu d’expression devenu désenchanté pour nombre de personnes en quête de réalisation de leur vie. À chercher à donner du sens là où ontologiquement il ne peut être pour l’homme, les communicants d’entreprises finissent par creuser le décrochage irrésistible avec des équipiers convaincus intérieurement qu’ils ne pourront jamais y trouver leur véritable salut. Pour quelques-uns qui s’illusionnent encore sur la noblesse, l’altruisme et la dynamique de réalisation dans le travail, une majorité comprend que si ce dernier peut participer de la réussite d’une vie, le véritable accomplissement est tout autre. Aussi ce cautère sur une langue de bois n’est qu’une piteuse litanie de recherche d’adhésion à ce que la structure, quelles que soient les intentions sincères de ses serviteurs titrés, ne pourra jamais garantir, tout particulièrement dans la durée, à la diversité des singularités biologiques qui la composent. L’illusion d’un langage d’alignement mécaniste et généralisé de l’humain traduit l’incompréhension croissante entre des machinistes aveuglés et des acteurs aspirant à leur liberté d’expression comme de création. S’ils n’ont d’autre choix en l’état que d’une contractualisation de leur dépendance et subordination, autant ne pas en rajouter dans la recherche d’un formatage uniforme de la pensée à partir de pseudo valeurs prétendues intangibles. Sous couvert d’incantation angélique, ce n’est en réalité qu’une injonction hiérarchique moralisatrice, simpliste et contre-productive, s’étant fourvoyée une fois encore dans l’illusion que l’impulsion déclamatoire pouvait conduire à la réalisation des résultats attendus.

La préoccupation du dirigeant doit être la nature de la stratégie à mettre en œuvre. Ses modalités passeront par des comportements de ceux et celles qui la réalisent, et ce n’est qu’à l’obtention des résultats que l’on pourra les traduire en valeurs. Auquel cas elles seront devenues partie intégrante dans le vécu collectif. Ce qui veut dire que leur légitimité réside dans la confiance en l’intelligence de fonctionnement des acteurs, l’intelligence d’agir, émancipés (pour partie) du cadre contraignant des normes, règles, procédures et autres consignes, pour trouver les solutions aux objectifs définis. Tout l’inverse de ce qui est généralement pratiqué par la rhétorique managériale de l’intérêt général, nourrie d’apparente rationalité déconnectée des réalités du terrain.

Ce n’est que dans cette façon de vivre ensemble l’entreprise que l’innovation, l’esprit d’équipe, l’engagement et le respect seront devenues les valeurs communes partagées.

* Le travail n'est ni une valeur économique ni morale. Il est en revanche porteur de valeurs, comme l'amour du travail bien fait. Il permet à ses talents et habiletés de s’exprimer dans la joie et le plaisir, contribuant à son bien-être. Aussi aimer son travail lui confère de la valeur, d’autant plus s’il est synonyme de progrès personnel et collectif.

Cf. Ray B. Williams, "What do corporate values really mean? "; "10 valeurs essentielles : les incohérences de l’entreprise française", Courrier Cadre n°36; Philippe Askenazy, "Les désordres du travail. Enquête sur le nouveau productivisme", Ed. du Seuil; Edward J. Giblin & Linda E. Amuso, "Putting meaning into corporate value", 1997; Michel Crozier, "Le phénomène bureaucratique".

 

L’humain comme variable d’ajustement

 

"Ressource humaine", autrement dit variable d’ajustement. On ne discute pas avec une ressource, on la gère ! Tout peut alors être cohérent, aligné, standardisé. On ne dirige plus les individus vers un but, on les gère. Cette notion de ressources humaines, qui devrait se limiter au savoir-faire et au savoir-être de professionnels avertis de la fragilité du vivant, a franchi tous les étages de la hiérarchie. Désormais tous manageurs RH ! Les relations entre les personnes sont des processus de communication permettant de distiller l’ordre du travail. La gestion des ressources humaines n’est plus que l'application de formules techniques en gestion d’activité, matinée d’une rhétorique et d’un vernis pratique de sciences humaines et sociales pour faciliter son ingurgitation et préserver les apparences. Sous la pression des règles du jeu de l'économie nouvelle, le management est devenu un vrai métier, et non plus une fonction. Les écoles de management comme les universités d’entreprise produisent ces soi-disant experts de la performance, ce veau d’or adulé qui étouffe la valorisation des talents, dons et habiletés, qui écrase l'expérience, qui distend le lien social, qui déshumanise et dévitalise, sous couvert de positive attitude et ses artifices déclinés en mentorat, tutorat, coaching et autre sémantique de poudre aux yeux.

Progressivement la voie promotionnelle, ascenseur social par excellence, a été remplacée par les produits de ces écoles dites de management capables de transformer n'importe quelle personne motivée en manageur discipliné. Avec ses conséquences pour le travail. Son encadrement et sa conduite par les normes et procédures tend à le robotiser et à en bousculer le sens véritable. La check-list et le mode d’emploi, bien sûr nécessaires à certains endroits, peuvent remplacer l’intelligence, la faculté à penser et à innover du travailleur dans d'autres. Quant au respect du protocole défini, il se substitue trop souvent à la notion de qualité du travail et de sa valeur-ajoutée. Si les étapes du travail, ainsi organisées par ces nouveaux manageurs, sont scrupuleusement respectées, alors le travailleur est classé sur la bonne voie. Il est soumis, donc conforme, donc apprécié, en tout cas ponctuellement légitime. L'évaluation individuelle des performances, et non plus du travail, sacralise ainsi sa conformité en le bordant d'un contrat d'objectifs pour plus d'assurance. En l’occurrence, la performance n'est pas la bonne exécution du travail, mais l'art de faire toujours plus avec toujours moins.

Dans cette réalité d’entreprise, il n’y a pas de place pour l’objection, la contestation. La seule option est de se taire et de se soumettre, ou de partir.

 

Conduite du changement, ou l’illusion de la nouvelle réalité espérée

Enfermé trop souvent dans une tour d’ivoire conceptuelle, propre au formatage de la pensée par le mental plus que par le cœur, et convaincu que la fonction légitime le savoir de son titulaire, le dirigeant mesure en permanence le décalage entre l’intention du nécessaire changement qu’il déclame, et sa traduction dans les comportements des acteurs auxquels elle s’adresse. C’est pourtant son acte de vente principal, à destination de ses actionnaires, investisseurs, analystes, clients, fournisseurs et corps social, et qui fonde sa responsabilité. Oubliant que le changement est dans la nature même de la vie, et que le respect de ce qui le rend possible en favorise la bonne réalisation, il met en surtension par son volontarisme incantatoire ce cycle naturel de tout organisme dans son adaptation à l’environnement, à condition qu’il s’y retrouve. Qui plus est par un discours culpabilisant sur le poncif de la résistance au changement des frileux, des réticents et autres corporatismes de tout poil, voire de la fracture générationnelle entre "anciens et modernes". Tout ceci ne fait que rajouter à la friction naturelle des éléments lorsque l’harmonie ne préside pas au fonctionnement de l’ensemble. Non que certaines résistances délibérément orchestrées ne soient pas fondées : mauvaise volonté, craintes d’un futur différent de l’existant, inertie d’un système ankylosé... Mais parce que la méthode employée va tout simplement à l’encontre du bon sens.

Ce dernier nécessite tout naturellement en premier lieu la compréhension en profondeur de la donne en place. C’est un tri judicieux à faire entre les pseudos solutions toutes faîtes – les sparadraps ou cautères - pour résoudre les difficultés rencontrées dans le fonctionnement, et la compréhension du réel problème dans son origine pour y apporter la réponse adéquate. La promesse d’un grand chambardement calé sur la résolution des problèmes fonctionnels, et donc relationnels, de l’existant n’est en effet qu’une illusion, appelée au passage à faire la fortune des conseils extérieurs réparateurs, alors que l’analyse dégagée des apparences, des anecdotes, des cas particuliers, des jugements à l’emporte-pièce et des projections accusatoires, permet en détricotant le fonctionnement de l’organisation d’en comprendre le pourquoi des nœuds toxiques. Sur les symptômes apparents, tout le monde a son avis, forgé à l’aune de ses convictions, interprétations et fantasmes. Sur la nature profonde du dysfonctionnement, dégagée de l’émotionnel, le regard doit être tout autre : quelle structure est nécessaire pour quel objectif marché, et ensuite quelle organisation en permet la réponse. Si cette dernière dysfonctionne, c’est que la stratégie des interrelations mise en œuvre ne répond pas à la première donne, soit parce qu’elle est incomprise, soit qu’elle est dépassée. Aussi la récolte des données ne peut se faire à partir de l’interrogatoire des acteurs concernés, chacun traduisant une vision forcément parcellaire même si elle est de bonne foi. Et si les réponses apportées ne sont que des sparadraps superficiels, le résultat final sera particulièrement salé, en coûts de traitement inutiles et en renforcement du discrédit.

En second lieu, la méthode porte sur la conception du plan d’actions défini. Loin d’un perfectionnisme dans son résultat attendu, certes séduisant dans l’ambition affichée mais irréaliste dans sa faisabilité, il portera sur l’étude et la détermination des équilibres et des compromis permettant à chaque partie concernée une mise en mouvement la plus fluide et la plus cohérente. C’est un travail certes plus ingrat, contraignant et complexe que l’illusion d’un alignement automatique à la chaîne de commandement y présidant. Si toutes les parties concernées ne sont pas associées en amont à identifier et comprendre pour ce qui les concerne les conséquences et nécessités du changement visé, celui-ci se traduira inévitablement par l’émergence de dysfonctionnements et de contraintes, polluant le vécu humain comme le bénéfice de l’opération initialement escompté. L’illusion du but à atteindre, au-delà de sa séduisante perspective, aura conduit à une profonde dénaturation de ce qui seul en permet la réussite, les gains tangibles de chaque partie prenante et partagés à l’unisson.

En dernier lieu, la méthode s’appuie sur des leviers à même d’en favoriser la mise en œuvre, décisive quant à l’efficacité ou non du changement escompté. Ainsi l’écoute du terrain et de ses pratiques est à ce sujet fort instructive, et peut moyennant quelques ajustements être bien plus source de bénéfices qu’un changement plus radical. Nul leader quelle que soit sa brillance dite intellectuelle ne pourra prétendre maîtriser toute la complexité des rouages et des interrelations de l’organisation, encore moins en voulant imposer sa feuille de route. Il ne peut que s’y épuiser, se décourager, et être dans la souffrance constante. Pour les leaders guerriers, c’est un défi qui flatte un égo surdimensionné ne pouvant que s’exprimer dans la bataille, la victoire s’avérant au final stérile sur bien des plans. Pour les autres, c’est une longue dérive vers la perte d’estime et de confiance, venant gonfler les victimes de l’épuisement au travail. La clé est dans l’accompagnement constant, par prévention si possible, de ce mouvement permanent qu’est le fonctionnement biologique de l’humain, débarrassé de l’illusion d’un perfectionnisme qui n’est pas de ce (bas) monde. L’accepter, c’est en accepter par principe ses aléas, ses défauts, ses limites, et c’est avec amour et compassion se dédier à aider les équipiers à ce travail d’ajustement, par petites touches, qui permet d’atténuer ce mal-être individuel comme collectif quand il prend racine sur le non-sens.

Cf. François Dupuy, "La Faillite de la pensée managériale", Ed. du Seuil, 2015; Edgar Schein, "Process Consultation : Lessons for Managers and Consultants", 1987; Christian Morel, "Les Décisions absurdes, Sociologie des erreurs radicales et persistantes", Gallimard, 2002 ; Erhard Friedberg, "La Théorie des organisations et la question de l’anarchie organisée", PUF, 1997; John P. Kotter, "Leading Change", Harvard Business Review Press, 2012.

 

L'Intelligence Artificielle recrute, levier du grand plan de remplacement en cours...

La main sur le cœur, ses chantres en vantent l'efficacité au service de l'entreprise confrontée au nombre parfois conséquent pour les plus renommées de CV reçus, qui peuvent passer un temps considérable à les traiter ou doivent payer cher des cabinets qui vont leur facturer un temps tout aussi considérable à opérer le tri. Ils se veulent rassurants, considérant que la patte ou griffe humaine version animale demeure... Bel aveu de culpabilité ! Car ses algorithmes qui s’imposent sans coup férir conduisent à une cascade de dégâts dans le traitement mécanisé de ces CV de par leur absence totale d'intuition, limite d'incapacité cognitive oblige... Il en est de même avec l'appel aux systèmes sophistiqués des entretiens vidéo, voyant les candidats se connecter chez eux sur une plateforme et être enregistrés par vidéo en répondant à quelques questions. L'IA, comme celle de Hire Vue (USA) pionnière dans le domaine ou Easy Recrue, une société bien française, va alors analyser ces entretiens selon leur modèle établi, c'est-à-dire analyser le langage à travers les mots utilisés, la  richesse du vocabulaire, le rythme et le phrasé. La version américaine va encore plus loin, utilisant les expressions du visage pour connaître le degré de stress et/ou de sincérité du candidat. En dehors du fait que cette dernière analyse se révèle peu fiable sur les individus à peau foncée, cette "déshumanisation" propre à une fin de cyclicité civilisationnelle* a des effets particulièrement pervers, puisque derrière la conception de l'IA se trouvent des "humains" qui ont leurs propres "filtres", leurs propres "biais" cognitifs, nourris de leurs névroses sinon psychoses. Et comme ils n'ont pas réalisé leur individuation qui leur aurait empêché de se mettre au service de la robotisation des esprits, ils sont bel et bien les relais inconscients du système prédateur asservisseur...

Quant aux "recruteurs", qu'ils soient en entreprise ou en cabinet dédié, ils vont donner des critères d’évaluation basés sur les talents considérés comme "modèles", c'est-à-dire comme subordonnés parfaits. Autant dire qu'ils conduisent à reproduire, pour ne pas dire "cloner", des profils d’employés dédiés à la poursuite du modèle asservisseur*²...

* Cf. Prophétie du changement.

Cf. Compréhension structurelle de la Matrice asservissante.

 

Les loups s'entredévorent

La plupart des banques sont désormais engagées dans des plans de réduction d’effectifs, étant confrontées à la même digitalisation de leur métier et de leurs activités. Ils sont estimés à plus de 44.000 postes en Europe selon les annonces faîtes depuis le début de l'année 2019 par au moins dix banques européennes (Société Générale, BNP Paribas, Barclays, HSBC, Deutche Bank et Commerz Bank, Caixa Bank, Unicredit... cette dernière étant en passe de supprimer 8 000 équivalents temps plein). Cette digitalisation s’accompagne logiquement d’une migration des clients vers les sites de banque en ligne pour les opérations quotidiennes et une réduction de la taille des réseaux d’agences physiques, ces dernières étant appelées à gérer "simplement" les problématiques patrimoniales complexes.

Quant à la tentaculaire britannique HSBC (235.000 collaborateurs), elle envisage de supprimer 35 000 emplois dans le monde à travers une vaste réorganisation en trois ans, des cessions brutes de 100 milliards de dollars d’actifs, une réduction de sa banque d’investissement et une refonte de ses activités en Europe et aux États-Unis. Engrangeant l’essentiel de ses revenus en Asie, la banque est confrontée à de multiples défis : ralentissement de la croissance de ses principaux marchés, faiblesse des taux d’intérêt, conséquences du Brexit et de l'épidémie de coronavirus.

En France, la Caisse d’Épargne a annoncé qu’elle allait recruter des banquiers en… auto-entrepreneur ! Remarquable retour du paiement à la tâche. Un progrèèèèès social, qu’il convient de saluer comme tel en remerciant nos mamamouchis*  de la piécette lancée dans nos écuelles de mendiants.

* Nom burlesque dont s'est servi le dramaturge Jean-Baptiste Poquelin dit Molière (1622/1673) pour donner une dignité turque à son bourgeois gentilhomme. Par extension, se dit en dénigrement des hauts dignitaires dont on veut faire ressortir l'air d'importance ou d'arrogance.

 

La souffrance comme viatique au travail

 

Dans cet espace restreint de procédures descendantes et de directives éloignant le travailleur de la réalité du travail qu'il maîtrise, l’entreprise est progressivement devenue un monde de souffrance pour le plus grand nombre. Même ses apparatchiks zélés et dévoués, si forts en apparence, souffrent, tenus par la peur inconsciente d’être un jour destitués, et, pire, dans leur essence la plus profonde, rongés par leur négation d’être dans leur version la plus élevée.

Le salarié est une source de profit ou de perte, une variable d’ajustement lissant toutes les crises et les incohérences décisionnelles. Si le stress est une énergie précieuse lorsqu’il sert la dynamique d’investissement, il s’avère être un carburant qui alimente la machine à broyer les hommes et les femmes lorsqu’il répond à des craintes et des peurs. Ce totalitarisme, masqué par le culte à la "saine" doctrine managériale enseignée et célébrée, cachée par son marketing de façade résolument verbeux et fumeux, est la nouvelle parure de sociétés dites pourtant démocratiques : un salarié pièce mécanique d’un rouage exclusivement dédié au culte financier, système compétitif par lequel tous les mécanismes de cohésion sociale sont détruits, où la communauté est réduite à l'état de masse inerte et indifférenciée. Ni plus ni moins qu’un endoctrinement idéologique, et son corollaire, la terreur, devenue moyen normal d'action.

Alors l’épidémie de souffrance, d’abord invisible, peut se répandre, lentement et sûrement, avec ses conséquences de plus en plus terribles. Le constat des cabinets de conseil dûment mandatés pour y répondre est sans discussion : toutes ces méthodes de gouvernement d’entreprise, de direction, de management et de gestion, d’organisation du travail, ont un impact majeur sur la santé mentale et la cohésion sociétale. Un management qui ne reconnaît pas au sens existentiel les aspects humains élémentaires produit des effets délétères, corrosifs, abrasifs, souvent irréversibles.

Et même si l’instauration désormais de dispositifs de mesures et d’efforts en faveur de la santé, de la sécurité au travail et de l’éternelle formation des manageurs à l’encadrement est mise en œuvre, la question de l’humanité nécessaire à l’accomplissement épanouissant du travail reste posée. Si les conséquences de cette forme de management sont incontestables dans leur réalité, peut-on le reprocher à ceux qui l'exécutent ? Dans un tel système, les DRH comme les cadres sont des outils, des outils de la performance, avec ses contrats d'objectifs et leur évaluation assortie de l'intéressement financier adéquat. Et lorsqu’un pourcentage conséquent de la rémunération dépend du respect des ordres et des objectifs assignés, il n'est pas nécessaire d’être grand devin pour en connaitre les conséquences.

En se coulant par ignorance et par inconséquence dans un contexte qui donne un autre sens à leurs actes, ils ne peuvent, même dotés d’une vraie colonne vertébrale morale, que s’aventurer dans un cadre aux conséquences amorales comme délétères. Il n’est pas nécessaire d’être le diable pour le devenir… La société étant une machine à consommer où les besoins relatifs sont devenus tout à fait insatiables, l’envie de toujours plus est une arme redoutable qui avilit les hommes. La société a créé en son sein son propre monstre, destructeur de son sens initial, pour avoir oublié que "la véritable école du commandement est la culture générale", dont la raison d’être est de contribuer à l’élévation de l’humain. Pour s’être donnée aux mirages de la conformité et de la spéculation virtuelle, elle en paie une note particulièrement salée. À l’ancienne lutte des classes s’en est substituée une nouvelle, insidieuse et informe : le retrait sans cesse croissant des personnes du travail comme élément constitutif de la dignité du vivre ensemble, dans la confiance et le respect.

 

De la servitude.

Il est difficile d’apprendre à penser par soi-même quand la société fait en sorte que nous soyons dans l’ignorance de nos droits fondamentaux, l’assistanat, la dépendance permanente et la pensée unique, là où le débat contradictoire est faussé, tronqué. Et pour cause : ce qui est perçu comme réel est ce qui est vu de manière identique par un grand nombre de personnes. Il suffit alors d’agir sur la nature de cette perception par la mise en place de "ghettos culturels" pour s’assurer la mainmise sur la pensée et de ce fait la conscience collective. Cette servitude est de ce fait plus ou moins consciente, comme l’exprimait Étienne de La Boétie (1530/1563), écrivain et poète, dans Le Discours sur la servitude volontaire en 1576.

Elle se voit quotidiennement dans le monde de l’entreprise : habité par la peur de perdre son emploi, de passer pour un élément atypique ou perturbateur, d’être mal vu par sa hiérarchie, de passer pour arrogant ou méprisant, de susciter la jalousie de nos collègues, de pointer les contradictions du système et de proposer des solutions, nous nous fermons à toute réflexion critique et prise d’initiative. Il en est de même par le cadrage de son comportement pour l’obtention des gains visés : augmentation, prime, actions gratuites, reconnaissance statutaire et autres attributs VIP… Enfin, les pratiques culturelles de gestion de l’humain visent à établir un moule normatif de nature protectrice, qui interdit tout désordre et tout esprit rebelle. Nous renonçons ainsi à affronter ou dénoncer les problèmes qui minent notre quotidien et le sens du travail de notre engagement professionnel : les directives confuses, les contradictions flagrantes entre le discours officiel ("notre entreprise traite ses partenaires équitablement") et les pratiques établies (fermer les yeux sur des défauts de qualité produit, payer ses petits fournisseurs dans des délais qui les mettent financièrement en péril…), les horaires excessifs au détriment de notre vie sociale, dont le présentéisme de zèle… Nous fermons les yeux, et acceptons l’emprise d’un moule étouffant et contraire à notre humanité profonde. Nous nous empêchons de penser, car penser serait trop dangereux, trop déstabilisant, trop source d’incertitude et d’inquiétude.

Penser en toute conscience est difficile. Il faut d’abord se confronter à soi-même, à ses complaisances quotidiennes, les petits arrangements et autres faiblesses de caractère. Puis se confronter à autrui : affronter son regard et la vérité parfois désagréable qu’il contient, mettre à l’épreuve ses arguments lorsque nous ne sommes pas d’accord, prendre le risque que l’autre se fâche quand on le questionne ou que l’on remet en cause son opinion ou son comportement. C’est enfin se confronter au collectif : le groupe et les jugements peut-être fictifs que nous lui attribuons en tant qu’entité abstraite, l’autorité de la hiérarchie, la culture d’entreprise et ses pratiques, les susceptibilités d’une communauté, les croyances de toute nature, etc.

Ceci s’appelle le discernement (du latin discernere, signifiant séparer, distinguer des cernements habituels ou apparents), qui crée l’autre comme nous-même de la manière dont "il" est discerné au plus juste. Dans nos rapports humains comme dans notre auto perception, nous créons notre réalité de toutes pièces par la nature de notre regard. Voulons-nous qu’elle soit une farce saumâtre ou une claire fontaine ?

Alors, quand on voit tout ce que cela nous coûterait en termes psychologiques, sociaux et matériels, on peut se demander - à juste titre - si penser n’est pas un luxe que nous ne pouvons-nous permettre, et s’il ne vaut pas mieux continuer à se soumettre volontairement à nos maîtres intérieurs (cupidité*, avidité, narcissisme, peur du jugement des autres, peur de la précarité...) comme extérieurs. Toutefois, l’être humain, à force de porter en lui contradictions et renoncements quotidiens, finit par en souffrir. Cette souffrance peut conduire aux tensions larvées comme explicites avec son environnement, à la révolte et son cortège de violences, à l’apathie, à la dépression, ou au retrait : fuite dans la démission dans le meilleur des cas, l’isolement, les drogues et autres paradis artificiels, voire le suicide dans le pire des cas. Parce qu’humains, nous sommes des êtres pensants, et cette faculté de penser est consubstantielle à notre liberté. Y renoncer de manière durable, c’est renoncer à son humanité. La pensée libre dans l’entreprise ne peut certes exister, mais la libre pensée oui. Dans la plupart des cas, hors urgences vitales, nous avons encore le choix et la liberté de nous poser le temps nécessaire, si possible avec les personnes concernées, pour partager une réflexion dépassionnée, mais sans complaisance et avec méthode, afin de mettre sur la table les problèmes trop longtemps négligés, et de leur réserver le traitement qu’ils méritent. Ce qui implique presque toujours un travail sur soi. Ce n’est qu’une question d’hygiène de vie mentale et sociale.

Si nous sommes si attachés à la liberté d’expression, pourquoi usons-nous si peu au quotidien de celle qui la sous-tend : celle de penser ? Certes la conscience collective permet la communication, mais elle rend difficile l’épanouissement personnel. Pour autant, une expression posée, argumentée et claire s’exprimera toujours plus clairement et plus facilement qu’une expression purement émotionnelle et réactive. Et elle a plus de chance d’obtenir des résultats durables en touchant le " sens commun ", cette raison que nous partageons tous.

* Si l’on retire tout jugement moral à cette inclinaison ardente de l’homme, la cupidité est l’attraction originelle et naturelle de la vie dans la matière, une force d’attraction due à la passion entraînante et dévorante des richesses de la Nature. Elle symbolise le pendant de la volonté, et à trop s’y soumettre, l’être humain perd en conscience et par là-même sa perfectibilité et sa capacité à s’extraire de la force aveugle des lois de causalité et passionnelle propres à l’animalité.

Cf. en complément Le modèle pyramidal décodé, Contrôle mental & La nouvelle religion universelle.

 

Comment prétendre dans ce mode de fonctionnement contribuer à écrire une légende ?

 

L’enseignement des mythes : Sisyphe, ou l’illusion de la souffrance, du fardeau de la fatalité

 

Sisyphe (père d’Ulysse), homme rusé et malin, se voit infliger par Zeus un châtiment éternel et exemplaire pour avoir divulgué des secrets divins. Il doit rouler un énorme rocher en remontant la pente jusqu'au sommet d'une colline, et le rejeter de l'autre côté pour qu'il retombe. Mais aussitôt qu'il est près d'atteindre le haut de la colline, il est rejeté en arrière sous le poids de l'énorme rocher, qui retombe tout en bas, et là, Sisyphe le reprend péniblement et doit tout recommencer, à l’infini.

Albert Camus (1942) y voit certes un homme heureux, qui tout en retrouvant toujours son fardeau, est fidèle à sa tâche, la lutte vers les sommets suffisant à remplir son cœur d'homme. Il endosse la responsabilité de son acte, vivant son destin en toute conscience et en toute maîtrise.

Acceptons-en l’augure. Pour autant, à l’heure d’une quête frénétique de bien-être proclamée et légiférée, la conscience et la maîtrise de son destin passent-t-elles nécessairement par la souffrance d’un effort sans fin sans cesse recommencé ? Ceci nous renvoie au concept de libre arbitre et, justement, la société fait en sorte que nous ayons peu de choix, ou en tout cas des choix encadrés et limités.

Depuis des siècles, l’être humain s’intellectualise à l’excès en se coupant du divin sacré. Notre époque constitue l’apogée de cette évolution, qui voit le fier affichage du quotient intellectuel au détriment du quotient émotionnel. Nous vouons un véritable culte à notre cerveau, tout particulièrement son hémisphère gauche, nouveau veau d’or des temps modernes. Comme lui, la performance intellectuelle nous éblouit et nous aveugle. Et pourtant, une lourde oppression se dégage de l’ensemble. Sécheresse intellectuelle, bourrage de crâne, froideur intellectuelle et compassionnelle, grosse tête, prise de tête… la cérébralité à outrance nous déforme et nous dessèche.

Si Sisyphe vivait en toute conscience, il aurait arrêté ce défi qui ne fait que nourrir son ego, puisque les secrets sont faits pour être découverts sur le chemin qui mène à l’Amour... Lutter n’est pas une énergie d’amour, mais de souffrance. La maîtrise est une énergie d’accueil de l’Amour. La maîtrise, c’est quand on fait quelque chose simplement, et qui paraît pourtant difficile pour les autres. La maîtrise , c'est la simplicité de son cœur, de son âme d’enfant. "Porter sa croix" n’est pas synonyme de souffrance, prix de l’expiation comme on l’a insidieusement distillé dans l’inconscient collectif. De façon ultime, la croix nous relie à la Vérité divine. Chacun d’entre nous peut devenir un porteur de croix dans sa vie terrestre, c’est à dire un être spirituel qui prend fait et cause pour la Vérité transcendante, celle qui élève dans la verticalité, tout en demeurant correctement inséré dans la matérialité, notre vécu horizontal.

Il y a trois façons de qualifier le travail en latin. Tripalium, état d’une personne au travail qui souffre ; Labor, le labeur, ce travail suivi exigeant un effort d'une certaine durée ; Opus, soit l’ouvrage, l’œuvre.

Et si la vie était uniquement un opus à interpréter ?

 

De la responsabilité.

Pouvoir compter sur quelqu'un est le cœur de la responsabilité. Et ce quelqu’un c’est d’abord et surtout nous-même. Cela veut dire que nous avons à être toujours à la bonne place, au bon moment, et que nous faisons ce que nous savons ce qui doit être fait. Nous ne remettons jamais à demain ce qui est à faire aujourd'hui. Tout comme lorsque nous commençons quelque chose d’essentiel, nous allons jusqu'au bout, peu importe les résistances que nous rencontrons. Nous ne sommes jamais découragé par les obstacles, car nous les voyons comme des leçons à apprendre, des pas en avant et des défis à surmonter. Nous sommes aussi stable qu'un roc car la sécurité et la stabilité nous habitent. Nous ne sommes pas affecté par les conditions extérieures, ni par le chaos et la confusion qui nous entourent. Quoi qu'il arrive, nous ne sommes pas en haut un jour et en bas le lendemain. C'est cela être absolument digne de confiance et être quelqu'un sur qui l'on peut compter. C'est être fort et avoir du courage. Alors que nous endosserons de plus en plus de responsabilités en étant digne de confiance, nous deviendrons de plus en plus fort, jusqu'à ce que plus rien ne soit au-dessus de nos forces.

 

Le renouveau du management

 

Le monde de l’entreprise, compte-tenu des affres du management néo-taylorien, est à la recherche du nouveau lien qu’elle peut mettre en œuvre avec les personnes qui s’y investissent, pour concilier sa raison d’être organisationnelle avec l’évolution en cours de l’état de conscience de l’être humain. Elle se doit également de répondre de la meilleure façon qui soit à la perception qu’en ont les nouveaux entrants potentiels. C’est pourquoi on parle désormais du concept d’entreprise dite 3.0, en phase avec les spécificités de l’univers technologique du numérique, voire d’entreprise "hola" ou holistique, du grec holos, soit l’entreprise reliée au tout global.

Cette recherche d'intelligence collective prend fondement sur l'observation de l’organisation autogestionnaire du vivant, qui crée de manière spontanée une multitude de structures d’organisations autogérées et impressionnantes d’efficiences. Elle voit la capacité cognitive d’un groupe d’individus leur permettre d'interagir les uns avec les autres, et former par leurs interactions une organisation plus ou moins complexe. C'est dans le règne animal ce qui s’observe principalement chez les insectes sociaux (fourmis, termites, abeilles) et les animaux communautaires, notamment se déplaçant en formation (oiseaux migrateurs, bancs de poissons) ou chassant en meute (loups, hyènes, lionnes). Loin de fonctionner sur un mode d’organisation semblable à celui qui domine dans nos sociétés humaines, à savoir un système hiérarchique et très centralisé, l'ensemble concerné est un système complexe auto-régulé, capable de s’adapter très facilement aux fluctuations environnementales sans contrôle externe et de manière totalement distribuée.

 

Entreprise dite 3.0, ou comment résoudre les quatre quadrants

Loin d’un énième concept tayloriste recyclé, son système se veut d’abord basé sur le bon sens, c’est-à-dire inclusif, chaque niveau intégrant les niveaux précédents transformés. L’objectif : répondre à un ensemble de questions humaines complexes, car plurielles.

Ces entreprises ont pour caractéristiques :

- Une vision systémique et globale.

- Une agilité pour coller à l’évolution de leur environnement.

- Une conscience de la valeur des "richesses (et non plus ressources) humaines" des collaborateurs qui la composent, autrement appelée la symétrie de l’attention externe/interne.

- Une recherche de l'efficience, soit faire plus avec moins, à partir d’un pilotage mature et pas simplement incantatoire de la transversalité, de la coopération et de la mutualisation des ressources.

- La compétence pragmatique et opérationnelle des parties prenantes.

- L'intelligence collective et coopérative, au sein de nouveaux espaces collaboratifs et délibératifs plus ou moins informels, favorisant la négociation directe des divergences d’intérêt.

- Le fait que l'entreprise n'est pas une collection de personnes "partie prenante", mais une collection de relations entre personnes "partie prenante".

- Une organisation apprenante.

- La "Présence au Présent", c’est-à-dire le retour au réel.

- Le "génie" humain et sa pleine expression : jugement intuitif, pressentiment, création esthétique…

- La confiance et le respect mutuel.

- L’authenticité.

 

Pour une nouvelle conception de la monnaie

Une monnaie qui perd de la valeur avec le temps ne peut être utilisée comme réserve de valeur. C'est ainsi que l'économiste théoricien Silvio Gesell (1862/1930) a dans son ouvrage "L'Ordre économique naturel" imaginé le concept de monnaie "fondante" *, ou franche, ou encore monnaie "estampillée. Elle se veut être une monnaie qui se déprécie avec le temps, selon un coût de demeurage fixe. A l’image des biens de consommation (nourriture, maison, vêtements…), elle perd de sa valeur au fil du temps. Ignoré de la plupart des livres d’histoire de la pensée économique, Silvio Gesell n’en proposait pas moins de faire disparaître le capitalisme financier. C'est pourquoi il était qualifié d’"étrange prophète" par l'économiste libéral John Maynard Keynes. Il est d'ailleurs mort le 11 mars 1930, peu après le Jeudi noir de Wall Street (24 septembre 1929)...

*Un exemple connu de monnaie fondante est la wära, en circulation en 1931 à Schwanenkirchen, une petite ville minière de Bavière.

 

De la structure pyramidale à la structure holomidale

 

L’intelligence collective pyramidale anime encore aujourd’hui une grande majorité de structures humaines, se trouvant au cœur du système politique et économique. Au sein des édifices humains à intelligence collective pyramidale, le travail est divisé, chacun devant se mouler dans un rôle prédéfini. La division du travail a pour corollaire la division de l’accès à l’information, dont la totalité converge vers un point central, tout en étant que partiellement – voire pas du tout – accessible aux autres. On nomme cette propriété panoptisme. L’autorité constitue également un principe actif de cette forme d’intelligence collective : qu’elle soit de droit divin, au mérite ou par filiation, l’autorité instaure une dynamique dite de commande et de contrôle, par une position de dominance généralement institutionnalisée (général, doyen d’université, PDG, etc.). De plus, la monnaie est caractérisée par la rareté, se concentrant entre les mains de quelques-uns. Cette rareté organise les chaînes de subordination de ceux qui ont besoin envers ceux qui possèdent. Si cette intelligence collective fonctionne dans un contexte de forte stabilité, elle démontre une incapacité structurelle à s’adapter aux sols mouvants et imprévisibles. Face à la complexité systémique de notre monde, elle a tendance à s’engager dans des directions contraires aux volontés de ses propres acteurs, soit parce que la coordination interne est virtuellement impossible, soit parce que les dirigeants se servent de l’opacité de fait – voire la cultivent et la légitiment – pour abuser de leurs pouvoirs.

 

Si l'on observe chez l'humain une forme d’intelligence en essaim dans le domaine de l’économie à travers la multitude de transactions simples d’individu à individu, le système collectif en découlant suppose qu’il y ait uniformité et désindividuation des agents. Ces derniers, anonymes parmi la multitude d’autres agents anonymes, y sont facilement sacrifiés au nom de l’équilibre global du système. C’est une idéologie dangereuse, puisque les faits montrent que pour l’instant le système se montre globalement destructeur de notre environnement et peu soucieux des vies humaines.

 

L’intelligence collective en petits groupes met quant à elle en scène un petit nombre de personnes en proximité sensorielle et spatiale les unes vis-à-vis des autres. Elle évite l’opposition entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif, les deux se nourrissant mutuellement. Elle favorise l'individuation des personnes constituant le groupe. Si l’on prend l’exemple d’un groupe de musique, plus le musicien devient individué et se perfectionne, plus le collectif sera nourri. Inversement, plus le collectif est soudé, plus il va amener le musicien à exister.

Ce modèle dit holoptique se définit comme un espace permettant à tout participant de percevoir en temps réel les manifestations des autres membres du groupe ainsi que celles émanant du groupe lui-même. Dans notre exemple, un groupe de musique fonctionne en situation d’holoptisme car chaque musicien perçoit ce que font les autres ainsi que la figure émergente du groupe. En outre, l’une des qualités majeures d’un bon musicien tient au fait qu’il soit capable de se sentir parfaitement relié au reste du groupe, autrement dit au tout, et qu’il y ait une relation de miroir entre lui et ce tout, constituant ainsi la cohésion du groupe.

Cette forme d’intelligence collective rencontre deux limites naturelles : d’une part numérique, car seul un nombre limité de personnes peut interagir efficacement, faute de quoi le niveau de complexité devient trop important ; d’autre part spatiale, car les personnes doivent se trouver dans un environnement physique proche afin que leurs sens organiques puissent communiquer entre eux et que chacun puisse appréhender la globalité de ce qui se passe dans cet environnement donné.

Ce modèle sert de levier à une nouvelle forme d’intelligence en train d’émerger, l’intelligence collective holomidale. Elle se caractérise par des structures peu hiérarchisées, où les rôles émergent des individus. La technologie centrale de l’intelligence holomidale est internet. Elle possède également une structure très décentralisée et distribuée avec le développement d’une économie mutualiste et collaborative où la compétition et l’argent sont beaucoup moins présents que dans l’organisation pyramidale.

 

Le fonctionnement des abeilles

Si les animaux n'ont pas d'espace mental propre, les membres de chaque espèce partagent un espace mental commun, donnant à leur vécu collectif une puissance incontestable. C'est le cas notamment des abeilles, qui fonctionnent en toute intelligence en privilégiant toujours l'intérêt du groupe, ce qui donne à ce dernier une forme d'intelligence supérieure à l'intelligence humaine. C'est "l'esprit de ruche", qui voit l'amour de la communauté primer sur les intérêts et plaisirs égoïstes.

En s'accordant à l'esprit de l'univers, du cosmos, nous pouvons retrouver cette unité qui fait tant défaut à nos modes de fonctionnement.

 

Redonner à l’humain sa pleine raison d’être

 

L’humain ne peut avoir pour finalité première de servir la structure, l’institution, contrairement à la chimère d’une vision matérialiste et mécaniste de la Vie qui, derrière les beaux discours de façade, s’adresse en l’état à des pantins et à des marionnettes. Il ne peut qu’être au cœur et finalité du projet commun entre les individus, à partir d’une dynamique, celle des forces de l’esprit humain, qui transcende les étroites limites de la raison, de la logique apparente, de la structure. Aussi ne nous-étonnons pas que cette conception actuelle du fonctionnement de nos sociétés se traduise malheureusement par cette crise identitaire, douloureuse et coûteuse pour tous. C’est notre âme collective qui est malade.

Mais vouloir changer les hommes, c'est un peu comme si l'on voulait changer la Nature, l'état naturel. Si la multiplicité des actions de sensibilisation, d’accords de prévention et de rapports pour manager le bien-être et combattre le mal être au travail est incontestable, on ne peut pas dire que le véritable changement ait envahi les entreprises et les institutions. Les méthodes qui ne brisent pas les hommes peuvent prendre la place à condition d’être encouragées par un pouvoir politique qui, pour l'instant et depuis longtemps, est largement défaillant. Il y a sans doute une "bonne" raison…

 

Le rapport sur Le bien-être et l’efficacité au travail remis au Ministre du Travail en février 2010 traite de la nécessaire sensibilisation des directions générales et des conseils d'administration sur les problèmes de santé au travail. C'est d'autant plus crédible que deux des trois auteurs occupent de grandes responsabilités dans les entreprises privées. Ils insistent sur la formation initiale comme continue, insuffisante, des managers amenés à encadrer des équipes. Pour les auteurs, "les hommes constituent la principale ressource stratégique de l’entreprise. La responsabilité des dirigeants sur ce sujet est primordiale : d’abord pour définir et mettre en œuvre une véritable politique de santé, en repensant notamment les modes de management, d’organisation et de vie au travail. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne peut pas s’externaliser. Au quotidien, le manager de proximité, qui organise le collectif de travail et prend les décisions au plus près des salariés, en est le premier garant. Le manager de proximité ne doit pas être simplement une courroie de transmission. Il doit disposer de marges d’adaptation et de décision pour optimiser l’efficacité et la cohésion de son équipe." Quelques mois plus tard, en octobre 2010, un autre rapport a été édité par une mission du Sénat : "Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l’action." Si le diagnostic est très bon, l'action reste en l’état une espérance. Dans le domaine du management, la mission souligne "le rôle important des managers pour améliorer le bien-être des salariés qu'ils ont la responsabilité d'encadrer. Souligner leur responsabilité ne doit pas conduire cependant à les stigmatiser ; ils peuvent eux-aussi être concernés par la souffrance au travail, celle-ci étant souvent à la hauteur de leur implication dans la vie de l'entreprise. C'est plutôt l'insuffisance ou l'inadaptation de leur formation qui doit être mise en cause." La deuxième recommandation consiste à revenir aux fondamentaux du management, ce qui implique de redonner toute leur place aux comportements individuels*, au détriment des procédures, et de revenir sur certains excès en matière d’individualisation.

* C'est la raison d'être du développement personnel ou comment avoir confiance en soi pour être capable d’exploiter tout son potentiel, qui fait de plus en plus partie des actions de formation proposées dans les entreprises. Le développement personnel permet de développer les compétences et la personnalité, tâche qui ne peut être entreprise que par soi-même. Cette discipline permet de se développer de façon quasi autonome, à partir de bases et de techniques appropriées.

 

Ces deux rapports comportent tous les éléments à mettre en œuvre pour d'une part accompagner les manageurs dans leurs tâches ingrates et difficiles, et d'autre part ménager les femmes et les hommes au travail. Mais les rapports passent, et l'absence de volonté politique demeure. 

 

La qualité du travail comme fondement

 

Si l’on part de l’idée, qui devrait constituer une évidence, selon laquelle le management ne peut se penser et par là réussir sans les hommes et les femmes dont il organise l’action et à plus forte raison contre eux, on se doit d’affirmer que c’est par la recherche de la qualité du travail, source de son sens, que commence le management. Pour le dire autrement, la mobilisation des ressources humaines n’est pas un sous-produit des arrangements organisationnels, mais elle en est le cœur. À l’heure où motivation, engagement et réalisation dans son travail sont devenus une nécessité affirmée pour garantir l’efficience des services produits, le management doit sortir des visions technocratiques et mécanistes qui l’ont souvent animé pour en tirer les conséquences : ce sont les hommes et les femmes qui y sont employés qui font et feront la raison d’être de l’organisation, et non l’inverse.

Il est impératif de rapprocher les manageurs des équipes, de prôner la transparence des objectifs et des organisations, et de laisser aux cadres de proximité la latitude nécessaire. Que l'on soit cadre ou pas, il apparaît que la liberté d’organiser le travail prescrit est un facteur essentiel d'un bon management. Refonder le management, c'est desserrer les filets de contraintes, apprendre à lâcher prise, et instiller des espaces de confiance et d'autonomie. C'est réintroduire la grandeur et la visibilité du 'travail réel", seul créateur de valeur, qui s'exprime notamment au sein de communautés de pratiques professionnelles.

Une forme de tolérance d'un désordre intelligent au service de la performance bien pensée de l'entreprise serait en voie d'émergence. On peut ainsi penser, dans une perspective optimiste et prometteuse, que ce cheminement vers un nouveau cycle managérial, entrouvre une fenêtre vers un nouveau monde en partage, basé sur la confiance et la solidarité. En faisant toutefois le pari que cette gouvernance prometteuse fondée sur "l'esprit communautaliste" saura s'imposer aux excès du gouvernement par les process.

 

Le ménagement plus que le management

 

L’étymologie du terme management est dans une première acception part du mot "manager" qui signifie contrôler ; dans une seconde, il se rapporte à ménager, c’est-à-dire soigner, prendre soin, cultiver. Si la notion de contrôle est parfaitement huilée, celle de soigner ou de cultiver est totalement absente. C’est cette dimension qui fait aujourd’hui défaut : l’humain n’est pas ontologiquement présent dans le management. Si les écoles de management enseignent des méthodes et en présentent les objectifs comme les risques, elles ne permettent pas l’appropriation de leur sens profond au service du bien-être.

Une vision différente du management, garant des conditions de bien-être et de performance tout en étant le meilleur investissement pour la rentabilité de l’entreprise, passe par des responsables apprenant à se ménager du temps, en dehors des réunions, en dehors des appels téléphoniques, en dehors de la lecture des e-mails, pour réellement comprendre ce qu’il y a dans la tête des hommes et des femmes qu’ils dirigent, tout en réfléchissant sur leur propre mode de fonctionnement relationnel ; du temps pour les écouter, du temps pour apprendre ; du temps pour enseigner.

La question essentielle porte sur le comment. Faut-il absolument des formations initiales de cadres ? Faut-il entretenir cette dichotomie entre le cadre et le métier ? Et la formation des directeurs des ressources humaines, en souhaitant qu'elle intègre davantage les sciences humaines et sociales, apparaît incontournable. Si l'organisation du travail mérite des leaders, des manageurs qui mènent des équipes avec ménagement, l'objet travail doit se libérer de toute contrainte hiérarchique. À cet effet, il convient de distinguer ceux qui organisent la production et ceux qui la réalisent.

L'objet du travail dépasse toute relation hiérarchique, et c'est ainsi qu'il fera sens dans les esprits de tous ceux qui en seront les acteurs. Le travail n'est donc pas l'exercice d'un pouvoir mais la réalisation d'un objet. Ainsi, lorsque le bon ouvrier deviendra contremaître, la secrétaire cadre, ou l'ingénieur manageur, ils ne pourront faire l'économie d'apprendre le nécessaire management. Ajouté à leurs compétences et expériences professionnelles, ils comprendront l'impact de leurs décisions sur ceux qui les reçoivent. Le maniement d'un outil ou d'une technique ne nécessite pas les mêmes apprentissages que l'organisation des hommes au travail. Pour donner du sens, pour devenir des pédagogues du travail, il faut à nouveau accepter d'être un élève, d'enrichir la faiblesse de ses certitudes et la richesse de ses doutes.

À la vision traditionnelle du travail par le diplôme, les débouchés, le marché du travail, la sécurité, la reconnaissance, la rémunération… la compréhension première de ses ressources, dons, talents et passions, et aussi de ses blocages, apparaît déterminante. Car le plus grand gâchis dans le monde est la différence entre ce qu’est la personne et ce qu’elle pourrait être ou devenir. Y répondre permet de retrouver le chemin du sens, individuel comme collectif, avec toutes ses conséquences sur le plan du bien-être et de l’efficacité.

 

Les quatre clés du renouveau du leadership

 

Quatre clés essentielles ouvrent la voie d'un leadership fructueux dans ce monde en profonde mutation, permettant la construction d'une nouvelle culture indispensable à la poursuite de l'évolution de l'humanité.

 

La première s'appelle confiance. Confiance en soi d'abord, pour dépasser la peur autobloquante et paralysante, celle de la critique, du ridicule, de l'échec. C'est être vraiment soi, pour exprimer ses dons, talents, aptitudes et potentialités. Confiance dans l'autre et les autres ensuite, pour partager dans le respect l'aventure commune, celle de la coopération, et libérer toutes les énergies créatrices.

La confiance repose sur un choix, celui de se sentir en harmonie avec un Univers bienveillant et protecteur, sans crainte du lendemain qui n'est que l'illustration de notre propre manque de confiance.

 

La deuxième clé s'appelle but. Il nous est spécifique, enfoui au plus profond de nous-même. Il donne sens à notre expansion, dans la joie, dynamique et confiance en la vie. Il nous fait rayonner, permettant de déployer notre singularité de manière naturelle et fluide. Il contribue à notre lâcher-prise sur d'autres objectifs séduisants socialement (gloire, argent, prestige...) mais non nourriciers sur le plan de notre réalisation existentielle, voire destructeurs. En vivant en adéquation avec notre but de vie, nous côtoyons le sublime et nous épargnons l’inutile.

 

La troisième clé se nomme vision. Sa création, qu'elle soit individuelle ou collective, déclenche la mise en route d'énergies porteuses, à partir de notre détermination résolue et de notre confiance. Synchronicités, coïncidences, opportunités, intuitions, pressentiments... la vision claire et cohérente attachée à un but voit se dérouler le mécanisme du vivant lorsque tout est aligné, raccord. Il n'y a pas nécessité de mise en tension, d'effort et de lutte, syndromes de la peur, du doute, du rationnel exacerbé.

 

La quatrième clé est l'acceptation et la maîtrise du mouvement, entre action et rétroaction. Quelle que soit l'application mise dans la construction d'un plan d'actions volontariste, qui flatte notre orgueil et nous rassure, les mesures prises rencontreront succès comme insuccès, chance comme malchance, aide comme opposition, appui comme obstacle. La décision essentielle est intérieure, le suivi de notre sentiment profond du but à atteindre. Le reste appartient à la dynamique de fonctionnement même de la vie, qui ne peut être que bienveillante si nous la considérons comme telle dans sa raison d'être profonde. Seul compte notre état de joie, celui d'être dans le flux d'une vie qui nous enseigne, et non dans une lutte qui nous épuise.

 

Retrouver le sens profond

 

Si le monde du travail s'est profondément modifié en quarante ans, l'homme au travail est doué des mêmes sens, de la même intelligence, du même pouvoir créatif, à la condition d'en libérer l'expression. Ce sont les méthodes d'organisation qui ont volontairement détourné ce sens et cette intelligence du travailleur à des fins essentiellement cupides et prédatrices. Les pourfendeurs du bon sens ont cru que l'endoctrinement idéologique et la terreur pouvaient être sans limite afin d'obtenir des ressources humaines le meilleur des profits - profits devant être entendu ici comme une rentabilité financière. Comme toute tentative désespérée tout au long de l’histoire humaine d’en contrôler la finalité, ils arrivent aujourd’hui au bout de la course. Le management, et bien sûr l’entreprise, vont progressivement reprendre le chemin du bon sens.

L'histoire de l'homme est ainsi faite que le totalitarisme ne peut survivre au bon sens. C'est une période du capitalisme qui s'achève et qu'il faut donc accompagner. Il y aura bien toujours les bourreaux du travail, au sens propre comme figuré, qui ne voient en l'homme que le privilège qu'ils peuvent en tirer. Progressivement, les modes de management plus adéquats, plus humains, gagnent du terrain dans le monde de l'entreprise. Pour que le travail finisse par reprendre sa juste place, celle de l'intégration, de l'utilité sociale, de l'émancipation du plus grand nombre. Aux combats de toujours contre la barbarie, sous toutes ses formes, l’évolution continue de l’humanité tend inexorablement vers sa source première, l’unicité. Et seule l’énergie d'amour est le facteur unifiant de l'univers.

 

 

"Quand l’accumulation de la richesse ne sera plus d’une grande importance sociale, de profondes modifications se produiront dans notre système de moralité. Bien entendu, il y aura encore bien des gens dotés « d’intentionnalité » puissante et inassouvie, qui poursuivront aveuglément la richesse, à moins qu’ils ne sachent trouver un substitut acceptable. Mais nous ne serons plus obligés de les applaudir et de les encourager."

 John Maynard Keynes - Économiste et essayiste britannique (1883/1946)

 

 

 

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